«Le dispositif des compensations environnementales pourrait s’améliorer», Maud Lelièvre, présidente de l’association des Eco Maires

Le 5 juillet, pour trois jours, a démarré à Ajaccio la septième édition des assises nationales de la biodiversité. Lancées par l’association des Eco Maires, ces assises sont aujourd’hui organisées en partenariat avec l’Agence française pour la biodiversité, établissement public de l’Etat opérationnel depuis le 1er janvier 2017. Maud Lelièvre, présidente de l’association créée pour changer la place de l’environnement dans les collectivités locales, présente les enjeux de la biodiversité en France.

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Maud Lelièvre, présidente de l’association des Eco Maires.

Où en est on aujourd'hui de la prise en compte de la biodiversité ?

De manière générale, on a beaucoup progressé ces huit dernières années en matière d’environnement et de biodiversité. On est passé de quasiment rien à un sujet qui est devenu important dans des programmes politiques. Aujourd’hui, comment transformer cela en amélioration concrète des règles ? Cela passe notamment par l’amélioration du débat public. Mais, surtout, il faut avancer sur la cartographie et la prise de connaissance. Après la création de l’agence nationale de la biodiversité pour laquelle nous avons milité, c’est notre cheval de bataille. Le gouvernement, il y a sept ans, lancé ce qu’on appelle les atlas de la biodiversité dans les communes. Ils n’ont survécu que parce les associations et les fonds privés ont trouvé les moyens pour les faire vivre.

Nous avons réalisé un livre noir des mauvais aménagements en matière de biodiversité entre 2009 et 2011. Nous avons découvert que de nombreuses collectivités voulaient bien faire mais qu’elles n’y arrivaient pas, parce qu’elles ne savaient pas. Aujourd’hui, nous constatons un manque de connaissance et de moyens techniques. Les collectivités souffrent aussi de la baisse des dotations financières. Et quand il faut faire des choix, elles répondent souvent au choix de court terme. Investir 25 000 euros dans une cartographie environnementale, on peut comprendre que cela ne soit pas le premier choix des maires. Il faudrait des budgets dédiés à la gestion de la biodiversité, car quand il faut remettre en état ou reconquérir, cela coûte dix fois plus cher. Notre enjeu, d’ici à dix ans, est que la France ait réalisé sa cartographie de la biodiversité et que cela soit un sujet, au même rang que le déficit.

Quel est le contexte de ces nouvelles assises ?

Ce sont les premières assises qui se tiennent après la création effective de l’Agence française pour la biodiversité. Pour nous, c’est important parce que le panorama institutionnel a changé. Nous avons co-construit le programme avec l’agence. Et d’ailleurs, Philippe Martin, le président, a ouvert les assises. Et Christophe Aubel, le directeur général, va les conclure.

Nous avons organisé nos assises autour de quatre parcours: gouvernance territoriale et biodiversité, socioéconomie et biodiversité, nature et culture, droit et biodiversité. Ce dernier parcours a été proposé pour la première fois cette année. Au-delà des acteurs scientifiques et des représentants de l’Etat, il y a des partenaires qui peuvent, en amont, conseiller, et, ensuite, accompagner lorsqu’il y a des catastrophes ou lorsque les règles ne sont pas respectées. Il faut comprendre, savoir et se défendre. C’est aussi important que l’annonce des règles. Nous comptons sur Brune Poirson, la secrétaire d’Etat rattachée à Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire. Elle devrait travailler sur ces questions de biodiversité. C’est important de connaître les engagements de l’Etat pour savoir où se diriger. Il faut un portage politique fort et des financements. Le gouvernement précédent a pris des engagements forts sur les océans. On a vu que cela a fait bouger les lignes. Donc, nous espérons que la biodiversité restera un sujet d’intérêt.

Pourquoi la Corse ?

Nous changeons chaque année de lieu. Nous avons choisi la Corse car elle s’est porté candidate suite à un appel à projet que nous lançons cette année. C’est l’occasion pour les collectivités qui nous accueillent de valoriser ce qu’elles font sur le terrain et de faire passer des messages à travers des visites de site. La Corse a déposé un dossier en valorisant à la fois son appartenance au réseau des petites îles et leur prise de conscience de la disparition de la biodiversité marine en raison de la pollution. Nous allons d’ailleurs conclure les assises sur les océans. Cela ne nous empêchera pas de parler de l’affaire des boues rouges de l’usine Alteo en mer Méditerranée, près de Marseille.

Nous n’avons pas conçu ces assises pour parler de la biodiversité qu’entre scientifiques. Elles sont là pour associer l’ensemble des acteurs et pour voir chaque année comment les choses évoluent sur le plan juridique, sur les missions respectives, sur l’aide financière.

Que pensez-vous des compensations environnementales ?

Le dispositif des compensations environnementales pourrait s’améliorer. Il y a des projets de construction ou d’aménagement incontournables pour le développement économique de la France et des territoires, mais le système de la compensation écologique, uniquement, n’est pas suffisant, surtout si on crée la réserve à l’autre bout de la France. On compense certes pour la planète et le non-recul de la biodiversité. Mais, ce n’est pas qu’une question d’équilibre de CO2.

Le sujet de la réparation du préjudice écologique est un sujet qui nous préoccupe. Nous l’avons abordé dans le cadre d’un atelier technique sur «Eviter, réduire, compenser, quelles sont les conséquences sociales et économiques pour les maîtres d’ouvrage ?», et dans un autre, sur le financement de la gestion environnementale. L’idée est d’éviter que cela ne coûte trop cher aux acteurs publics par défaut de prise en compte des décisions. L’idée aussi est d’avoir des règles protectrices de l’environnement. On peut les durcir, mais elles doivent être connues à l’avance.

Les acteurs économiques se plaignent de règles mouvantes et du coup de ne pas pouvoir évaluer consciemment les impacts d’un projet. Connaître les règles en amont évite, ensuite, d’être lancés pendant des années dans des batailles juridiques avec des intérêts divergents qu’on ne peut pas réconcilier. On peut trouver des solutions qui soient favorables à l’environnement et pas forcément défavorables à l’économie. De plus en plus d’ONG réfléchissent d’ailleurs à la façon d’introduire de l’environnement dans des projets d’aménagement et de construction.

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