Consensus sur l’objectif, crispations sur la méthode : la sobriété foncière fait débat, alors que la politique Zéro artificialisation nette (Zan) prépare son entrée dans le domaine législatif, dans la foulée des travaux menés en 2020 par la Convention citoyenne pour le climat.
Fossé pédagogique
Support du débat du 7 janvier proposé par l’Union nationale des aménageurs (Unam) et la fédération des schémas de cohérence territoriale (Scot), un sondage Opinionways révèle le hiatus : 66 % des français considèrent la transition écologique comme un sujet important, mais l’idée de réquisitionner des logements vides ne recueille que 39 % d’opinions favorables, parmi les 1005 sondés selon la méthode des quotas.
Idem pour les 300 élus de communes de 2000 à 20 000 habitants : d’accord à 92 % sur le principe de stopper l’extension des villes, seuls 52 % d’entre eux approuvent l’idée de bloquer les permis de construire sur des terrains vierges. Le sondage révèle aussi le fossé pédagogique à combler : 88 % des français et 52 % des élus n’ont pas entendu parler de l’objectif Zan.
Précipitation
Ce résultat offre une prise à la critique sur le thème de l’impréparation : « Après s’être saisie de ce sujet avec un temps de retard sur l’Union européenne, la France surréagit, dans un esprit de compétition à court terme », alerte François Rieussec, président de l’Unam, qui n’hésite pas à brandir le spectre d’une « guerre civile ».
Mauvaise conseillère, la précipitation risque selon lui d’aboutir à un résultat opposé à l’objectif : favoriser l’urbanisme diffus, au détriment des projets portés par les communes et les professionnels, dont beaucoup ont déjà acquis une culture de la sobriété foncière.
Cosmétique
Même le fonds friche ne trouve pas grâce aux yeux du président de l’Unam : « La reconversion d’une friche coûte jusqu’à 5 millions d’euros par hectare, et le fonds dispose de 300 millions d’euros. C’est de la cosmétique parisienne », dénonce François Rieussec, avant de relever que sur cette somme, la connaissance du gisement ne mobilise qu’1 million d’euros.
Ces analyses le conduisent à interpeller solennellement Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique : « Concertez et libérez les énergies ! Avec des interdits et des règles mathématiques, vous ne parviendrez pas à résoudre un problème si compliqué ».
Attention aux inégalités
Président de la fédération des Scot, Michel Heinrich craint, lui aussi, les conséquences d’une politique brutale imposée d’en haut, et de manière uniforme. Sa vigilance se concentre sur les territoires en déprise, dont il défend le droit à se développer, et sur les inégalités sociales : « Densifier conduit à renchérir le foncier. L’exclusion des plus modestes créerait le risque d’une seconde vague des Gilets jaunes », avertit Michel Heinrich.
L’efficacité passe selon lui par la correction d’aberrations fiscales : « Les frais de notaire, plus élevés dans l’ancien que dans le neuf, contribuent à la périurbanisation, de même que les taxes foncières plus importantes en centre-ville ». Défenseur d’un transfert des aides à la pierre au bloc local, le président de la fédération des Scot estime que ce dernier ne doit pas porter seul la responsabilité de l’artificialisation, à laquelle contribuent l’Etat, les départements et les régions.
Place aux parlementaires
Les critiques sur les premiers pas du Zan s’expriment jusque dans les rangs de la majorité présidentielle : « 150 citoyens ne feront pas la loi », s’insurge Alain Perea, député de l’Aude, irrité par la stigmatisation des « méchants élus à la solde des lobbyistes ».
Le parlementaire plaide pour un « changement de modèle », dans des politiques d’urbanisme aujourd’hui calées sur des itinéraires résidentiels périmés, depuis le domicile parental jusqu’à la maison individuelle en passant par l’habitat collectif. « Concevons des villes flexibles. Dans certains pays, les maisons se déplacent. Chez nous la loi l’interdit », regrette Alain Perea.
Accompagner
Dans le rôle de défenseure du processus législatif en cours, Sandra Marsaud, députée de Charente et urbaniste, ne se dépare pas de son optimisme, nourri par les six séances suivies par les 60 membres du groupe de travail sur la politique Zan, pendant un an-et-demi : « On saura aménager subtilement », pronostique-t-elle.
Avec le mot « Accompagner » comme mantra, elle souligne l’exemple des sept territoires pilotes et volontaires pour le Zan, sélectionnés en décembre dans le cadre du programme Action cœur de ville. « Chacun avec ses spécificités, ces territoires engagent un exercice de dentelle ».
Main tendue
Même si l’Agence nationale pour la cohésion des territoires, pilote de ce programme, demande encore à faire ses preuves, les débats du 7 janvier ont ouvert la porte d’un approfondissement du dialogue, autour de projets concrets pilotés par cet organisme d’Etat : François Rieussec se dit prêt à saisir sa main tendue à l’ingénierie privée. Signe, peut-être, que le Zan avancera en marchant.