Les campus donnent de la chair à la relance

Bâtiments publics -

L'enseignement supérieur prépare une rénovation massive de son parc immobilier. L'Etat lui a alloué 1,3 Md € qui permettront de livrer plus de 1 000 projets.

 

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A l’université de la Timone (Marseille), des travaux de rénovation seront menés sur l’enveloppe de la faculté de pharmacie. Evalués à 27,7 M€, ils ont comme objectif de réaliser 45 % d’économies d’énergie.

L'espoir fait vivre. A la rentrée universitaire 2024, les étudiants de la faculté de pharmacie du campus de la Timone à Marseille devraient avoir la chance de suivre des cours « en présentiel » et… dans un bâtiment fraîchement rénové. Construit en 1975 par l'architecte René Egger, cet immeuble de grande hauteur en forme de tripode, mêlant amphis, laboratoires et bureaux, va bénéficier d'une réhabilitation énergétique complète. Au programme : rénovation de l'enveloppe globale du bâtiment, remplacement de la chaufferie au fuel, installation de panneaux photovoltaïques… Le budget de 27,7 M€ de travaux sera pris en charge par l'Etat, dans le cadre du plan de relance présenté en septembre dernier.

En comptant ce dossier, qui a décroché l'une des aides les plus importantes de l'appel à projets consacré aux bâtiments universitaires (voir tableau ci-dessous), Aix-Marseille Université (AMU) va percevoir un montant total de 61,2 M€ pour financer 10 chantiers, dont huit de rénovation énergétique. « Il s'agit d'une réelle opportunité pour nous ! Nous pouvons ainsi enclencher des projets que nous n'aurions pu financer que dans six ans, dans le cadre du futur contrat de plan Etat-région (CPER) », se félicite Damien Verhaeghe, vice-président délégué richesse humaine et patrimoine d'AMU. « Ce plan de relance nous permet de doubler la mise du CPER. L'effet de levier sera très important pour le territoire », complète Georges Leonetti, vice-président délégué à l'éducation de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Les sites universitaires, premiers bénéficiaires. « Le monde universitaire a été entendu dans le cadre du plan de relance », souligne Hubert Briand, responsable du pôle efficacité énergétique des bâtiments à la Caisse des dépôts et coauteur d'un rapport sur la rénovation énergétique des bâtiments éducatifs paru en 2018. Les chiffres le confirment : sur les 2,7 Mds € de l'appel à projets pour la rénovation énergétique des bâtiments publics, près de la moitié (1,3 Md €) a été allouée au monde de l'enseignement supérieur et de la recherche qui, avec 18,5 millions de mètres carrés, constitue le deuxième parc immobilier de l'Etat. « Sur cette enveloppe, 700 M€ seront fléchés vers les sites universitaires, 250 M€ vers les centres régionaux d'œuvres scolaires et universitaires (Crous) pour la réhabilitation de résidences étudiantes et de restos U, 140 M€ vers les organismes de recherche, 110 M€ vers les grandes écoles et 100 M€ vers les organismes de formation relevant d'autres ministères que celui de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation (Mesri).

Outre le volume exceptionnel des montants débloqués, le plan de relance est inédit par sa rapidité d'exécution

Outre le montant exceptionnel des fonds débloqués, le plan de relance est inédit par sa rapidité d'exécution. « En un mois et demi, nous avons instruit plus de 6 000 dossiers représentant 8,4 Mds €. Un vrai challenge ! », souligne Nicolas Blondel, pilote ensemblier du plan de relance à la Direction de l'immobilier de l'Etat (DIE). Et ce n'est pas fini. Le calendrier est serré : les marchés doivent être notifiés avant le 31 décembre 2021, et les projets livrés fin 2023 au plus tard. « C'est à ce prix que l'on fait de la relance. Sinon, nous ne serions pas au rendez-vous », insiste Christine Weisrock, sous-directrice stratégie et expertise à la DIE.

Pour franchir la ligne d'arrivée dans les temps, les porteurs de projets anticipent. « Nous avons commencé les études sans attendre les résultats de l'appel à projets. Nous pouvons ainsi passer directement à la consultation des entreprises », indique Olivier Canin, directeur du patrimoine à l'université Côte d'Azur. Quant aux travaux, le planning est déjà calé. « Les chantiers se-ront mis en œuvre en 2022 et 2023. Certains seront réalisés en site occupé, mais l'essentiel sera concentré entre les mois d'avril et septembre, période où les étudiants sont moins présents dans les locaux », complète-t-il.

Les entreprises du bâtiment sont, elles, se montrent impatientes. « Nous avons besoin de ce type de marché pour compenser la chute d'activité de 2020 et apaiser nos craintes pour 2021 », confie un porte-parole de la FFB. Grâce à la variété des opérations retenues, du simple relamping à la réhabilitation lourde, en passant par l'isolation des toitures ou le remplacement des fenêtres, toutes les entreprises devraient y trouver leur compte. « On a toujours l'impression que les marchés publics sont de gros marchés réservés aux majors mais, dans la pratique, il y a aussi des petits chantiers, entre 50 000 et 100 000 euros. Nous incitons nos PME et TPE à s'y intéresser, d'autant que la loi Asap a relevé le plafond de dispense de procédure de passation pour les marchés de travaux de 70 000 à 100 000 euros », rappelle Henry Halna du Fretay, secrétaire général de la Capeb.

Enthousiasme et frustration. Au sein de la communauté universitaire, le plan de relance suscite autant d'enthousiasme que de frustration. « C'est un signal fort. Il entrouvre la porte de la transition écologique des universités, mais on reste au milieu du gué, regrette Patrice Barbel, conseiller patrimoine auprès du président de la Conférence des présidents d'université (CPU). L'appel d'offres avait fait remonter 2 Mds € de travaux à effectuer tout de suite. Seul un tiers des projets a été retenu. Il y a un décalage entre les projets sélectionnés et les besoins réels. » Selon la CPU, entre 7 et 8 Mds € seraient en effet nécessaires pour remettre à niveau l'ensemble du patrimoine immobilier universitaire.

Construit en majeure partie entre les années 1960 et 1980, il présente « certains signes d'obsolescence », reconnaît Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur de la Recherche et de l'Innovation. Selon le Mesri, 38 % des surfaces ont une étiquette énergie D et 21 %, classées E, F et G, sont considérées comme étant très énergivores. Pour les usagers de ces passoires thermiques, cela se traduit au quotidien par des fenêtres qui ne ferment plus, des radiateurs qui lâchent, des toitures qui fuient, des plaques de béton qui tombent des façades… « Il est urgent de prendre en compte le coût de l'inaction. Plus on attend, plus ça coûtera cher en fonctionnement et en investissement », prévient Hubert Briand. « Si un financement du type plan de relance n'est pas suivi de mesures pluriannuelles, nous n'aurons pas les effets escomptés dans la durée, les coûts énergétiques et carbone seront considérables à brève échéance pour les universités. Il faut penser en termes d'infrastructures et mettre en place un autre modèle de soutenabilité », analyse Patrice Barbel.

 

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