En 2018, la Bibliothèque nationale de France (BNF) fête un double anniversaire : les 30 ans du projet de sa construction dans le XIIIe arrondissement de Paris, quai François-Mauriac, et les 20 ans de l’ouverture complète de ses salles aux lecteurs et aux chercheurs. La BNF a demandé pour la première fois à Dominique Perrault, architecte lauréat du concours international d’idées en 1989, de se replonger dans ses archives pour raconter l’histoire de ce chantier. L’exposition de 750 m² qui en résulte est présentée, in situ, jusqu’au 22 juillet prochain (*). Elle a été scénographiée par Gaëlle Lauriot-Prévost, architecte designer qui participe depuis ce concours aux projets de l’agence Dominique Perrault Architecture, dont elle est aujourd’hui la directrice artistique.

Livres ouverts
« La salle d’exposition se présente comme une salle de lecture complémentaire de la BNF avec des documents à consulter et des chaises où s’asseoir », décrit Dominique Perrault. Parmi ces documents : l’ouvrage qui recense les projets des 20 architectes retenus à concourir, ainsi que la lettre datée du 16 août 1989 et signée par François Mitterrand, alors président de la République, dans laquelle il désigne le nom du lauréat.
Le projet vainqueur est devenu depuis un repère dans le paysage est parisien. Il se distingue par ses tours d’angles en verre, comparées à « quatre livres ouverts » par son concepteur. C’est là que sont stockés les ouvrages. Les salles de lecture et de recherche sont disposées dans un socle en béton, sous une esplanade et des gradins en bois qui offrent une vue plongeante sur la Seine. Au centre prend place un vaste jardin arboré, accessible uniquement aux oiseaux.

Structure décortiquée
Croquis et détails d’exécution fourmillent sur les murs de l’exposition. « Dans cette bibliothèque, on a tout, tout, tout, mais tout dessiner, souligne et surligne Dominique Perrault. François Mitterrand voulait qu’on aille jusqu’au bout du travail de conception. Les gens pensent souvent que l’architecture tient en un dessin réalisé en 30 secondes. Ici, on montre qu’il s’agit d’un développement bien plus vaste. » Gaëlle Lauriot-Prévost se souvient notamment de « grands plans coloriés à la main par dix personnes ». « Another world » (un autre monde), résume Perrault.
Les maquettes d’études, prototypes et autres échantillons de matériaux illustrent le passage du virtuel au réel. C’est le cas de la chaise en bois, dupliquée en 4000 exemplaires et dont la structure est entièrement décortiquée pour mieux en comprendre les composants : cadre droit, assise courbe et élément de liaison. « Le mobilier a été très sollicité en 20 ans, indique Gaëlle Lauriot-Prévost. Nous l’avons fait évoluer récemment. Le cadre n’est plus en bois mais en métal, donc plus solide. Ce matériau rappelle la lampe de table qui, elle aussi, a évolué vers un éclairage à leds. »

Matériau industriel
Perrault ne serait pas Perrault sans une présentation des diverses utilisations de la maille métallique. Cette « broderie musclée » - comme il l’appelle - était employée dans l’industrie jusqu’à ce qu’il la transpose dans l’architecture, avec l’aide de Gaëlle Lauriot-Prévost. Ensemble, ils ont tapissé les sols, les murs et les plafonds de la BNF de 30 000 m² de fils en acier mat. Cette maille permet de camoufler des installations techniques tout en étant perméable à l’air. Dans l’exposition, elle délimite des zones thématiques et sert de support de projection. « Les films réalisés par Richard Copans avec un drone montrent la vie dans la bibliothèque aujourd’hui, explique Dominique Perrault. Ils font la synthèse de tous les documents d’archives exposés. »