Protéger et révéler un fragment de ville enfouie constituait le principal enjeu de la construction de ce musée. Les vestiges de la vaste « Domus des Bouquets » ont été découverts en 1959, près de la tour de Vésone. Cette villa gallo-romaine, ornée de peintures murales, témoigne de l'étendue de la ville antique, et constitue l'élément phare du musée organisé autour d'elle. Le programme - faire un musée de site - favorisait un raisonnement atypique : ici, c'est l'architecture qui contient l'urbain. Jean Nouvel répond par le vide, seul révélateur de l'existant.
Calé sur un double mur en béton, l'édifice tourne le dos aux constructions voisines, jugées ingrates. Il est dénué de toute structure intérieure et se caractérise par un grand toit en auvent enveloppé de verre. Un dispositif auquel Jean Nouvel a souvent eu recours. La géométrie de cet habitacle - d'environ 9 m de haut et 50 m sur 50 au sol - est calquée sur le plan gallo-romain de la domus. Et la sous-face de sa toiture offre une peinture du plan de la villa.
Le chantier a débuté par la construction du double mur en béton - formé de deux balcons superposés - servant d'accueil et d'espaces d'exposition permanente. Les 14 poteaux ceinturant le grand vide ont ensuite été fondés sur micro-pieux, avant que ne soit montée une grande plate-forme échafaudée pour protéger les vestiges et élever la toiture à auvent. Celle-ci est constituée d'une charpente métallique soutenue tous les 10 m par les poteaux périphériques en acier. La couverture déborde largement sur l'extérieur, mettant le musée à l'abri de l'ensoleillement direct, ce dernier n'étant pas climatisé par souci de conservation. Ce grand débord prend sous son aile la maison de l'archéologue du XIXe siècle, Wilgrin de Taillefer (en mémoire de ses années de fouilles), qui occupe un angle de la façade principale. Les trois façades aux menuiseries acier sont composées de panneaux de verre clair suspendus à la structure périphérique, elle-même constituée de poutres échelles horizontales. Ces panneaux sont tendus et stabilisés par des câbles tirés le long des poteaux acier et repris en toiture.
Deux circuits de visite
En surplomb des espaces intérieurs de la domus - composée d'un grand jardin central, de deux péristyles, de balnéaires et salles de réception - des passerelles au platelage de bois de Bilinga, posées sur des vérins, guident le parcours muséographique. La singularité de ce musée, qui doit son nom à l'antique Vesunna, ancienne appellation gallo-romaine de Périgueux, est d'abriter les oeuvres in situ et de s'adapter à leur emprise spatiale. La collection s'étend au patrimoine datant de l'occupation romaine de la ville. Deux circuits de visite - dans le mur épais et sous la grande halle - déterminent deux grandes thématiques d'exposition : d'une part, la ville, de l'autre, la domus et la vie privée.
Trois supports d'exposition ont été utilisés : des stèles en acier traversant le mur épais, des vitrines de bois de Bilinga, et enfin des vitrines acier en porte-à-faux, encastrées dans les nez de dalles du mur épais. Les options de soclage ont été prises dans un souci d'homogénéité : acier sur acier et bois sur bois. Un parti généralisé à l'ensemble de l'opération, qui fait de la circonspection un principe de mise en valeur de l'existant.
Le musée Vesunna fera l'objet d'une publication dans « AMC », n°136, septembre 2003.
Fiche technique
Maître d'ouvrage : ville de Périgueux.
Maître d'oeuvre : architectures Jean Nouvel avec A. Rossi, L. Niguet, D. Brault, B. Beissel, G. Tolila (chefs de projet) ; Ove Arup et Setec (structure et lots techniques), M. Casso (sécurité incendie), G. Berne (éclairage muséographique), A. Bony (recherche couleurs plafond), V. Morteau, N. Sasso, F. Leininger, G. Tolila( muséo).
Surfaces : 2 300 m2 utiles, 6 900 m2 HOB.
Coût : 5 336 000 euros HT pour le bâtiment, 870 000 euros HT pour la
muséographie :
Entreprises principales : Viry, Goppion et Grare.
ILLUSTRATIONS :
1. Le toit, couvrant l'ensemble de la domus, repose en périphérie sur des poteaux en acier. Le vaste espace ainsi couvert est enveloppé, sur trois côtés, de panneaux de verre
2; La visite de la villa gallo-romaine s'effectue depuis des passerelles de bois aux garde-corps en acier brut. Au fond, le mur épais abrite l'accueil du musée et des espaces d'exposition. 3. A l'extérieur, le toit déborde largement, formant un auvent qui protège le musée des rayons directs du soleil.