A la conquête du voisin mahorais. Spécialisé dans l’aménagement de terrains à bâtir, la construction et la vente de logements et de locaux commerciaux ou d’activité ainsi que dans l’acquisition de bâtiments tertiaires en vue d’être loués, le groupe immobilier réunionnais CBo Territoria (CA 2021 : 85M€, 50 salariés) voit dans Mayotte, département le plus pauvre de France situé à 1400km de ses terres, une occasion de se développer.
« Mayotte va connaître la même croissance économique que celle de La Réunion d’il y a quarante ans », anticipe Eric Wuillai, PDG du groupe coté, en conférence de presse à Paris le 14 septembre, pour les résultats semestriels.
Dans les années 70, la croissance du PIB réunionnais tournait autour de 5% par an. Celle-ci était principalement tirée par le BTP, l’immobilier et l’import-export. En 2019, dernière année analysée par l’Insee, le 101e département français (depuis 2011) a vu son PIB progresser de 6,6%, principalement grâce aux investissements publics.
La croissance démographique de Mayotte (+3,8% par an en moyenne entre 2012 et 2017 selon l’Insee) est aussi regardée avec appétit, alors que La Réunion affiche +0,5% par an depuis 2013.
Un pipeline tertiaire de 26M€
Un projet phare illustre ce virage expansionniste : le pôle tertiaire à Combani. « Un entrepôt de 950m² vient d’être livré. Un centre commercial de 6800m² est en cours de construction. Le chantier des futurs bureaux de Pôle emploi doit commencer d’ici la fin du mois. Le permis de construire du projet de retail park de 4300m² sera déposé d’ici la fin d’année », liste Géraldine Neyret, directrice générale adjointe.
Selon les prévisions d’investissements à horizon 2027 (106M€), le poids de Mayotte dans le patrimoine détenu par CBo Territoria devrait passer de 4% à 15% maximum.
En parallèle, le groupe créé en 2005 ne compte pas lever le pied à La Réunion. Au contraire. Sonpipeline tertiaire de 26M€ à lancer ces douze prochains mois se trouve principalement dans son fief. Exemple : les 4300 m² de bureaux du programme Galabé à Saint-Paul, dont le permis de construire est en cours d’instruction.
Quid de la mixité, chère aux développeurs de métropole ? « Des commerces et un centre médical sont situés dans le bâtiment voisin détenu par notre foncière, en copropriété avec les praticiens de santé. A La Réunion, la mixité s’exprime à l’échelle du quartier, pas du même bâtiment, car il n’y a pas assez de densité », explique-t-elle.
Autre particularité de l’île : le manque de friches pour relever le défi de zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, dont le premier palier vise la réduction par deux des espaces agricoles, naturels et forestiers consommés de 2021 à 2030, par rapport à la période de référence de 2011 à 2020. « Nous avons quelques friches urbaines, des terrains non construits, où la densification est possible, dans un territoire qui ne peut pas s’étendre », résume Eric Wuillai, qui s’attend à la mise en place d’un calendrier spécifique pour les Outre-mer.
1000 à 2000 chambres d’hôtels à bâtir
Contrairement à ses homologues métropolitains, CBo Territoria continue de pratiquer le lancement en blanc, c’est-à-dire sans connaître les futurs occupants des bureaux à bâtir. « Nous dépendons du tissu local constitué essentiellement de TPE-PME, qui ont besoin de 150 à 200 m² et ne peuvent pas se projeter à trois ans, contrairement aux administrations comme l’Agence régional de santé avec qui nous signons des VEFA (ventes en l’état futur d’achèvement, NDLR) », commente Géraldine Neyret.
Des opportunités sont également à saisir dans l’hôtellerie. « Le secteur a été moins déstabilisé par la crise sanitaire que dans d’autres départements d’Outre-mer parce qu’à La Réunion, le tourisme est affinitaire, observe-t-elle. Les Réunionnais ont l’habitude d’aller à l’hôtel et des métropolitains s’y rendent régulièrement pour visiter leur famille. » Selon ses estimations, l’île manque de 1000 à 2000 chambres d’hôtels pour répondre à la demande. CBo Territoria mise notamment sur un terrain à aménager de 37ha pour bâtir plusieurs bâtiments « à horizon de deux à trois ans ».
Vente en bloc à Action Logement
Sur le front de l’immobilier résidentiel, CBo Territoria voit la promotion comme « une machine à cash », qui alimente la foncière, selon Géraldine Neyret. Cette stratégie se traduit par de la vente en bloc à des bailleurs sociaux comme Société d’habitations à loyer modéré de La Réunion (SHLMR, du groupe Action Logement), avec 162 lots livrables entre 2023 et 2024, et de la vente au détail aux particuliers. Ces derniers acquièrent des lotissements à bâtir ou bien des logements éligibles au Pinel, dispositif fiscal plus avantageux qu’en métropole au nom de la stimulation de la construction de logements neufs en Outre-mer.
Au premier semestre, la promotion immobilière affichait un chiffre d’affaires (CA) en recul de 9,4% par rapport à la même période en 2021. Au global, CBo Territoria a généré 33,3M€ de CA, soit une baisse annuelle de 4,5%. Mais le groupe, dont les deux-tiers de l’activité repose sur la foncière, se veut confiant. En témoigne la croissance attendue en 2022 de ses revenus locatifs tertiaires (bureau, centre commercial, commerce en pied d’immeuble…) qui devrait être supérieure à 8%, soit le double de l’inflation.