L’eau pluviale ne figure pas parmi les priorités du plan eau. Y voyez-vous une occasion manquée ?
Soyons précis sur les définitions : l’eau de pluie, qui intéresse notre syndicat, est à différencier de l’eau pluviale. Cette dernière comprend des eaux de ruissellements polluées. Elle appelle des mesures de gestion, mais ne peut pas être réutilisée. Dans cet ensemble, l’eau de pluie, issue des toitures, constitue l’un des trois piliers des eaux dites non conventionnelles, à côté des eaux grises et des eaux usées traitées. Or, le plan eau met surtout l’accent que sur ces dernières, dont le recyclage exige des opérations coûteuses et complexes.
Au contraire, les sept industriels de notre syndicat portent des solutions simples, rapides à mettre en œuvre, sans obstacle règlementaire, et disposant déjà d’un cadre légal depuis 2008 (arrêté 21 août) capables de répondre à une partie importante des besoins des particuliers comme des collectivités. Alors oui, nous sommes un peu déçus par cette lacune du plan eau.
A défaut d’élan national, ne pouvez-vous pas compter sur la planification locale et le soutien des agences de l’eau ?
En effet, de nombreux leviers se mettent en place, à travers les plans locaux d’urbanisme. La pression subie par les villes équipées de réseaux d’assainissement unitaire renforce cette tendance, comme en atteste le plan Paris Pluie depuis 2018. Les collectivités concernées ne pourraient pas faire face aux coûts astronomiques et à l’éventrement de leur voirie qui découlerait de la mise en place de réseaux séparatifs. Cela les incite à prescrire la gestion à la parcelle. Les agences de l’eau encouragent les projets dans ce sens.
Mais face à l’urgence posée par la disponibilité de la ressource, la France manque d’ambition quant à la récupération de l’eau de pluie, alors que plusieurs de ses voisins comme la Belgique ou l’Allemagne montrent l’exemple. En plus de la rétention des pluies d’orage déjà pratiquée dans la grande majorité des chantiers, nous proposons de systématiser leur valorisation. La contrainte se transforme alors en opportunité d’économies.
Avez-vous identifié des véhicules législatifs adaptés à la mesure que vous préconisez ?
L’hypothèse de la réglementation environnementale 2020 s’est effacée. Nous nous sommes également positionnés sur l’économie circulaire… A partir d’un certain seuil que l’on pourrait fixer à 50 m2, la mesure consisterait à conditionner les permis de construire à la création d'un stockage utilisable à la fois pour tamponner les pluies d’orage et pour utiliser la ressource pluviale dans l’arrosage, les toilettes, le lavage des sols ou la machine à laver.
Nous avons défendu cette idée auprès de parlementaires des deux assemblées. Ils ont identifié plusieurs pistes. Je me réjouis de constater que le législateur prend conscience de l’urgence et des solutions. De même, les particuliers comprennent la nécessité de choisir un type d’eau en fonction de son usage.
Vous soulignez la maturité des technologies que portent vos adhérents. Existe-t-il néanmoins des pistes d’innovation ?
Bien sûr, je pense d’abord à l’énergie requise par le pompage. Pour les bâtiments logistiques caractérisés par une grande surface et un petit nombre d’utilisateurs, la mutualisation offre des pistes prometteuses, par exemple celle de l’arrosage des stades environnants.
Regardée par le prisme de la transformation de la contrainte en économie, l’eau de pluie ouvre un gisement d’innovations phénoménal.
