A l'heure où les villes cherchent à s'armer pour faire face aux épisodes de chaleur, le mobilier urbain aspire, lui aussi, à devenir plus résilient. Fruits de l'enthousiasme de certains architectes, designers et urbanistes, les prototypes de mobiliers urbains dits « rafraîchissants » fleurissent en agglomération. En 2018, Climespace inaugurait en partenariat avec la Ville de Paris son « îlot frais », une ombrière dotée d'une assise et reliée au réseau urbain d'eau glacée. A l'époque, trois prototypes avaient été installés à la gare de Lyon, à Paris Plages et à Station F. Cette année, l'opération a été réitérée entre juillet et septembre sur les parvis de la même gare, mais également au Palais de Tokyo, au musée d'Art moderne, à la gare Rosa-Parks et à Beaugrenelle. « Sur le plan sociologique, ces îlots sont un succès. Ils donnent naissance à de nouveaux usages, les gens les investissent pour se rafraîchir, discuter, ou encore se restaurer », se félicite Maxime Boucaud, chargé de projet chez Climespace.
Une véritable émulation. Dans la droite ligne de cette initiative, d'autres solutions émergent. Toujours à Paris, le Pavillon de l'Arsenal, à travers son accélérateur de projets innovants « Faire », va prochainement déployer des bancs enterre crue raccordés aux carrières de la capitale par le biais de puits de service déjà existants. Ce principe inspiré du puits canadien permet d'amener un air à 14 °Ce n surface, ce dernier circulant à travers les interstices ménagés dans les modules qui composent le banc.
« Les villes ont bien compris que pour lutter contre le réchauffement climatique, il faut répondre à de nouveaux besoins, satisfaire des usages inédits et réutiliser les réseaux d'alimentation existants », analyse Maxime Boucaud. Albert Asséraf, directeur général stratégie et nouveaux usages chez JC Decaux, ne dit pas autre chose : « L'espace public devient de plus en plus rare. Il devient nécessaire de rassembler les fonctions pour optimiser la place. Il faut donc pouvoir s'abriter, se détendre, mais aussi s'informer ou encore se rafraîchir à un seul et même endroit. »
La végétalisation, tendance majeure. Suivant cette logique, le groupe spécialisé dans l'affichage urbain teste depuis 2015 une cinquantaine d'abribus végétalisés et équipés de panneaux photovoltaïques pour lutter contre les phénomènes d'îlots de chaleur au cœur de la capitale. « En dehors du mobilier rafraîchissant, la végétalisation est sans aucun doute une tendance majeure, sur laquelle nos clients nous interpellent de plus en plus, constate Albert Asséraf. Mais imaginer de nouvelles solutions crée de nouveaux défis. Par exemple, les essences végétales doivent à la fois résister à de forts écarts de température et ne pas trop alourdir le mobilier pour des raisons de sécurité. D'où la nécessité que les maîtres d'ouvrage valorisent ce type de démarche dans les clauses des marchés publics, sans quoi l'entreprise ne peut innover. » La capitale n'est pas la seule ville du pays à montrer de l'intérêt pour un mobilier urbain plus résilient. La communauté d'agglomération de Grenoble doit prochainement se doter des nouveaux abribus proposés par JC Decaux. « Nos membres reçoivent de plus en plus de demandes concernant des couvertures et des abris innovants, comme des canopées ou encore des pare-soleil », confirme Odile Duchenne, directrice déléguée de l'Ameublement français, un groupement d'industriels du mobilier urbain. De quoi encourager encore davantage la créativité chez les acteurs de la fabrique de la ville dans les années qui viennent.
