«Il est difficile de décréter que les Français ne pourront plus accéder à l’habitat individuel», Joseph Pascual

Intervenant le 23 septembre dans le cadre du Festival Think Forward, à La Baule, le nouveau président du conseil supérieur de l’Ordre des géomètres-experts (OGE) a plaidé pour une approche de l’aménagement conciliant l’aspiration de la majorité de la population à vivre en maison individuelle et la nécessaire économie des sols. Le sujet sera aussi au cœur des réflexions du groupe de travail sur l’avenir des zones pavillonnaires qui vient d’être installé.

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Joseph Pascual préside le conseil supérieur de l’Ordre des géomètres-experts (OGE) depuis juin 2021.

Lors du festival Think Forward («Penser l’avenir») de la Baule, le 23 septembre, vous avez eu à répondre à cette question : «Dans le mondede l’après-crise, comment voulons-nous vivre ?» Comment l’Ordre envisage-t-il ce futur ?

Notre message essentiel est qu’il nous faudra réussir à concilier la demande des Français qui, à 80 %, expriment le souhait de vivre en maison individuelle et la nécessité d’économiser le foncier. Alors même que le désir de nos concitoyens d’avoir de l’espace s’est accru avec la crise du Covid, il est difficile de décréter qu’il leur sera impossible d’accéder à l’habitat individuel. Même si cette aspiration vient se télescoper avec la politique du Zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon 2050.

Une approche différenciée

Il nous semble qu’il ne faut pas avoir une vision dogmatique et appliquer partout, sans distinction, cette interdiction de bâtir sur les terrains libres. L’OGE plaide davantage pour une approche différenciée selon les territoires. Ainsi, il est certain qu’il faut stopper la croissance des métropoles et réduire celle des communes de taille plus moyenne. Là, il faut privilégier la reconstruction des villes sur elles-mêmes, la requalification de leurs quartiers, la transformation des friches et de leur espace public.

En revanche, le ZAN ne peut être appliqué de manière stricte dans les communes rurales. Nous risquons à défaut d’accentuer le phénomène de désertification de ces territoires. Toutefois, à l’heure actuelle, nous ne savons pas exactement comment se traduira opérationnellement cette trajectoire ZAN. Nous attendons encore les décrets d’application.

Cette question d’une meilleure gestion des territoires en cohérence avec l’aspiration des Français sera-t-elle aussi traitée par le groupe de travail sur le pavillonnaire que vous pilotez ?

En effet. Nous devrions d’ailleurs réintituler ce groupe de travail pour écarter le terme «pavillonnaire» qui nous semble trop connoté. Nous entendons plutôt nous interroger sur ce que doit être la place de l’habitat individuel dans la France de demain et sur les formes urbaines qui doivent être pensées en ce sens, notamment dans le périurbain.

Notre première réunion s’est tenue le 22 septembre et a réuni des représentants de l’Ordre national des architectes, des urbanistes, de la Fédération des Scot, de l’Union nationale des aménageurs (Unam), de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), de la Fédération des Constructeurs de Maisons Individuelles, et enfin le Pôle Habitat de la Fédération Française du Bâtiment (FFB). Nous avons pour objectif de remettre notre rapport à la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, en décembre prochain.

Vous avez été élu à la présidence de l’OGE en juin dernier. Quels seront vos autres grands chantiers ?

Tout d’abord, je faisais partie de l’équipe de mon prédécesseur, Vincent Saint-Aubin, et je me place dans la continuité des actions menées durant son mandat, notammentla démarche de réflexion prospective «Géomètre-Expert 2030».

Evolution des modes d'exercice

Aucune orientation n’est encore définitivement actée mais en consultant largement nos confrères, nous avons entendu une forte demande d’évolution de nos modes d’exercice. Hormis les missions qui tiennent au caractère réglementé de notre profession, nous menons aussi des travaux qui relèvent du cadre concurrentiel et les géomètres-experts souhaitent pouvoir gagner en agilité sur cette deuxième partie de leur mission.

Avez-vous déjà décelé des pistes d’évolution ?

Nous aimerions notamment avoir le droit d’installer nos cabinets en Sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE). Cela nous permettrait de nous associer avec d’autres professions réglementées comme les architectes et les avocats. De cette manière, les entreprises qui choisiraient ce modèle pourraient maîtriser toute la chaîne de production de l’aménagement. Cette possibilité, qui serait un vrai atout pour notre développement, est accueillie avec bienveillance par Bercy.

Le recrutement demeure-t-il un sujet de préoccupation majeur pour la profession ?

Nous sommes toujours dans une situation délicate : les cabinets ont énormément de travail mais n’arrivent pas à recruter. Il manque 3 000 collaborateurs environ à notre filière. Nous devons donc mettre en œuvre une vraie politique marque employeur.

Lors de notre prochain congrès, au Havre en 2022, nous réfléchirons à faire passer la profession d’une performance purement économique à un modèle de de performance globale de la profession en intégrant notamment la démarche Responsabilité sociale de nos entreprises (RSE). Nous pensons en effet que la question du sens et du rôle de l’entreprise dans la société est une préoccupation centrale, tout particulièrement pour des jeunes générations de professionnels.

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