Il souhaiterait que les mots se muent en actes, que les paroles soient suivies de gestes forts. Hervé Gastaud a encore en mémoire le volontarisme affiché par le président de la République le 13 mai dernier, au cours d’une allocution télévisée pleine d’intentions conquérantes. Dont celle de protéger l’acier, jugé comme un matériau stratégique mais aux prises avec la rude concurrence infligée à l’industrie française par les acteurs chinois.
« En Chine, l’acier est fortement subventionné par l’Etat, ce qui permet à leurs entreprises de casser par deux, par trois voire par quatre les prix sur le marché européen », déplore le délégué général. « Ce dumping nuit à la compétitivité française ! »
Le cas dunkerquois
Un état de fait qui trouve son illustration parfaite à Dunkerque, où une usine de fabrication de batteries va prochainement sortir de terre. Un « chantier historique » porté par l’industriel Orano – gestion de déchets radioactifs et démantèlement d’équipements de sites nucléaires –, avec le groupe chinois XTC New Energy.
Un chantier, divisé en trois phases, qui nécessitera le recours de 35 000 tonnes de charpentes métalliques à livrer en deux ans. Et pour lequel l’acier aurait de fortes chances d’être une nouvelle fois importé de Chine, alors même que les sidérurgistes nationaux n’ont pas eu la possibilité de se positionner sur ce projet pourtant stratégique.
« Ce sont nos adhérents qui nous ont avertis de cette situation », poursuit Hervé Gastaud. « 35 000 tonnes, c’est 5 % de la production nationale d’acier, estimée à 800 000 tonnes par an à destination du secteur de la construction. » Autant dire qu’en termes de débouchés pour les industriels, le chantier dunkerquois est loin d’être anecdotique.
Logiquement, le SCMF, par la voix de son délégué général, s’est empressé de prendre contact avec les pouvoirs publics afin de faire part de son courroux. « J’ai déjà été reçu par Matignon et le ministère de l’Industrie, je dois également me rendre à l’Elysée. Le rôle d’un syndicat patronal tel que le nôtre est d’accéder aux décideurs publics et de les confronter aux incohérences stratégiques quand il y en a. »
Un phénomène de grande ampleur
Le SCMF veut faire bouger l’Etat sur ce dossier, même s’il a conscience que ce dernier ne peut s’immiscer dans un projet privé. Pour autant, une visite sur le terrain, à Dunkerque, a été proposée à Marc Ferracci, ministre de l’Industrie et de l’Energie, pour le sensibiliser au dossier. « Le site dunkerquois est le symptôme et le cas d’école d’un phénomène de plus grande ampleur, à savoir notre perte de compétitivité industrielle, aussi bien en France qu’à l’échelle européenne, au sein d’une économie mondialisée et ouverte à tous. »
Pour l’usine nordiste, le ministre a demandé à Hervé Gastaud la rédaction d’une lettre d’intention sur l’acier décarboné, à coûts maîtrisés et capable de répondre de façon satisfaisante à un calendrier resserré. « L’acier chinois n’est pas décarboné comme le nôtre, sans compter l’empreinte écologique induite par les cargos qui l’importent massivement en Europe », déplore-t-il.
Dans le but de prouver leur savoir-faire et leur capacité à mener un projet dans des délais limités, le SCMF va constituer une « team France » regroupant sept adhérents au syndicat. L’objectif est de s’unir à plusieurs pour gagner en « poids » et en crédibilité face aux acteurs asiatiques. Notamment sur les futurs projets nucléaires, comme la construction prochaine des tranches EPR2 – ossatures et charpentes métalliques –, ou encore les infrastructures des Jeux olympiques d’hiver 2030.
« Le ministre Marc Ferracci a dit qu’il fallait produire français. Chiche ? », interroge Hervé Gastaud. « Il faut permettre aux constructeurs métalliques français de participer à ce projet collectif de Dunkerque. Un Plan de sauvegarde de l’acier a été présenté par le Commissaire européen Stéphane Séjourné au mois de mars, il serait judicieux que ces intentions protectionnistes se traduisent dans les faits. »