Fiche pratique

L'obligation de conseil de l'architecte

L'obligation de conseil de l'architecte est prévue par les articles 12, 33 et 36 du Code de déontologie des architectes. Elle a une portée générale, permanente et continue dans les marchés publics et privés de travaux. Elle s'impose au maître d'œuvre en l'absence même d'une stipulation contractuelle qui y ferait expressément référence. Analyse de ses contours et de ses effets.

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Comment définir l'obligation de conseil de l'architecte ?

L'architecte a le devoir d'informer, de renseigner et de conseiller le maître d'ouvrage sur les questions techniques, juridiques et financières qu'une opération de travaux peut poser.

L'obligation de conseil de l'architecte est générale en tant qu'elle porte sur tous les éléments du projet que ce même professionnel peut ou doit connaître. Elle s'impose même lorsqu'il intervient à titre bénévole (, publié au Bulletin) ou quand le maître d'ouvrage réalise lui-même les travaux ().

En cas de manquement à son devoir de conseil, l'architecte engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage. Il aura donc intérêt à délivrer ses conseils par des écrits, le cas échéant en les envoyant par lettre recommandée avec accusé de réception, afin de pouvoir démontrer qu'il a rempli son obligation.

Quelle est la durée de l'obligation de conseil ?

Cette obligation est permanente et continue. Elle commence à la date de signature du marché de maîtrise d'œuvre et se poursuit pendant l'exécution des travaux jusqu'à leur parfait achèvement.

Elle prend fin à la date d'expiration des relations contractuelles avec le maître d'ouvrage, étant précisé que l'architecte ne saurait engager sa responsabilité pour un manquement à son obligation de conseil, dès lors que le décompte général définitif du marché de maîtrise d'œuvre aurait été établi par les parties sans faire état d'un tel manquement (, mentionné dans les tables du recueil Lebon).

Quelles en sont les limites ?

Le devoir de conseil ne saurait être invoqué au motif que le maître d'œuvre aurait omis de communiquer au maître d'ouvrage une information qui serait connue de tous.

Il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir informé son donneur d'ordres sur des questions qui ne relèveraient pas de sa compétence, comme les conséquences fiscales des travaux.

Il en est de même s'agissant d'informations qu'il appartenait au maître d'ouvrage de lui transmettre et dont il ne pouvait pas légitimement deviner l'existence. C'est le cas des capacités financières du donneur d'ordres pour assumer l'opération (-15505, Bull. ), de l'existence d'actes de droit privé tels qu'un cahier des charges de lotissement (CA Douai, 13 septembre 2004, Constr. urbanisme, 2005, 28) ou encore d'une servitude non altius tollendi [1] - ).

De surcroît, l'obligation de conseil de l'architecte doit être appréciée dans la limite des missions qui lui sont confiées. Il ne saurait ainsi être fait reproche à l'architecte de ne pas avoir effectué une étude de sol alors qu'il avait pour seule mission d'effectuer une estimation prévisionnelle du coût des travaux sans conception du projet () ou même d'établir un dossier de demande de permis de construire (, Bull.).

Qu'en est-il lorsque le maître d'ouvrage ne suit pas les conseils de l'architecte ?

Un maître d'ouvrage ne pourra engager la responsabilité de l'architecte en raison d'un manquement à son obligation de conseil dès lors qu'il aura délibérément méconnu ses recommandations et qu'il aura accepté, en connaissance de cause, les risques que ses décisions pourraient faire courir à l'opération de travaux. Peu importe, à cet égard, qu'il soit notoirement ou non compétent en matière de construction (, Bull.).

Le juge apprécie-t-il différemment l'obligation de conseil de l'architecte selon que le maître d'ouvrage est ou non un professionnel ?

L'architecte a un devoir de conseil à l'égard de n'importe quel maître d'ouvrage. Toutefois, il est exact que le juge apprécie avec plus de sévérité le respect de cette obligation lorsque le donneur d'ordres n'est pas un professionnel ou lorsqu'il n'est pas entouré de services techniques spécialisés. Ainsi a pu être écartée la responsabilité de l'architecte à l'égard d'un maître d'ouvrage qui était un ancien artisan plombier, s'agissant du paiement de travaux supplémentaires exécutés dans le cadre d'un marché dont ce dernier ne pouvait ignorer qu'il n'avait pas un caractère forfaitaire ().

Quelle est l'obligation de conseil de l'architecte avant le commencement des travaux ?

