« La qualité urbaine et architecturale est indispensable quand on intervient sur des territoires dépréciés »

Dominique Figeat directeur du renouvellement urbain à la Caisse des Dépôts et Consignations

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L'expression « renouvellement urbain » connaît un véritable succès, alors même que sa définition reste assez imprécise. Pourquoi ?

Avec « renouvellement urbain », on a bien l'idée d'un réaménagement de la ville sur elle-même, sans se limiter à la réhabilitation mais en créant aussi du neuf. L'expression a bien marché parce qu'elle renvoie à une tendance sociale largement partagée, par les élus locaux et par l'Etat à partir de 1998-1999, mais aussi par une partie de l'opinion. Pour tenter une définition, je dirais que le terme ne désigne pas seulement les grands ensembles d'habitat social, mais toute opération d'aménagement menée à une échelle assez large - supérieure à quelques îlots - qui produit de la transformation urbaine dans toutes ses dimensions spatiales, économiques et sociales. Il s'agit toujours d'un projet politique, d'un choix volontariste, encadré par les règles de l'action publique même si elles intègrent des processus marchands.

Jusqu'où vous impliquez-vous dans les processus de renouvellement urbain que les villes mettent en place ?

En tant que financiers, nous avons l'obligation d'utiliser à bon escient les ressources publiques que nous gérons. Cette obligation nous conduits naturellement à travailler sur l'efficacité des dispositifs mis en place pour ces projets. Cela ne veut pas dire qu'on a le sentiment de posséder les bonnes recettes, mais on dispose d'un capital d'expériences qu'il serait dommage de ne pas faire partager en énonçant un certain nombre d'idées et de propositions. Cela dit, les patrons des projets restent les élus locaux.

Disposez-vous de critères d'évaluation ?

Quelques point clés sont essentiels à la réussite du renouvellement urbain. Le premier concerne la capacité des élus locaux à porter une vision, une stratégie sur leur territoire. Ce portage politique doit être couplé avec la mise en place d'un dispositif opérationnel fort, comportant une équipe de projet qualifiée et sachant organiser un partenariat avec tous les opérateurs locaux. Il faut également évaluer la solidité économique et financière du projet - études de marché, adéquation des types d'habitat avec l'état de la demande -, ainsi que sa cohérence avec la politique de l'agglomération en matière d'habitat, d'activités, de transports, etc.. Le dernier point, mais j'insiste dessus, est la volonté de produire une vraie qualité urbaine et architecturale, d'autant plus indispensable qu'on intervient sur des territoires dépréciés.

Quelle place pour les architectes-urbanistes dans un projet de renouvellement urbain ?

Il faut l'intervention forte d'une maîtrise d'oeuvre urbaine. La question est de savoir à quelle étape. On assiste dans ce domaine à tous les cas de figure. Dans certains cas, la ville n'a aucun projet prédéfini. C'est en consultant des architectes, et à partir des images qu'ils produisent, qu'elle construit son projet. C'est par exemple le cas à Orléans, avec Alain Sarfati. A l'autre extrémité, il y a des villes qui travaillent très longtemps en interne sur leur projet et qui ne font intervenir l'architecte qu'en dernier ressort, sur une opération bien définie, sur la base d'une maîtrise d'oeuvre classique. Mais il est préjudiciable pour la qualité d'un projet que l'architecte n'intervienne qu'en bout de course. Au-delà de l'indispensable portage politique, la maîtrise d'ouvrage doit avoir mené une première étape de réflexion et clarifié ses objectifs, travail sur lequel peuvent s'appuyer les premières études des architectes-urbanistes.

Quelles compétences, quels types de métiers doit-on mobiliser pour mettre en oeuvre le renouvellement urbain dans toutes ses dimensions ?

La principale difficulté qu'on rencontre, c'est de mettre en place une équipe de pilotage opérationnel des projets. C'est un métier assez proche de celui de directeur d'une ville nouvelle ou d'une grande SEM d'aménagement, mais le contexte de travail n'est pas le même. Le profil type, c'est quelqu'un qui a l'expérience du pilotage d'un projet complexe, comme on en trouve dans l'industrie, mais qui sait aussi être à l'interface des élus, des habitants et des opérateurs locaux. C'est aussi un homme d'action. Il faut reconnaître qu'on n'a pas réussi aujourd'hui à attirer ce type de profil en provenance du secteur privé.

Le renouvellement urbain suppose des montages financiers complexes, des processus de décision peu rapides, des actions dispersées et pas toujours spectaculaires. N'est-ce pas un handicap ?

Les erreurs en aménagement urbain surviennent souvent quand on veut aller vite. Pour réussir un projet de renouvellement urbain, il faut le faire mûrir et c'est nécessairement lent. Il faut travailler sur des éléments structurants, ce qui demande du temps, de la concertation et de revoir cent fois la copie. On est en permanence face à une multitude d'acteurs qui ont leurs propres systèmes de décision. Le problème est d'éviter de s'enliser dans la négociation permanente. Mais il est vrai qu'il faut aussi savoir répondre aux attentes des habitants par des actions rapides, sous peine de provoquer de grandes déceptions, à la hauteur des espoirs qu'on a pu faire naître.

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