Fiscalité - Les conditions d'un dégrippage

 

L'Union sociale pour l'habitat préconise une remise à plat des taxes pour accompagner la production HLM.

 

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Raphaële d’Armancourt, cheffe du pôle Politiques territoriales et urbaines à l’Union sociale pour l’habitat (USH).

« A cadre fiscal constant, la machine se grippe. » Le fatalisme apparent cache l'optimisme raisonné de Raphaële d'Armancourt, cheffe du pôle Politiques territoriales et urbaines à l'Union sociale pour l'habitat (USH) : le mur de la rente foncière se lézarde, sous la poussée de la demande de logements sociaux.

La cheffe de pôle de l'USH en rappelle le mécanisme : plus le rentier attend, plus son bien se valorise et plus ses prélèvements fiscaux diminuent au moment de la cession. Les politiques mises en place pour contrecarrer ce phénomène ont toutes échoué sur les écueils que sont le risque d'impopularité et le manque de connaissance de la réglementation. Seules une trentaine de collectivités locales utilisent leur droit à jouer sur le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB). Il s'agit essentiellement de métropoles, poussées par des services ayant adopté cet outil fiscal de maîtrise foncière, constate l'USH.

Soumises aux aléas annuels des lois de finances, les incitations nationales n'ont jamais bénéficié d'un temps d'application suffisant pour jouer leur rôle. « Le temps de l'urbain s'accorde mal avec celui de l'annualité budgétaire. On monte un projet dans un cadre donné, il trouve son issue dans un autre », soupire Raphaële d'Armancourt. Le produit de la TFPNB découlant des loyers des années 1960, sa déconnexion par rapport à la valeur réelle des biens devient de plus en plus criante. Ce constat conduit l'USH à proposer de jouer sur l'assiette, pour augmenter ce produit. « Une taxe annuelle plus élevée inciterait les propriétaires à moins attendre », soutient Pascale Loiseaux, à la direction juridique et fiscale de l'USH.

Privilégier le long terme. Après la propriété non bâtie, le second cheval de bataille fiscal de l'USH concerne le régime des ventes d'immeubles privés destinés à la location sociale. Suite à la crise des subprimes, les transactions sous forme de ventes en l'état futur d'achèvement (Vefa) avaient permis aux promoteurs de purger leur stock. Depuis, les vannes ainsi ouvertes au détriment de la maîtrise d'ouvrage directe des organismes ne se sont jamais refermées. « Nous ne sommes pas vent debout contre la Vefa, mais nous considérons que la fiscalité doit privilégier les bailleurs sociaux qui voient l'intérêt à long terme des locataires avant leur marge immédiate », argumente Raphaële d'Armancourt.

« Le temps de l'urbain s'accorde mal avec celui de l'annualité budgétaire. On monte un projet dans un cadre donné, il trouve son issue dans un autre » Raphaële d'Armancourt, cheffe du pôle Politiques territoriales et urbaines à l'Union sociale pour l'habitat (USH)

Troisième frein fiscal identifié par l'USH, la suppression de la taxe d'habitation équivaut à la goutte d'eau dans un vase prêt à déborder. Ajoutée à l'abattement de la taxe foncière sur la propriété bâtie (TFPB) appliquée par l'Etat depuis 2017, cette mesure anéantit l'intérêt des collectivités à jouer leur rôle d'aménageur. La viabilisation des terrains et la construction d'équipements publics restent à leur charge, sans contrepartie. Ce vide profite aux constructions diffuses, au détriment des opérations publiques d'aménagement : la part relative de ces dernières dans la production immobilière ne cesse de diminuer, après avoir culminé à 35 % en 2017, selon les données recueillies par le club Ville Aménagement. Cette tendance va à l'encontre de deux politiques publiques sur lesquelles se joue la crédibilité de l'Etat : la relance du logement social et la lutte contre l'artificialisation des sols.

Débloquer l'obstacle foncier. D'où l'espoir placé dans des mesures longtemps considérées comme trop révolutionnaires, et aujourd'hui défendues jusque dans la majorité parlementaire, ainsi que l'ont montré en 2019 les propositions du député Jean-Luc Lagleize pourdissocier le foncier et le bâti. « Les lignes bougent », prophétise Raphaële d'Armancourt. L'USH voit dans la loi de finances 2022 l'occasion d'un test de la volonté du législateur.

L'inversion de la progressivité des abattements fiscaux en zones constructibles constituerait selon elle le levier le plus efficace pour un déblocage rapide de l'obstacle foncier à la construction de logements sociaux. A condition que cette réforme coïncide avec une stabilisation des règles du jeu, sans laquelle elle ne constituerait qu'une brique de plus dans un monument de complexité fiscale.

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