Pour remplir son obligation, l'architecte est tenu d'interroger le maître d'ouvrage sur la finalité de la construction et sur ses besoins. Il doit se faire confirmer par celui-ci qu'il est propriétaire du terrain d'assiette du projet ou, le cas échéant, qu'il a été autorisé à demander le permis de construire. Il doit également l'avertir s'il considère qu'il ne disposera pas des ressources financières pour réaliser l'opération.

L'architecte doit informer le maître d'ouvrage des difficultés techniques auxquelles le projet pourrait être confronté. Il lui appartient de faire état des risques que le projet pourrait causer aux tiers. C'est le cas d'un trouble anormal de voisinage ou d'une violation d'une servitude de droit privé dont il aurait eu connaissance (, Bull. ).

Il doit également indiquer au maître d'ouvrage si le projet est constructible, notamment au regard des règles d'urbanisme. A ainsi été reconnu fautif l'architecte qui a omis de recommander à son client de solliciter le certificat d'urbanisme qu'il appartenait contractuellement à ce dernier de lui remettre avant le dépôt de la demande de permis de construire () ; ou encore, celui qui n'a pas indiqué les risques juridiques encourus par un projet fondé sur des règles locales d'urbanisme contraires à la loi ().

Outre ceux portant sur les risques susceptibles d'être créés par le projet souhaité par le maître d'ouvrage, quels conseils doit-il donner pendant la phase de conception des travaux ?

L'architecte doit indiquer au maître d'ouvrage les autorisations administratives qui seront nécessaires pour exécuter le projet, par exemple, pour une autorisation d'exécuter des travaux sur un monument historique classé (, Bull. ). Il a l'obligation de poser les questions nécessaires pour établir un projet conforme aux règles d'urbanisme et d'accessibilité (, Bull.).

Il est également tenu d'informer le maître d'ouvrage de la nécessité d'une autorisation d'assemblée générale si les travaux ont pour objet un immeuble soumis au statut de la copropriété ().

Le maître d'œuvre a aussi l'obligation de conseiller à son maître d'ouvrage d'écarter les procédés techniques nouveaux ou les matériaux qui n'auraient pas encore fait leurs preuves et l'inviter à faire réaliser les études, non prévues par son marché, qui lui paraîtraient nécessaires pour la bonne exécution de l'opération. Enfin, il doit recommander au maître d'ouvrage d'écarter les entreprises qui ne rempliraient pas les conditions d'aptitude requises pour exécuter les travaux. Il doit conseiller à son client de vérifier que ces mêmes entreprises ont souscrit les polices d'assurance nécessaires pour la réalisation de l'opération.

Comment se manifeste cette obligation pendant l'exécution des travaux ?

L'architecte doit informer le maître d'ouvrage de l'état d'avancement des travaux et lui faire part, sans attendre, des difficultés qu'il pourrait rencontrer dans le cadre de leur exécution et des solutions qu'il préconiserait de mettre en œuvre pour les résoudre. Il doit également le conseiller sur le paiement des entreprises () ainsi que sur les coûts engagés et l'éventuel dépassement du montant initial des travaux.

Il veillera à guider le maître d'ouvrage en cas de sous-traitance, afin qu'il demande à l'entreprise principale de lui présenter les sous-traitants en vue de leur acceptation et de l'agrément de leurs conditions de paiement ; et à lui recommander de les exclure du chantier en l'absence de l'accomplissement de ces formalités.

L'obligation de conseil de l'architecte est appréciée de manière particulièrement sévère par le juge lors de la réception des travaux. Quel est son objet ?

L'architecte a pour mission de conseiller le maître d'ouvrage lors de la réception des travaux, quelle que soit la gravité des désordres en cause.

Il manque à son devoir dès lors qu'il omet de lui signaler les défauts de conformité, non-façons et malfaçons apparents le jour de la réception ainsi que les désordres non réparés ni apparents dont il aurait eu connaissance lors de l'exécution des travaux (, mentionné dans les tables du Recueil).

Qu'en est-il après la réception des travaux ?

L'architecte a une obligation de conseil pour la levée des réserves ainsi que pour l'établissement du décompte général définitif des marchés de travaux. Il engagera, par exemple, sa responsabilité s'il n'a pas conseillé au maître d'ouvrage de faire des réserves sur le décompte général de l'entreprise du fait de désordres constatés en cours de chantier, même si ces désordres n'avaient pas affecté l'état de l'ouvrage achevé (, publié au Recueil).

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