Guillaume Pepy, président de la SNCF « La SNCF est au service du Grand Paris »

La conception d’un réseau de transport ferroviaire – un train ou un métro rapide, maillé et cadencé – est au cœur de l’élaboration du Grand Paris. Le président de la SNCF nous en livre les grands principes.

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Comment la SNCF s’implique-t-elle dans le Grand Paris ?

Notre rôle, c’est d’abord de faire ce qui est décidé par l’Etat, la région Ile-de-France et les départements. Le Grand Paris est une fantastique mise en perspective de notre travail de tous les jours au service des Franciliens.

Je peux affirmer que la SNCF sera toute entière au service du Grand Paris. Toutes nos équipes sont concernées : les services qui s’occupent des RER et du Transilien bien sûr mais aussi ceux qui développent les infrastructures, les gares et la multimodalité.

En quoi le Grand Paris est-il un enjeu pour vous ?

Le Grand Paris esquisse ce que peut être la métropole de demain. Ce projet marque un retour en force du transport collectif, qui devient désormais une priorité absolue. Le futur réseau de transport de la région capitale ne prévoit ni pénétrante supplémentaire ni voie autoroutière nouvelle. C’est à partir de cette vision que la SNCF peut structurer son action dans tous les domaines où elle est impliquée. C’est un projet extraordinairement motivant.

Quel est le principe qui sous-tend le futur réseau de transport ?

Le principe majeur est de mettre en place un réseau de nouvelle génération, maillé et rapide, fédérant toute la métropole. L’objectif de relier un point à l’autre de l’Ile-de-France en trente minutes au maximum impliquera une vitesse de déplacement plus rapide. Mais il s’agit aussi de faire converger toutes les mobilités sur le réseau des gares qui faciliteront des correspondances courtes et deviendront de vrais lieux de vie.

Quelle innovation vous semble particulièrement intéressante ?

Permettre au Grand Paris de bénéficier du réseau de la grande vitesse. Ce qui veut dire qu’il faut réaliser rapidement l’interconnexion des TGV sud-est et sud-ouest dans l’Essonne, avec une gare TGV à Orly qui doit être un nouveau hub entre l’avion et le TGV. Le sud de l’Ile-de-France sera alors connecté à toute la France et à l’Europe, sans avoir besoin de passer par le centre de Paris. Même chose pour le nord avec la création d’une gare TGV au Bourget ou à Saint-Denis et à l’ouest avec La Défense qui devient gare TGV, reliée à la Normandie et au Havre d’un côté et, comme nous le proposons, à Roissy de l’autre. Le centre d’affaires sera alors connecté directement à Londres et à Bruxelles.

Vous évoquez aussi un nouveau concept de gares ?

Les nouvelles gares TGV ne seront plus des gares terminus mais des gares traversantes. Et la trentaine de gares à créer ou à aménager pour le futur réseau de transport du Grand Paris seront toujours des gares de connexion, notamment avec tous les modes doux : train, tram, vélo en libre-service, autopartage, voiture électrique.

Ces trente gares seront aussi des lieux accueillant des services et des commerces de proximité. Et autour des gares, des pôles de développements nouveaux pourront se constituer.

Quelles sont les urgences ?

La réalisation du réseau de transport du Grand Paris se fera par phases. L’urgence, c’est de traiter le réseau actuel. On va commencer par rénover ce qui existe, c’est-à-dire le RER B dans sa partie nord, le RER C et le RER D. Ce plan d’urgence, définitivement arrêté les 7 et 8 juillet, représente 1 milliard d’euros d’investissement pour augmenter la capacité du réseau : signalisation, aiguillages, alimentation électrique, garages de rames, points de terminus. Il s’agit de faire passer 10 à 15 % de trains en plus, tout en améliorant leur régularité. A ce milliard pour les infrastructures, il faut ajouter 1 milliard pour le matériel roulant.

La deuxième étape concernera la prolongation du RER E (Eole) à l’ouest par un tunnel de 8 km jusqu’à La Défense, puis à l’air libre jusqu’à Mantes. L’investissement représente 2 milliards d’euros pour la partie infrastructures et 1 milliard pour le matériel roulant, avec une première échéance en 2015. A cette date, nous aurons un nouveau système pour faire circuler les trains, de façon à ce qu’ils puissent être à la fois plus fréquents et plus rapides.

Des équipes d’urbanistes de la consultation sur le Grand Paris ont pointé certaines incohérences dans l’organisation actuelle du réseau de transport du fait de l’existence de deux opérateurs, SNCF et RATP…

Je ne crois pas aux vertus d’un monopole du transport collectif en Ile-de-France, au moment où le ferroviaire s’ouvre à la concurrence. La SNCF est le premier opérateur de trains en Grande-Bretagne !

