Après avoir traduit le niveau d'artificialisation en nombre de terrains de football, puis l'avoir rapproché de l'échelle départementale, voici venu le temps de « l’équivalent ville ».
Pour donner aux participants du Forum Bâtiments et climat de Paris (7 et 8 mars) une unité appréhendable de surface construite chaque semaine, mois ou année, dans le monde, ses organisateurs et les intervenants ont alterné au choix entre New York ou Paris.
Ainsi, Chris Carroll, ingénieur chez Arup a-t-il ouvert l’atelier consacré à la décarbonation des matériaux de construction sur cette comparaison : « Il se construit plus de 5 milliards de m² chaque année soit l’équivalent d’une ville de Paris par semaine pour 4 milliards de tonnes de CO2 émises. Des émissions qu’il faut réduire de moitié d’ici 2030. »
Dans le même temps ce sont 4,3 milliards de tonnes de ciment, 1,9 milliard de tonnes d’acier ou encore 5 millions de m3 de verre plat qui sont produites annuellement. La décarbonation de ces matériaux est donc cruciale.
Acier, ciment et verre
Un constat partagé par les représentants des industriels présents : Clare Broadbent (World Steel, association mondiale des producteurs d’acier), Eunice Heath (CRH, propriétaire du cimentier Eqiom en France) et Pascal Eveillard (Saint-Gobain).
Des industriels qui sont en perpétuelle recherche de solutions alors qu’ils se sont engagés à la neutralité carbone à l’horizon 2050.
« Ce qu’il nous faut ce sont des technologies de rupture qui ne sont malheureusement pas disponibles ou trop limitées », a relevé Clare Broadbent. « Ainsi, une solution d’acier vert comme H2green steel par exemple ne peut pas permettre de produire les quelques de 2 milliards de tonnes annuelles.»
« Nous pouvons miser sur l’énergie verte et l’utilisation de matière première recyclée, mais nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il n’y aura pas assez de matière à recycler d’ici 2050. La moitié de notre approvisionnement se fera avec de la matière première neuve », a-t-elle reconnu.
L’espoir réside pour beaucoup d’industriels dans l’utilisation de l’hydrogène et de la capture, le stockage et la valorisation du carbone (CCUS). C’est le cas évidemment des cimentiers et des producteurs de verre plat.
Le CCUS, ultime recours
« Le vert plat émet particulièrement lors de son process de production (particulièrement lors de la fonte des matériaux de base au-dessus de 1500 °C), aussi devons-nous nous efforcer de passer aux combustibles décarbonés - biogaz, hydrogène vert – et assurer une meilleure performance énergétique du process », a expliqué Pascal Eveillard. « Quant au CCUS, il ne peut être que l’option de dernier recours. Et surtout c’est une solution à beaucoup plus long terme. »
Les cimentiers, eux, « compilent » toutes ces problématiques et il n'y a pas non plus de solution miracle, de « silver bullet », évoquée par Eunice Heath, pour un secteur qui repose en plus sur une matière de base extrêmement carbonée, le clinker.
En attendant, et alors que les estimations pour la décarbonation de l’industrie de la construction tournent autour de montants entre 3 et 5 billions de dollars, c’est donc bien sur la nature et la quantité de matériaux utilisés qu’il faudra agir.
Ainsi « la priorité est de réduire la consommation et d’optimiser les usages », a assuré Chris Carroll. « Pour cela une conception économe – faire plus avec moins - est nécessaire. Il faut favoriser la mixité des matériaux et utiliser le bon matériau au bon endroit. Remplacer quand cela et possible les matériaux traditionnels par des matériaux bas carbone et biosourcés. » Mais, a-t-il ajouté « pour cela, il faut faire évoluer les codes et les standards de construction, stimuler la demande par la commande publique et déclencher ainsi les investissements au niveau mondial. »
C’est justement tout l’objet du Forum bâtiments et climat.