Le temps joue parfois de drôles de tours. Prenez le concept de « ville du quart d'heure ». Développé en 2015, il lui a fallu attendre cinq longues années et les élections municipales du printemps dernier pour émerger dans le débat public. Ce retard à l'allumage tient probablement en partie du hasard que produisent les méandres imprévisibles du débat d'idées. Il s'explique avec beaucoup plus de certitudes par l'évolution des mentalités, devenues plus réceptives.
A travers une ambition en apparence simple - permettre aux citadins d'accéder en quinze minutes aux fonctions essentielles de la ville (habitat, travail, éducation… ) -, le chercheur Carlos Moreno replace l'expérience sensible du temps au cœur de l'organisation urbaine. Si l'on caricature, les urbanistes travaillent sur des cartes alors que les habitants et les travailleurs vivent dans les bouchons.
Il s'agit de placer l'expérience sensible du temps au cœur de l'organisation urbaine
Pourtant, nous n'avons pas attendu les années 2020 pour découvrir les conséquences du temps de trajet dans l'aménagement du territoire. Il y a des décennies déjà, la construction d'autoroutes et de LGV était motivée par l'ambition de rapprocher des lieux éloignés grâce à la vitesse. On cherchait ainsi à contracter l'espace, mais d'un autre côté, on organisait sa dilatation. A la même époque, on concevait en effet des cités dortoirs et quartiers d'affaires, sources d'innombrables et interminables mobilités pendulaires.
La force du concept de « ville du quart d'heure » tient justement à la réponse concrète qu'il propose aux limites devenues tangibles de cette segmentation urbaine. C'est parce que les temps de transport sont devenus insupportables, dans les villes comme dans le périurbain, que la perspective d'une cité polycentrique séduit autant aujourd'hui. Un sentiment certainement renforcé par la généralisation du télétravail qui interroge de manière brutale jusqu'à l'intérêt même du déplacement domicile-travail. Pour accéder à la reconnaissance, une bonne idée doit apparaître au bon endroit. Elle doit surtout être entendue au bon moment.
