Quelle PME, venue frapper à la porte d’un grand donneur d’ordres, n’a jamais entendu ce dernier lui répondre qu’il avait déjà « trop de fournisseurs » ? Pour éviter à ces PME innovantes de perdre du temps – et de l’argent – dans des démarches commerciales souvent vaines, le comité Richelieu, association de PME innovantes, et Oséo (organisme de financement et d’accompagnement des PME), ont lancé, en septembre 2005, le pacte PME, qui publie ces jours-ci son rapport annuel.
L’idée ? Mettre en relation ces « grands comptes », désireux de développer un produit innovant, mais ne disposant pas de compétence interne pour le faire, avec des PME ayant mis au point une innovation répondant à leur demande. « Tout grand compte soucieux de renforcer l’innovation et la compétitivité de son offre est intéressé par le pacte PME, argue Emmanuel Leprince, délégué général du comité Richelieu. Aujourd’hui, nous voyons bien que des habitudes les empêchent encore de travailler avec des PME innovantes. Nous essayons de leur montrer qu’ils passent ainsi à côté de développements intéressants, et qu’il peut être utile d’identifier de belles entreprises, susceptibles de répondre rapidement à leurs besoins. »
Aujourd’hui, une quarantaine de grands comptes (Ville de Paris, RATP, Schneider Electric...) ont d’ores et déjà signé le pacte PME. Les motivations sont diverses : opération d’image, élargissement du panel des fournisseurs, accès à des technologies nouvelles et amélioration de la compétitivité… A cela s’ajoute, côté donneurs d’ordres publics, le souci de s’inscrire dans la politique d’aide au développement des PME.
Parts de marchés
Les grands comptes signataires s’engagent à mettre en place, avec le concours de l’Insee, des indicateurs sur la part de leurs marchés attribuée aux PME. « Cela nous a poussés à faire un travail de recensement très fin de nos fournisseurs, que nous avons déclinés par secteur », se félicite Jean-Baptiste Hy, directeur de l’Agence centrale des achats du ministère de l’Economie.
La participation au pacte entraîne bien souvent les grands donneurs d’ordres dans une dynamique en faveur des PME : ici, mise en place d’un espace fournisseurs sur le site Internet de l’acheteur ; là, désignation d’une personne chargée des relations avec les PME… Autant d’initiatives qui dépassent le cadre de l’entreprise innovante et s’adressent à toutes les PME.
« Le pacte PME intéresse aussi les grandes entreprises dans la mesure où il leur permet de faire du benchmarking, développe Patricia Renaud, d’Oséo. Un directeur des achats est intéressé à savoir si une autre entreprise a mis en place une équipe dédiée à la gestion des petits marchés, si elle s’est fixée des objectifs de parts d’achats dévolues à des PME innovantes... Ce partage de bonnes pratiques revêt une grande importante pour eux. » Ce que ne dément pas Thierry Willième, président de GE Factofrance, signataire du pacte depuis octobre dernier : « Cela permet de réfléchir entre grandes entreprises sur les meilleures solutions, et de se réunir pour participer à l’élaboration par les pouvoirs publics des mesures pro-PME. »
Pour organiser cette mise en relation entre grands comptes et PME innovantes, plusieurs formats ont été mis au point. Tel le programme Passerelle, en expérimentation depuis mai 2007. Le principe : pour coller parfaitement à la demande d’un grand compte, la PME est tenue de retravailler un produit identifié. Un tiers des frais induits est alors financé par Oséo, sous la forme de subvention, un tiers par le grand compte (en argent frais ou en personnel), et un tiers par les fonds propres de la PME. Le grand compte dispose ensuite d’une période pendant laquelle il sera prioritaire pour commercialiser ce produit. Intérêt pour la PME : outre le financement, l’accès à du chiffre d’affaires, et la conservation de la propriété intellectuelle. Côté grand compte, ce programme susciterait une réelle appétence chez les directeurs financiers… Trois « Passerelle » ont d’ores et déjà été signés, une vingtaine d’autres sont en cours de discussion.
Prises de contact
Autre type de rencontre : les « Met ». Organisés par demi-journée, ils permettent à des PME d’exposer leur savoir-faire devant un ou plusieurs grands comptes. « Là, ce sont les grands comptes qui sont demandeurs, se félicite Franck Weiser, directeur général de LGM (management et ingénierie de grands projets, 400 personnes, Le Plessis-Robinson). Les personnes présentes sont motivées à connaître de nouveaux fournisseurs. » Pour cette entreprise, qui compte une vingtaine de « Met » à son actif, dont trois conclusifs, l’intérêt va même au-delà : « Ces rencontres sont intéressantes lorsque le grand compte présente son organisation, sa stratégie achat, ses besoins prospectifs ; cela nous permet d’anticiper nos développements. »
Mais attention ! Toutes les PME ne font pas montre du même enthousiasme. A l’instar d’Ovive (traitement des eaux, Roubaix) ou encore d’Optiflow (maîtrise des écoulements fluides, Marseille), adhérent depuis un an, et qui regrette de ne pas avoir eu de retour après ses deux « Met », auxquels participaient un grand nombre de bureaux d’études. Pas de doute en revanche pour Christelle Taillardat, secrétaire générale de Rétis, réseau national fédérant l’ensemble des acteurs territoriaux de l’innovation, et partenaire du pacte PME depuis février dernier. « Le pacte PME est un très bon outil car il tire les entreprises vers le haut, c’est-à-dire vers le marché. Et l’on sait bien que lorsqu’une PME décroche un premier marché dans un grand compte, elle acquiert alors une certaine crédibilité – qui fait ensuite boule de neige. » De l’avis de certains maîtres d’ouvrage, le pacte PME marcherait même trop bien : « La difficulté, souligne le responsable du sujet à la SNCF, est de canaliser l’avalanche de contacts générés par les rencontres, afin de les rendre plus efficaces… »
« Le pacte PME est un engagement partagé entre Oséo, le comité Richelieu et le grand compte pour améliorer les conditions d’accès des PME à la commande des grands comptes, publics et privés. Aussi nous incitons ces derniers à collaborer dans des projets de R & D avec des PME innovantes qu’ils ne connaissent pas, et dont les technologies leur permettront de développer de nouveaux produits plus rapidement. Pour les PME, dont la force commerciale est bien souvent limitée, les outils du pacte les aident à accéder à de nouveaux marchés. L’objectif d’Oséo ? Faire émerger le plus grand nombre d’entreprises moyennes innovantes répondant à des besoins sociétaux majeurs.»