La production d'énergie photovoltaïque décolle. Pourtant, cette forme d'énergie, à la fois inépuisable et décentralisée,accuse un sérieux retard en France, notamment sur l'Allemagne. Quels sont les freins au développement du marché en France ? Etat des lieux avec Eric Laborde, directeur général de Photowatt, et membre du conseil d’administration de l’European Photovoltaic Industry Association (EPIA).
"Le marché du photovoltaïque connaît actuellement une croissance supérieure à 40% par an" explique Eric Laborde lors de la présentation de Solar Event, une manifestation organisée pour la première fois du 27 au 29 juin au Bourget-du-Lac,en Savoie,et qui présentera l'éventail des technologies présentes et à venir, du bâtiment à la production d'électricité en passant par les voitures, avions et bâteaux utilisant l'énergie du soleil.
Une explosion similaire à celle du marché de l’électronique
Le dirigeant du leader français de la fabrication de plaques, cellules et modules photovoltaïques affirme que le secteur a créé plus de 30.000 emplois industriels en Allemagne, sous la chancellerie de M. Schröder. Aussi,il pense que cette industrie est sur le point de connaître une explosion similaire à celle que le marché de l’électronique a connue dans les années 60. Il avoue même rêver d’un réseau mondial qui permettrait d’envoyer l’énergie solaire captée sur la partie du globe ensoleillée vers la face du monde où il fait nuit. Le "soleil levant" éclairerait alors les nuits parisiennes... C’est peu dire qu'Eric Laborde est confiant dans l’avenir du photovoltaïque.
En revanche, il doute que la France puisse participer à ce marché émergent si les obstacles au déploiement d’une filière photovoltaïque en France ne sont pas tous levés.
Face à un prix du kWh à 15 centimes d’euros, les panneaux solaires en France ne peuvent être attractifs qu’accompagnés de mesures incitatives. C’est pourquoi, en amont, des subventions, une TVA à 5,5% et un crédit d’impôt à hauteur de 50% du prix du matériel sont accordés au particulier qui décide d’installer des panneaux pour sa résidence principale. En aval, un montage financier a été mis en place afin qu’EDF rachète pour 57 centimes d’euros le kWh produit et réinjecté dans le réseau.
Une production 30 fois supérieure en Allemagne
Mais si malgré ces dispositifs, Eric Laborde reste sceptique sur l’évolution du marché en France, c’est que seuls les particuliers peuvent bénéficier pleinement des mesures,et seulement si les panneaux solaires sont intégrés au bâti. Ainsi,ce dispositif semble limiter le développement du parc photovoltaïque aux habitations. Or, cet administrateur de l’EPIA qui connait bien le marché européen sait qu’en Allemagne, où la production d’énergie photovoltaïque, en 2007, était 30 fois supérieure à celle de la France, les deux tiers proviennent d’entreprises ou d’industries. Notons tout de même que l'annonce récente de la construction sur un centre commercial, dans le Gard, de la plus grande toiture photovoltaïque en Europe vient nuancer ces propos.
Mais ce polytechnicien n'a pas oublié qu'une démonstration se nourrit d'observations parallèles. Ainsi, il continue sa comparaison avec la filière d’Outre- Rhin, en soulignant que là où en Allemagne deux feuilles à remplir et deux semaines suffisent pour un raccordement des panneaux sur le réseau de distribution en place,en France, il faut s’engager dans de nombreuses procédures et prendre son mal en patience.
Ceci dit, son regard européen lui fait penser que,même en levant tous les obstacles énumérés, la France ne pourra jamais rivaliser avec l'ex-Allemagne de l'Est qui bénéficie, comme soutien au développement du photovoltaïque, des fonds structurels Européens.
Eric Leysens