La filière forêt bois tire les leçons de la crise des scolytes

La valorisation des épicéas ravagés en 2018 par l’épidémie de scolytes a inspiré un livret publié en octobre par l’Office national des forêts et la fédération nationale des communes forestières. A quelque chose malheur est bon : face au changement climatique, cet épisode a ancré une culture de l’anticipation.

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Forêt ravagée par le scolyte, au printemps 2022 dans le Morvan

Le verdict des ingénieurs et des scientifiques ne laisse pas de doute : « Le bois scolyté est utilisable en construction, qu’il s’agisse de bois massif ou de bois collé », tranche Nathalie Mionetto, chargée de territoire Nord-Est à l’Institut technologique FCBA.

Pour aboutir à cette conclusion, cet organisme a réuni la filière régionale dans la mise en œuvre d’un protocole de comparaison entre les bois indemnes et attaqués, grâce aux financements de l’agence de la transition écologique.

Mobilisation exemplaire

Mais à elle seule, la démonstration scientifique ne suffit pas à éclaircir l’horizon économique, après le désastre de l’été 2018 : en Bourgogne Franche-Comté et dans le Grand Est, le scolyte a ravagé la quasi-totalité des épicéas de plaine, soit 20 millions de m3 représentant 60 000 ha de forêt.

Retracée dans le livret publié en octobre sous le titre « Epicéas scolytés exploitables en construction », la mobilisation de l’Office national des forêts (ONF) et de la Fédération nationale des communes forestières (FN Cofor) a permis de sauver l’essentiel. L’Etablissement public d’Etat a priorisé le bois scolyté dans la récolte et la commercialisation. Les communes se sont massivement engagées à utiliser cette ressource, dans des contrats d’approvisionnements.

Geste citoyen

En aval, les scieurs ont redoublé de rapidité, pour limiter les pertes : « Tout l’enjeu était de travailler les bois au plus tôt avant leur dégradation », témoigne Cyril Ducret, patron de la scierie éponyme dans l’Ain.

Les communes forestières ont peaufiné leur argumentaire civique : « Si nous parvenons à expliquer aux gens qu’acheter du bois scolyté est un geste solidaire et citoyen, ils seront demandeurs », estime Patrick Chaize, président des communes forestières de l’Ain. Le FCBA a même réussi à convaincre certains designers des qualités esthétiques inhérentes au bleuissement des bois scolytés.

Les deux institutions initiatrices du livret ont utilisé leur casquette de maître d’ouvrage pour montrer l’exemple : inauguré en 2022 et signé par les architectes Vincent Lavergne et Samuel Poutoux, le nouveau siège de l’ONF, à Maisons-Alfort (Val-de-Marne) comprend 4000 m3 de bois scolytés. Le même matériau structure la nouvelle recyclerie de Maîche, commune forestière du Doubs : un projet lancé en 2021 par le syndicat de prévention et valorisation des déchets Préval.

Culture de l’adaptation

L’issue heureuse de l’épisode reste à consolider d’abord sur le plan scientifique : « Nous allons pousser encore plus loin nos recherches pour démontrer qu’une fois le bois séché, le champignon responsable du bleuissement du bois ne se développe plus », annonce Nathalie Mionetto.

Le message le plus encourageant du livret concerne le changement de mentalité induit par l’adaptation au changement climatique : dans la perspective de prochaines alertes, la filière se tient prête à « apprendre dès aujourd’hui à utiliser des bois porteurs de singularité », se réjouit la chargée de territoires Nord-Est du FCBA.

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