Pendant longtemps, la SNCF et la RATP sont apparues rivales : ce temps-là est fini. Il y a du travail non seulement pour deux mais pour plusieurs opérateurs. Les frontières vont s’ouvrir entre les modes de transport et entre les périmètres : la RATP pourra faire du train et Keolis, filiale de la SNCF, fait déjà du métro automatique. Dans son discours du 29 avril à la Cité de l’architecture, Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il souhaitait que « la RATP et la SNCF travaillent opérationnellement ensemble » : nous nous organisons pour cela.

Que pensez-vous de la proposition de l’équipe Portzamparc de déplacer les gares du Nord et de l’Est en bordure du périphérique à Aubervilliers ?

C’est une idée fascinante. Mais il faut se rendre compte que le déplacement d’une gare entraîne celui d’un faisceau ferroviaire de quarante voies et de leur prolongement, sur plusieurs kilomètres, jusqu’à leur réduction à quatre ou six voies.

Plutôt que d’enlever des gares TGV du centre de Paris, où elles apportent tant de vitalité, je préfère en créer d’autres, pour donner à tous les habitants du Grand Paris la même facilité d’accès au réseau à grande vitesse européen.

La SNCF pourrait-elle céder certaines de ses réserves foncières à des fins d’urbanisation ?

La SNCF dispose effectivement d’emprises foncières importantes. Nous travaillons à la rationalisation de cet outil industriel en liaison avec Réseau ferré de France, avec deux objectifs : d’une part, permettre le développement du réseau lui-même, et d’autre part, permettre aux villes environnantes de se développer et d’organiser de façon plus harmonieuse leur rapport avec le monde ferroviaire.

Mais, la plupart du temps, heureusement qu’on a gardé ces réserves foncières ! Derrière la Grande Arche de La Défense, par exemple, le faisceau ferroviaire existant va nous permettre d’accueillir le RER E et le TGV. Nous avons toujours le souci de regarder, avant de céder du terrain, si on peut l’utiliser pour améliorer les transports.

Vous parlez de train rapide urbain alors que jusqu’à maintenant, on a surtout évoqué un métro rapide automatique…

Je ne pense pas qu’il faille opposer ces termes. J’utilise aussi le mot « train » car il ne pourra pas s’agir d’un métro comme on l’entend dans Paris, qui s’arrêterait tous les 800 m en roulant à 80 km/h. Il faut pouvoir rouler jusqu’à 180 km/h pour atteindre une vitesse commerciale de 120 à 150 km/h. Il faudra bien relier La Défense et Roissy en 20 minutes, et pas en 45 minutes.

Et « train rapide urbain », ça ne veut pas dire que SNCF. Cela peut aussi vouloir dire Transdev, Veolia ou RATP. Mais ce système de transport devra être rapide. Je vous rappelle à nouveau les propos du président de la République : un système de transport « rapide, cadencé, à haut-débit et maillé ».

Quelle est votre position sur le débat entre transport souterrain ou transport à l’air libre en viaduc ?

Là encore, je n’ai pas d’a priori. Tout le monde était parti sur l’idée d’un système de transport souterrain, puis certaines équipes de la consultation sur le Grand Paris ont lancé l’idée que des transports aériens permettraient de mieux découvrir l’Ile-de-France. Cela montre le caractère innovant, non conventionnel, et même subversif du projet Grand Paris ! En vérité, comme pour toute infrastructure nouvelle, le pragmatisme guidera les concepteurs de ce réseau.

Est-il envisageable de traiter la question du fret ferroviaire ?

Oui, dans une certaine mesure. Dans le projet Grumbach, un élément intéressant est la ligne à grande vitesse mixte voyageurs et marchandises. Elle permet de desservir Port 2000 au Havre.

Nous sommes aussi très attachés à ce que la grande ceinture SNCF permette toujours le contournement fret de Paris. On ne peut pas réclamer de faire du fret ferroviaire et en même temps interdire l’Ile-de-France au fret. Mais la limite, c’est que les trains de la vie quotidienne et ceux du fret ne sont pas conciliables sur la même infrastructure. C’est pourquoi l’idée de faire arriver du fret à Châtelet-Les Halles, alors que la ligne A est la plus utilisée du monde avec 1,2 million de voyageurs par jour, restera un rêve !

Qui assurera la maîtrise d’ouvrage du plan transport du Grand Paris ?

Pour les infrastructures existantes ou leur prolongement, le système sera le même qu’aujourd’hui : RFF pour les voies, la SNCF, comme opérateur et le Stif (Syndicat des transports d’Ile-de-France) comme autorité organisatrice.

Concernant la création de l’infrastructure nouvelle (le réseau automatique rapide) sur laquelle circulera un train rapide urbain ou un métro rapide, la maîtrise d’ouvrage devrait être assurée, comme l’a indiqué le président de la République, par un établissement public ou une société à capitaux publics.

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