La procédure du référé précontractuel judiciaire a été toilettée sous la pression du juge communautaire (1) par l’ puis par le 456 du 27 novembre 2009. Le nouvel précise que « les demandes présentées en vertu des articles 2 à 20 de l’ relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique sont formées, instruites et jugées comme en matière de référés ». Sont visés tous les marchés de droit privé lancés à compter du 1 décembre 2009.
Finis donc l’obligation d’une mise en demeure préalable et les risques d’une course à la signature qui faisait perdre toute utilité à cette procédure, contrairement à son homologue administratif.
Saisi sur le fondement de l’, le juge du référé précontractuel judiciaire peut donc sanctionner en urgence les violations par les pouvoirs adjudicateurs de leurs obligations en matière de publicité et de mise en concurrence dès lors qu’elles ont lésé ou sont susceptibles d’avoir lésé une société candidate.
Encore méconnu de la majorité des entreprises, ignoré depuis son origine par la doctrine, le référé précontractuel judiciaire offre aujourd’hui un nouveau visage, qui a toutes les chances de lui donner un succès identique à celui du référé précontractuel administratif en matière de marchés publics.
Une procédure qui se veut aussi rapide et efficace que son homologue administratif
Les marchés de droit privé régis par l’ordonnance du 6 juin 2005 sont soumis aux principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures qui ont valeur constitutionnelle (article 6 de l’ordonnance - , relative à la loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit) et plus spécifiquement aux modalités de publicité et de mise en concurrence fixées par les 308 du 20 octobre 2005 (2) et n° 2005-1 742 du 30 décembre 2005 (3).
Dès lors qu’il entend passer un marché de droit privé, le pouvoir adjudicateur doit donc désormais respecter les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par ces textes ainsi que les grands principes de la commande publique.
La procédure du référé précontractuel étant beaucoup moins usuelle devant le juge judiciaire, il est fréquemment fait référence à la jurisprudence administrative en tout point transposable en raison de la similitude des principes et des procédures applicables… Mais cela ne pose guère de difficultés. Dans un jugement en date du 5 novembre 1998, le tribunal de grande instance de Paris a en effet déjà eu l’occasion de rappeler à propos d’une procédure de mise en concurrence lancée par La Poste que « les conditions de mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres doivent être appliquées avec rigueur et précision ».
Dans son commentaire sur ce jugement, le rapporteur public du Conseil d’Etat, Catherine Bergeal, précisait que « les règles sont identiques devant les deux ordres de juridictions », avant de conclure que « le juge civil a la même conception de ses pouvoirs dans le cadre du référé précontractuel que le juge administratif » et que « le juge civil fait des mêmes textes la même interprétation » (BJCP n° 12, p. 320). Les règles de publicité et de mise en concurrence découlant des textes nationaux et communautaires doivent donc être interprétées de manière identique par le juge administratif et par le juge judiciaire ().
Dans ces conditions, le juge du référé précontractuel civil est parfaitement libre de reprendre à son compte les enseignements de la jurisprudence administrative en matière de publicité et de mise en concurrence. Et a fortiori, il est également compétent pour sanctionner de la même manière les conséquences des manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence.
Voici les particularités de cette nouvelle voie de recours :
Qui peut saisir le juge du référé précontractuel judiciaire ?
L’article 2 de l’ rappelle que seuls peuvent saisir le juge du référé précontractuel civil les candidats qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésés par un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation du contrat.
A ce titre, il paraît utile de rétablir une vérité historique jurisprudentielle : en effet, contrairement à ce que l’on a pu lire partout, c’est le Conseil d’Etat qui s’est inspiré des solutions dégagées par le juge judiciaire en matière de référé précontractuel pour opérer son revirement de jurisprudence avec l’arrêt « Smirgeomes » (4). C’est dire l’influence réciproque qui peut exister entre les deux ordres de juridiction dans cette matière.
Quand peut-on saisir le juge du référé précontractuel judiciaire ?
