Le multicouche prêt à décoller

Stratégies industrielles -

Côté évacuations, c’est le calme (presque) plat. Côté alimentations, le cuivre continue de céder du terrain, libérant un énorme marché aux matériaux de synthèse. Les fabricants sont en ordre de marche.

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Les fabricants de tubes en matériaux de synthèse destinés à l’alimentation sanitaire le proclament tel un seul homme : le cuivre est un très, très bon matériau… Mais de préciser aussitôt, façon baiser de Judas : qui s’entartre et se corrode, coûte cher, doit être brasé, est difficile à travailler, demande des compétences de plus en plus rares, exige du temps pour sa mise en œuvre, requiert un permis feu… En revanche, le tube multicouche qu’ils ont en catalogue présente tous les avantages du cuivre, les inconvénients en moins : léger et rigide, il se travaille pareillement, est inerte, ne craint pas la corrosion, s’installe en encastré et en apparent, s’avère plus qualitatif que le PER (ou PEX, à l’anglo-saxonne), permet de gagner du temps, se met en œuvre sans risque ni consommable… et, ultime argument, coûte moins cher. Car le cours du cuivre, même s’il est loin des sommets atteints en 2011, demeure élevé, aux alentours de 8 000 € la tonne, contre 3 000 € en 2005. Le cuivre, matériau historique, symbole du savoir-faire du plombier, serait-il en train de décrocher ? Avec l’hydrocâblé, le PER lui a déjà ravi tout un pan de l’alimentation sanitaire (et du chauffage) et le multicouche émerge ici et là, affichant des progressions à deux chiffres depuis près de dix ans. Certes, ce dernier ne représente, en France, que 13 % des métrages de tubes installés en plomberie et en chauffage, contre 43 % en Italie et 27 % en moyenne en Europe (source fabricants). Mais Olivier Tissot, directeur du Centre européen du cuivre, a beau mettre en garde (Quel recul avons-nous sur les matériaux de synthèse ? Le PER était hier la panacée et, aujourd’hui, ce serait le multicouche ?), une fois qu’il a goûté au multicouche, le professionnel ne revient pas en arrière. Autrement dit, même si le prix du cuivre devait retrouver des niveaux acceptables, il ne rallumerait pas son chalumeau tant il est vrai que ce produit composite constitue une belle alternative au cuivre.

Le PER, un matériau solidement implanté

Pourtant, aussi séduisant soit-il, le multicouche ne détrônera pas le PER, qui règne sur l’alimentation sanitaire horizontale (et le chauffage) dans le résidentiel neuf. Qu’a-t-il de si extraordinaire ce PER ? Outre un prix imbattable, il présente deux avantages du point de vue de l’installateur. D’une part, sa mise en œuvre ne nécessite aucune qualification, contrairement à celle du cuivre. D’autre part, le tube étant inséré dans une gaine (fourreau), il est amovible et relève de la garantie biennale, pas de la décennale. C’est pourquoi, malgré des défauts certains - il se dilate beaucoup, est bleu ou rouge (mais parfois blanc), a une image médiocre de plastique… -, son avenir est assuré, du moins dans le neuf et sur les petits diamètres. Son avenir, mais pas celui des industriels qui le fabriquent (trois sites de production dans l’Hexagone). Car le PER est un produit banalisé, voire bas de gamme en France, qui l’a cantonné à la série 5 (épaisseur minimale). De plus, il n’évolue plus (rien de neuf depuis la barrière anti-oxygène et, plus récemment, le tube pré-isolé) et se vend non pas au kilomètre, mais à la tonne, via des appels d’offres lancés par les grands acheteurs en début d’année ! Dans ce contexte, seuls comptent le prix et les performances logistiques. Rien qui permette d’arrondir les marges des industriels.

Le multicouche, nouvel eldorado ?

Beaucoup plus qualitatif, le multicouche se positionne pile entre le cuivre désormais trop coûteux et le PER trop bas de gamme, ouvrant de nouveaux marchés aux industriels. Ainsi Uponor, en proposant du diamètre 110, peut concurrencer le métal sur les colonnes montantes et, après avoir renforcé ses capacités de stockage sur son site de Saint-Quentin-Fallavier, il affiche l’assurance d’un leader. Mais il est loin d’être le seul. Tous les fabricants sont en ordre de marche, et si le marché qui se dessine est énorme, la bataille s’annonce rude. D’une part, parce que le nombre de prétendants, déjà conséquents, continue d’enfler (même si 20 % d’entre eux réalisent déjà 80 % des ventes). D’autre part, les capacités de production sont (trop) importantes dans l’Europe en crise d’aujourd’hui. De plus, avec l’aval du CSTB, depuis 2010, les avis techniques s’ouvrent aux outillages tiers (sous la responsabilité de leurs fabricants), permettant aux installateurs, voire aux distributeurs, de glisser plus facilement d’un fournisseur à l’autre, en utilisant une seule machine à sertir quel que soit le système de tube (en revanche, contrairement à ce qui se passe avec le PER, le couple tube-raccord reste inséparable). Enfin, l’écart de prix actuel entre le multicouche et le PER demeure important. Autant de phénomènes qui pourraient faire de cette bataille une véritable guerre, et tirer le marché vers le bas (de gamme).

Evacuations : l’acoustique à petits pas

Concernant l’évacuation, c’est sur l’acoustique que les fabricants de PVC misent aujourd’hui. Des fabricants en petit nombre et dont les positions varient peu. Si les produits acoustiques sont disponibles, la problématique ne mobilise guère, en dehors du secteur de l’hôtellerie et du collectif haut de gamme ou labellisé HQE, voire de la rénovation, dont on sait qu’elle ne doit pas dégrader l’existant. Mais les industriels attendent leur heure, qui ne pourra venir que d’une évolution de la réglementation, qui avance à petits pas. Ainsi, depuis le début de l’année, le législateur exige du maître d’ouvrage une attestation de prise en compte de la réglementation acoustique à différentes étapes du chantier. C’est un début.

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