A combien chiffrez-vous les besoins en compétences dans l’ingénierie ?
Nous manquons cruellement de ressources, ce qui mobilise nos entreprises de longue date. Mais dans le cadre des transitions écologique et énergétique d’une part, et numérique de l’autre, le phénomène s’accélère. Pour répondre aux besoins d’ici à 2030, les entreprises du secteur devraient créer 80 000 nouveaux emplois : 20 000 dans la construction et 60 000 dans l’industrie.
Or, nous estimons que 20 % des postes risquent de rester vacants faute de professionnels formés. Il serait vain de chercher à attirer des talents à l’étranger, avec des salaires de jeunes diplômés compris entre 37 et 42 k€ en France, contre par exemple 60 k€ en Allemagne. Il nous faut donc jouer sur d’autres ressorts, comme le sens et l’utilité de nos métiers et des grands projets auxquels nous participons.
Quelle est votre stratégie pour augmenter la part d’étudiants susceptibles d’intégrer le secteur ?
Nous allons tout d’abord continuer à promouvoir et faire découvrir les métiers de l'ingénierie dans les collèges et lycées, notamment auprès des jeunes filles, et même, désormais, dans les écoles primaires.
Nous venons en outre de lancer une grande campagne de communication à destination des 13-18 ans, «Avec l’ingénierie, tu peux vraiment tout faire ! » : diffusion d’une mini-série vidéo en streaming sur TF1+ et sur les réseaux sociaux, création d’un site, vraiment-tout.fr, sous forme de test de personnalité immersif pour orienter les talents de demain….
Comment comptez-vous obtenir des effets à plus court terme ?
Nous misons sur le dispositif Parcours Ingé, qui a ouvert ses portes à la rentrée 2023 à l'Institut supérieur des techniques de la performance (ISTP), centre de formation en apprentissage de Mines de Saint-Etienne. Une formation 100 % en alternance qui s’adresse aux bacheliers et qui, à la faveur du mouvement de digitalisation qui touche le secteur, permettra d’intégrer également des diplômés de niveau bac+3 ou bac+4. De quoi donner leur chance à d’autres élèves que ceux issus de milieux favorisés et, ainsi, de sortir du cadre élitiste « à la française ».
Nous souhaitons désormais voir augmenter le nombre d’écoles disposées à accueillir des alternants dès la première année. Objectif : passer d’une promotion de 15 élèves à l’occasion de cette première année à 25 ou 30 à la rentrée prochaine, puis à plusieurs centaines les années suivantes. Autre enjeu pour le secteur : donner envie aux recrues, une fois en poste, de continuer à travailler dans les filières scientifiques et techniques.
Que préconisez-vous pour fidéliser les talents ?
Nous devons organiser nos entreprises pour ralentir la rotation de personnel, qui est de nature à mettre à mal les projets sur lesquels nous travaillons, qui s’inscrivent souvent sur une certaine durée -une dizaine d’années par exemple pour un projet concernant une centrale nucléaire.
Il s’agit ainsi d’offrir aux ingénieurs et techniciens des perspectives de carrière qui les enthousiasment, mais aussi une rémunération à la hauteur de leurs compétences et de leurs contributions, ce qui n’est pas pleinement le cas à ce jour. En France, les entreprises d’ingénierie souffrent en effet de marges opérationnelles historiquement basses, soit 4 fois inférieures à la moyenne européenne. En somme, il faut redonner du pouvoir d’achat et de la valeur aux entreprises et aux personnes qui contribuent à la création de valeur sur le territoire.
(1) Selon l’étude Le diagnostic de formation France Ingénierie 2030 et l’étude OPIIEC sur l’évolution des métiers de l'ingénierie de construction et d'aménagement.