« On entre dans un vallon, et on oublie la ville », décrit Gilles Clément à propos des abords des cinq rivières qui viennent se perdre dans la Loire à Nantes, autour de ses anciennes îles englouties sous le béton.
Expérience magique
A vélo dans ce secteur central de l’Etoile verte rebaptisé La ville des îles, son collègue et ancien élève Matthieu Picot, fondateur de Compo paysage, s’engouffre avec Paysage Actualités dans le lieu de l’expérience magique : au bout d’une impasse, un chemin sinueux, piétonnier et cyclable, pénètre dans les bois le long de la Chézine, désignée comme La vallée mosaïque, dans l’étude sur l’Etoile verte nantaise co-signée par Matthieu Picot et Gilles Clément.
Quelques dizaines de coups de pédale plus tard au sortir de l’averse et du bois, le soleil pointe ses rayons sur l’ancien manoir pressenti par les deux paysagistes comme « maison de vallée ». Signal du parc Procé, joyau de la « ville aux mille jardins », la bâtisse reconvertie en restaurant jouera d’autant plus naturellement son rôle de site d’interprétation de l’Etoile verte qu’elle sert déjà de siège à l’association Nantes est un jardin.
Fils conducteurs
Matthieu Picot décrypte : « de Nantes vers l’amont, chaque rivière rencontre un ancien château qui mérite une mise en perspective ». Destinées à la pédagogie et à l’animation, les maisons de vallée occupent la place centrale dans un rythme ternaire, entre le parvis qui signale les confluences noyées dans la ville, et le site de destination où se révèle chaque rayon de l’Etoile, aux confins ruraux de la métropole.

Le bateau-lavoir préfigure la porte d'entrée vers la vallée miroir de l'Erdre, qui finit sa course dans des souterrains urbains.
« Fil conducteur entre la campagne, la banlieue et la ville, ces trois séquences facilitent une bonne répartition des flux, pour éviter les bouchons qui affectent les points de départ de certaines voies vertes », poursuit le paysagiste.
Histoires singulières
Avec ses cinq rivières et son fleuve qui compte pour deux, l’Etoile à sept branches raconte autant d’histoires singulières, dont celle de la diversité végétale associée à la « vallée mosaïque » de la Chézine : « Le brassage planétaire y énumère les pays du monde », s’émerveille Gilles Clément.
Relue par les paysagistes sur la piste de l’étoile, la toponymie chantante de l’eau délivre ses caractéristiques dominantes : Cens bocage, Gesvre marais, Erdre miroir, Loire-amont mouvement, Sèvre nourricière, Loire-Aval voyage, avec ses bateaux qui connectent Nantes au monde… Autour des sept branches, l’onde stellaire se propage jusqu’aux sous-affluents comme le ruisseau des Gohards, qui a amorcé son débusage dans le quartier Bottière Chénaie, à l’Est de Nantes. « L’Etoile verte existait. Il fallait la voir », résume Matthieu Picot.
Révéler et protéger
Comment la révéler au plus grand nombre, tout en préservant sa part de mystère, de sauvagerie et d’imprévu ? Deux consultations vont baliser cette voie étroite dans les mois à venir : elles porteront sur la signalétique et sur la préfiguration des portes, à mettre en œuvre dès 2020.
Au-delà, le changement d’échelle s’annonce comme un enjeu majeur du prochain mandat municipal : parties d’une commande de la ville, les études paysagères débouchent sur l’ossature d’un projet d’agglomération, dans le sillage du plan local d’urbanisme arrêté le 13 avril par le conseil métropolitain, émanation de 24 communes.
Dans la réalisation de ce schéma au long cours, Gilles Clément restera attentif au respect de l’identité de lieux vivants et accueillants pour le tiers paysage : « La prolifération de garde-corps dénaturerait ce projet qui doit rester hors-norme, à l’image des vallées », insiste le paysagiste.
Vertou ouvre la voie
« L’entrée par l’Etoile verte débloque les crispations et ouvre la porte à tous les débats de fond, qu’il s’agisse de densité urbaine, de protection des milieux humides ou de pratiques agricoles », se réjouit Matthieu Picot, fort de l’expérience pionnière de Vertou : la commune de 24 000 habitants, à 7 km au sud-est de Nantes, s’est saisie de la désignation de la Chaussée des moines comme site de destination de la vallée nourricière de la Sèvre.
Elle a engagé un projet de mise en valeur de cette écluse patrimoniale.