Printemps 2008 : les conclusions des COMOP en charge des questions liées aux consommations énergétiques des bâtiments lors du Grenelle de l'environnement sont retranscrites dans le projet de loi d'orientation et de programmation dit Grenelle 1.
du projet de loi propose alors de fixer à 50 kilowattheures d'énergie primaire par an et par mètre carré (kWhep/m²/an), modulable en fonction de la localisation, des caractéristiques et de l'usage des bâtiments, le seuil maximum de consommation pour tous les usages (chauffage, refroidissement, production d'eau chaude sanitaire, éclairage et ventilation) de toutes les constructions neuves faisant l'objet d'une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2012.
Evite l'"assassinat"au Parlement
Automne 2008 : le projet de loi passe à l'Assemblée nationale. L'article 4 est alors modifié par un amendement, dit Ollier, âprement négocié, mais qui finalement autorise déjà une modulation du seuil « pour les énergies qui présentent un bilan avantageux en terme d'émissions de gaz à effet de serre». Du côté des participants aux COMOP et des ONG, on souffle. Le député Patrick Ollier proposait initialement de passer à une consommation maximum de 50kWh, comptabilisée en énergie finale et non en énergie primaire. Pour les observateurs attentifs comme Thierry Salomon, président de l'association Négawatt, "l'assassinat" avait été évité. Prudent, il nous confiait qu'il continuerait à être vigilant, conscient que "le diable peut toujours se loger dans les détails".
De nouveau menacé au Sénat
- mis en ligne sur le site du Sénat - du sénateur UMP des Yvelines, Dominique Braye, tente à nouveau de revoir les objectifs à la baisse. En proposant d'insérer les mots "pour le chauffage" après les mots : d'énergie primaire, dans la première phrase du troisième alinéa (a) de l'article 4, il s'agit, sous des allures de détails lexicaux, d'une remise en cause profonde du consensus issu des discussions du Grenelle, qui est à l'œuvre.
Le sénateur explique qu' "en l'état actuel des techniques disponibles et compte tenu des progrès envisageables d'ici deux ou trois ans, il est difficilement envisageable que les logements chauffés à l'électricité et produisant leur eau chaude à l'aide d'un ballon soient en mesure de respecter cette norme" et propose explicitement, "pour ne pas condamner la filière électrique qui équipe près des trois quarts des logements neufs (...) de n'appliquer le seuil de 50 kWh (comptabilisé en énergie primaire par mètre carré et par an) qu'aux seules consommations de chauffage".
Seraient donc exclues les consommations d'électricité pour la lumière, la production d'eau chaude, le refroidissement et la ventilation, ce qui pourrait facilement doubler le seuil des consommations prévu initialement. Autrement dit, on ne pourrait plus parler de .
Marc Jedlizcka, expert de l'association Négawatt et membre du Réseau Action Climat (RAC), rappelle que "La commission des affaires économiques du Sénat - dont M. Braye est le secrétaire, ndlr - avait assuré qu'elle ne toucherait plus à cet article 4, ainsi que le ministère du développement durable". Autant dire que ce nouveau coup porté à ce fameux article 4 a un goût amer.
Le nerf de la guerre
Derrière cette nouvelle attaque se cache une filière électrique handicapée dans le cadre de la réglementation thermique à venir. Le rapport élevé entre de la filière, dans la mesure où la consommation d'un logement est calculée à partir de l'énergie finale ramenée en énergie primaire, pénalise les sources de production d'énergies électriques. Pour Dominique Braye, le calcul de ces consommations fait l'objet, pour l'électricité, d'un coefficient de transformation de l'énergie finale en énergie primaire de 2,58, et Marc Jedlizcka parle lui aussi d'un rendement particulièrement faible - de 30 % environ - entre l'énergie primaire utilisée et l'énergie finale.
Cependant, l'expert de Négawatt souligne à juste titre qu' "un bâtiment basse consommation, c'est d'abord une enveloppe la plus étanche possible, indépendamment de la source d'énergie utilisée". Pour lui, "si cet amendement passe, on arrête de parler du Grenelle pour le bâtiment. C'est une arnaque, on aura trimballé les gens".
"Un amendement de repli"
Mais Dominique Braye a une autre flèche a son arc. Au cas où l'amendement 157, visant à ne comptabiliser que le chauffage dans le seuil des 50 kWhep/m2/an, ne passe pas, il a déposé un autre amendement sur l'article 4- - qu'il qualifie lui-même "de repli". Dans cet amendement, il s'attaque à la comptabilisation en énergie primaire, tout comme l'avait tenté avant lui Patrick Ollier, lors du passage du projet de loi au Parlement. Concrètement, il propose de comptabiliser les consommations de chauffage en énergie primaire et de comptabiliser les autres consommations (eau chaude sanitaire, éclairage/ventilation) en énergie finale, toujours, dit-il, dans l'objectif de parvenir à un traitement équitable des différentes filières énergétiques.
En tout cas, l'objectif qui risque d'être atteint, si l'un des deux amendements est adopté, c'est sans doute, aux yeux des participants, de porter un coup au processus du Grenelle de l'environnement et de faire des déçus.