La législation ICPE ne fait pas obstacle à l'application du principe de réciprocité des distances minimales d'implantation entre bâtiments agricoles et non-agricoles ! La leçon juridique à tirer de cet arrêt de la Haute juridiction administrative est claire, faisant taire une fois pour toutes les divergences d'interprétation jurisprudentielle en la matière.
Dans cette affaire (1), un permis de construire pour l'implantation d'une maison individuelle à 65 mètres d'une exploitation agricole avait été délivré par le préfet du Haut-Rhin. Ayant pour vocation l'élevage de bovins, l'exploitation constituait une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) relevant de l', lequel prévoit une distance minimale d'implantation de 100 mètres entre les bâtiments d'élevage de bovins et les habitations.
Contesté par l'exploitant agricole, le permis de construire a d'abord été annulé par le tribunal administratif (TA) de Strasbourg. Mais le jugement du TA a ensuite été annulé par la cour administrative d'appel (CAA) de Nancy, au nom du principe d'indépendance des législations qui veut que la légalité d'une autorisation délivrée au titre d'une législation (telle que l'urbanisme) ne peut pas être contestée sur le fondement d'une autre législation (comme celle relative aux ICPE). L'exploitant s'est donc tourné vers le Conseil d'Etat.
Indépendance ou réciprocité des législations ?
Pour rendre leur décision, les Sages du Palais-Royal sont ainsi revenus au texte de l' qui s'applique en la matière, et selon lequel « lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes».
Or toujours selon le Conseil d'Etat, cette rédaction implique très clairement une application réciproque des dispositions législatives ou réglementaires imposant une distance minimale d'éloignement aux bâtiments agricoles et ce quelle qu'en soit la nature. L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire d'une maison d'habitation doit donc vérifier que les règles d'éloignement sont respectées, et ce alors même qu'elles résultent de la législation ICPE. Le Conseil d'Etat censure ainsi l'erreur de droit de la CAA de Nancy, certainement issue d'une mauvaise interprétation de sa propre jurisprudence...
La Haute juridiction administrative avait en effet retenu que l'autorité délivrant des permis de construire n'était pas tenue de vérifier le respect des prescriptions contenues dans les arrêtés préfectoraux ICPE, et ce même si elles comprennent des règles d'implantation de certaines constructions (CE, 2 févier 2009, n° 312131). Sauf qu'en l'espèce, la demande de permis portait sur un hangar de stockage agricole, et non sur une habitation. Une vigilance toute particulière est donc à exercer sur l'objet de la demande de permis de construire, qui conditionne l'application des textes. Avis aux services instructeurs (et aux juridictions) !