Depuis quand êtes-vous mandataire MaPrimeRénov’ ?
En 2020, nous avons créé une structure, Helio Finance Réunion, pour aider nos installateurs en solaire thermique clients d’Heliofrance à mieux s’emparer de MaPrimeRénov’ en vue de développer et démocratiser l’utilisation de solutions solaires thermiques en France, notamment vis-à-vis des foyers en grande précarité énergétique. Nous sommes donc devenus mandataires MaPrimeRénov’ auprès de l’Anah. Nous avions demandé un mandat mixte, à la fois administratif et financier, pour pouvoir suivre de près nos dossiers. Suite à une erreur de traitement de la part de l'Anah, nous avons reçu deux mandats séparés. Nous avons réussi finalement à faire évoluer notre statut début 2023.
Le dispositif a-t-il bien fonctionné au démarrage ?
On nous a garanti des délais de paiement de trois mois au maximum. Mais le dispositif a toujours fonctionné cahin caha. Certains dossiers sont débloqués en 15 jours quand d’autres attendent toujours au bout de 250 jours, sans qu’on sache pourquoi ! Nous n’avons aucun retour, aucune information sur la raison d’un blocage. Cela nous a immobilisé 9 M€ de trésorerie en 2022. A fin mars 2023, nous avons plus de 7,5 M€ de dossiers bloqués, dont 4 M€ depuis plus de 90 jours. L’Anah ne nous apporte aucune réponse, car ces dossiers ont été ouverts en tant que mandataire financier, et en tant que tel, aucune réponse ne peut être apportée par nos interlocuteurs.
Helio Finance Réunion : ce nom fait-il référence à des activités dans les DROM ?
Oui, et le sujet DROM est particulièrement croustillant ! Nous avions effectivement à l’origine créé Helio Finance Réunion pour le marché des DROM, La Réunion puis les Antilles. Nous en sommes vite sortis. Le marché du solaire thermique est porté par des offres à 1 €, dans des conditions pas toujours acceptables. Mais en plus, l’Anah a refusé 25 % des dossiers parce que les clients ne répondaient pas, soit 350 000 € !
Il faut bien comprendre la procédure. Toutes les pièces sont contrôlées en amont, avant validation du dossier. Le client fournit entre autres sa carte nationale d’identité, sa taxe foncière, le devis signé et le PV de réception signé. Mais après les travaux, l’Anah l’appelle (sans toujours tenir compte du décalage horaire), en numéro masqué, pour vérifier qu’il a bien consenti aux travaux. Je ne vois pas comment quelqu’un qui n’aurait pas consenti aurait laissé faire tout ça. Si le particulier ne répond pas, le dossier est rejeté, sans aucune possibilité de recours.
Certains dossiers sont même refusés à cause d’une différence d’adresse alors que la maison est située à un angle de rue et a deux numérotations, ou à cause d’un nom composé qui n’est pas intégralement repris dans l’un des documents !
Il s’agit de lutter contre la fraude, ça peut s’entendre ?
Ca ne lutte hélas contre rien du tout. Aux Antilles, le marché du solaire thermique fait l’objet de fraudes massives parce que l’Etat ne croise pas les fichiers entre ses différents dispositifs. Et en métropole, on voit fleurir sur nos toits des thermosiphons pas du tout adaptés à nos climats, voire des produits subventionnés qui ne sont pas du solaire thermique. Nous envoyons très régulièrement des comptes-rendus à l’Anah de ce que nous observons, sans grand effet… Nous faisons la chasse aux produits frauduleux en documentant nos dossiers transmis à l’Anah sans que nous ne voyions des suites concrètes lors de mise à jour de critères d’éligibilité notamment. Nous n’avons aucun retour des services concernés de l’Anah, ce qui est désespérant car nous luttons, à notre échelle, contre l’utilisation massive de produits frauduleux (CESI & SSC) ou la mise en œuvre de produits non conformes aux arrêtés (SSC et coup de pouce chauffage par exemple).
Quelle est la situation économique d’Heliofrance ?
Nous n’avons plus la trésorerie pour assurer les avances de MaPrimeRénov’ à nos installateurs. Ces derniers vont donc se fournir ailleurs, là où ils trouvent ce relais. Nous sommes dans une impasse, et si l’Anah ne règle pas rapidement la situation, nous allons devoir licencier la moitié de nos effectifs, soit une quinzaine de personnes, d’ici au mois de mai. Cela aura immanquablement des répercussions également chez nos installateurs partenaires qui ont déjà commencé, pour certains, à licencier des équipes de poseurs.