Dans les 28 départements du bassin Seine-Normandie, les 10 000 points de vente recensés par le syndicat de commerçants Perifem se trouvent en première ligne. En application du programme Eau et climat de l’agence de l’eau, ils disposent des outils techniques et des aides financières pour remettre leurs eaux pluviales au service du vivant, sur leur 2500 hectares de surface cumulée.
Audace en Seine Normandie
Intitulé « Eaux et biodiversité dans les espaces commerciaux », le guide technique publié en début d’année résulte d’une singularité de l’Agence de l’eau Seine-Normandie : « Nous avons décidé d’associer les acteurs économiques à notre programme Eau et climat, doté de 210 millions d’euros entre 2019 et 2024 », souligne Valérie Calderon, coordinatrice des actions de l’agence dans l’économie et le commerce.
Membre du comité de bassin et délégué général de Perifem, Franck Charton n’a pas hésité à se saisir de la perche tendue. Le partenariat a rencontré la conviction professée de longue date par Jean-Marc Bouillon, co-signataire du guide, président du bureau d’études Takahe Conseil et ancien président de la fédération française du paysage : « Le domaine public ne couvre que 20 % de la surface des villes. Seule la mobilisation des 80 % restants permettra de généraliser les infrastructures vertes dans le domaine du traitement de l’eau, avec une économie de 15 à 20 % par rapport aux solutions héritée du XXème siècle ».
Gare aux dogmes !
Atteindre l’efficacité optimale au juste prix suppose une ingénierie hydraulique indépendante des lobbies industriels qui se bousculent à la porte des maîtres d’ouvrage, comme le rappelle l’autre signataire du guide technique, Michel Bénard, président du bureau d’études Elleny : « Il faudra des années d’accompagnement pour mettre en garde contre les solutions dogmatiques », prévient-il. L’exemple récent d’une grande surface bretonne éclaire sa position : « Leur projet initial revenait à 866 euros par m3 déconnecté, alors que nous proposons 70 euros ».
Quitte à bousculer des idées reçues, l’ingénieur et le paysagiste vont jusqu’à recommander des enrobés ruisselant vers des espaces verts filtrants en aval des parkings, plutôt que des dalles alvéolaires ultralégères et onéreuses, qui entravent les services que les eaux pluviales peuvent rendre à la biodiversité. Les deux concepteurs proposent d’évaluer les projets à travers le calcul d’un coefficient de transparence hydraulique, associé à un coefficient de naturalité.
Objectif 50 projets cette année
L’accompagnement constitue le maître mot de la phase opérationnelle qui s’annonce, après la publication et la diffusion du guide, lors d’un webinaire proposé le 28 janvier dernier par l’agence de l’eau. Avec les mêmes prestataires, cette dernière annonce pour la rentrée 2021 la finalisation d’un vademecum qui guidera les rédacteurs des appels d’offres des adhérents de Perifem, après un second webinaire programmé en juin. Parallèlement, Takahe Conseil et Elleny assureront une prestation d’assistance à maîtrise d’ouvrage.
« Nous espérons le lancement d’une cinquantaine de projets, d’ici à 2024 », annonce Christine Bourge, chargée de mission Environnement du syndicat. Cette dernière pronostique une grande majorité d’extensions et de rénovations, compte tenu des restrictions aux constructions commerciales neuves consécutives au projet de loi Climat et résilience. « La multiplication des bornes de recharge électrique et des ombrières solaires créera autant d’opportunités pour revoir la conception de nos parkings », annonce Franck Charton.
Essaimage en vue
A la clé, les maîtres d’ouvrage bénéficieront des taux de subvention de 40 à 60 % pour les travaux favorables à l’infiltration et à la végétalisation, selon un barème qui privilégie les plus petits d’entre eux. Parallèlement, l’agence de l’eau Seine-Normandie entend montrer l’exemple, pour mettre ses propres parkings à l’heure de la réconciliation avec la nature. L’agence de l’eau Loire Bretagne prend le même chemin sur son site d’Orléans, et les nombreux échos au webinaire du 28 janvier laissent présager un essaimage de l’initiative séquanienne.