Les pouvoirs conférés au juge par l’ ne peuvent plus être exercés après la signature du contrat. Très récemment, dans un arrêt du 10 juillet 2009, « S GRDF », la chambre commerciale de la Cour de cassation a pris soin de rappeler cette règle ( - TGI Nanterre, ordonnance du 2 mai 2007, « SARL IH Group », n° 07/01 250 - TGI Evry, ordonnance du 9 septembre 2003, « SA Rabot Dutilleul Travaux Publics », n° 03/01 088). Afin de prévenir tout risque de course à la signature, les articles 4 et 8 de l’ indiquent que la saisine du juge entraîne la suspension automatique de la signature du contrat litigieux jusqu’à la notification de la décision juridictionnelle. Une entreprise peut donc saisir le juge du référé précontractuel avant de participer à la procédure si elle estime, par exemple, que les documents de la consultation l’empêchent de participer ou contiennent des prescriptions discriminatoires ; en cours de procédure, avant le choix de l’attributaire ou, en fin de procédure, après le choix de l’attributaire mais avant la signature du marché pour contester, par exemple, les motifs de rejet de son offre.
Qui est le juge territorialement compétent ?
Avant le 1 décembre 2009, le recours devait être porté « devant le président de la juridiction de l’ordre judiciaire compétente ».
Ce texte renvoyait donc aux règles de compétence des juridictions judiciaires sans autre précision. Le tribunal de grande instance déclinait donc très souvent sa compétence au profit du tribunal de commerce, qui est seul compétent pour connaître des contestations relatives aux litiges entre commerçants et celles relatives aux actes de commerce ().
Pour les marchés lancés à compter du 1 décembre 2009, l’article L. 211-14 du Code de l’organisation judiciaire retient désormais la compétence exclusive du tribunal de grande instance (5).
Au sein de cette juridiction, c’est le président du TGI qui est compétent en application de l’article R. 213-5-1 du Code de l’organisation judiciaire pour connaître des contestations relatives aux obligations de publicité et de mise en concurrence.
Comment saisir le juge des référés civil ?
Dans la pratique, la saisine du juge du référé précontractuel administratif se fait toujours par télécopie car il y a toujours urgence à stopper la procédure !
En vertu des articles du Code de justice administrative, l’auteur du référé précontractuel administratif est désormais tenu de notifier son recours au pouvoir adjudicateur en même temps que le dépôt de sa requête auprès du tribunal administratif. La signature est suspendue à compter de cette notification (6).
Aucune obligation de ce type n’est prévue pour le référé précontractuel judiciaire. Cela étant, pour stopper la signature du contrat au plus vite, le demandeur à tout intérêt à procéder en deux temps. Tout d’abord, faxer au pouvoir adjudicateur l’ordonnance du président du TGI l’autorisant à assigner en référé d’heure à heure ou à jour fixe : la procédure sera suspendue à compter de la réception de la télécopie. Ensuite, faire délivrer l’assignation par huissier de justice pour respecter l’urgence et la date de délivrance prévue par l’ordonnance du président du TGI.
Ensuite, selon l’, le juge est en principe tenu de statuer dans un délai de vingt jours à compter de sa saisine.
Quels sont les moyens susceptibles d’être invoqués ?
Le juge du référé précontractuel judiciaire peut sanctionner différents manquements, tels que ceux relatifs aux insuffisances des mesures de publicité, les prescriptions discriminatoires contenues dans les cahiers des charges, la rupture d’égalité entre les candidats en cours de procédure, la contestation des critères de sélection des candidatures ou des offres, ou encore, les motifs de rejet des candidatures ou des offres.
Il est probable que l’éventail des moyens susceptibles d’être invoqués soit plus large que devant le juge administratif. On pense en particulier à la possibilité d’invoquer des moyens tirés de pratiques de concurrence déloyale de la part de certains candidats concurrents, des cas de vente à perte, des pratiques anticoncurrentielles ou encore de la protection des droits d’exclusivité que le juge administratif rechigne à sanctionner, même face à l’évidence.
Quels sont les pouvoirs du juge du référé judiciaire ?
Le juge du référé judiciaire peut suspendre la procédure de passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler toutes les décisions qui se rapportent à la passation du contrat ou ordonner la suppression des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent les obligations de publicité et de mise en concurrence. L’ordonnance rendue par le président du TGI peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation dans les quinze jours de sa notification.