Jurisprudence

Les contours des recours contractuels s’affinent

Contentieux des marchés publics -

La jurisprudence récente a précisé les conditions d’exercice des recours contractuels, les moyens susceptibles d’être invoqués et les pouvoirs du juge pour les référés comme pour les procédures au fond. Cependant, quelques incertitudes subsistent.

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Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2008/10/03N°305420
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2012/07/23N°358779
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2011/08/02N°347526
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2010/11/10N°340944
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2012/03/01N°354159
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2010/05/21N°333737
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2011/01/19N°343435
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2012/06/29N°358353
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2012/04/11N°355446
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2011/05/11N°347002
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2012/07/04N°352714
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2007/07/16N°291545

En marchés publics, le contentieux contractuel a connu ces dernières années de profondes réformes. Si les voies de droit ont fait l’objet de précisions jurisprudentielles récentes, des zones d’ombre persistent.

Les référés précontractuel et contractuel : une contestation de la procédure de passation du contrat

Les référés précontractuels et contractuels ne peuvent être présentés que par des candidats susceptibles d’être lésés par les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence lors de la passation des contrats en cause.

Une appréciation étroite de l’intérêt à agir

En référé précontractuel, c’est-à-dire avant la signature du contrat, le Conseil d’Etat a précisé la notion de candidat lésé ou susceptible de l’être, issu de sa jurisprudence « Smirgeomes » (), en jugeant récemment qu’« il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente » (CE, 11 avril 2012, « Syndicat Ody 1 218 Newline du Lloyd’s de Londres », n° 354652). Le candidat peut donc être lésé par le choix irrégulier de l’attributaire, et ce, quel que soit le classement de l’offre du requérant. En revanche, le requérant doit avoir présenté sa candidature ou démontré qu’il a été empêché de le faire, pour que sa requête, enregistrée au terme de la procédure de passation, soit recevable (). Cela vaut aussi en référé contractuel.

En référé contractuel (après la signature du contrat), l’ (CJA) énonce que : « Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l’Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. » Le Code précise, de plus, que le requérant qui a présenté un référé précontractuel n’est pas recevable à présenter un référé contractuel dès lors que la personne publique a respecté la suspension de signature du contrat et s’est conformée à la décision juridictionnelle rendue. A défaut, le requérant qui a présenté un référé précontractuel est recevable à présenter un référé contractuel (, et ).

Un office du juge extensible

Le contrôle du juge du référé précontractuel n’est limité à l’erreur manifeste d’appréciation » que s’agissant du contrôle de l’offre anormalement basse () ou du respect du principe d’allotissement (). Cependant, l’on constate que, au motif d’apprécier le risque de lésion du requérant, le juge du référé précontractuel a aujourd’hui tendance à contrôler l’appréciation des mérites respectifs des offres, opérée par la personne publique. Cela est d’autant plus regrettable que, pour assurer une bonne défense, la personne publique doit alors produire le rapport d’analyse des offres bien qu’il ne soit pas encore un document administratif communicable - puisque le contrat n’est pas signé.

Le juge du référé contractuel dispose de larges pouvoirs définis aux articles à du CJA. Cependant, la mise en œuvre de ces pouvoirs y est conditionnée, et le juge administratif en fait une stricte interprétation (). Ainsi, exercer avec succès un référé contractuel en Mapa (marché passé en procédure adaptée) n’est pas chose aisée. Il faut une absence des mesures de publicité requises pour sa passation ou la méconnaissance des modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique ; ou encore, la méconnaissance de la procédure de référé précontractuel engagée contre le Mapa, ce qui n’est pas fréquent (CE « Sté Grand Port maritime du Havre », précité). Bien plus, le Conseil d’Etat a récemment précisé que le titulaire d’un accord-cadre mono-attributaire ne pouvait pas présenter un référé contractuel pour contester la conclusion d’un marché public conclu en dehors de l’accord-cadre (). La Haute Juridiction considère que ce cas n’est pas au nombre des moyens définis à l’. Le requérant peut, en revanche, présenter un recours en contestation de la validité du marché ainsi conclu.

Zone d’ombre…

Certains soutiennent que le requérant du référé contractuel (s’agissant d’un recours de plein contentieux) devrait produire au soutien de la requête le contrat signé ou, au moins, une demande de communication dudit contrat conformément aux dispositions de l’ (1). A notre sens, tel ne peut être le cas puisque le référé contractuel n’est pas une procédure de contestation de la validité même du contrat, mais de sa signature dans des conditions qui méconnaissent les obligations de publicité et de mise en concurrence. Bien plus, cette exigence n’apportera rien au débat contentieux puisque les moyens conditionnant les pouvoirs du juge du référé contractuel limitativement énumérés aux articles à du CJA n’ont pas trait au contrat lui-même.

Le recours « Tropic » : une contestation de la validité du contrat

Le recours « Tropic » (2) permet à tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif de former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles. Il doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées. Il peut être assorti de demandes indemnitaires et d’un référé-suspension dans les conditions de droit commun.

Le Conseil d’Etat vient d’apporter d’utiles précisions (, « Sté Gouelle ») : « [La] qualité de concurrent évincé est reconnue à tout requérant qui aurait eu intérêt à conclure le contrat, alors même qu’il n’aurait pas présenté sa candidature, qu’il n’aurait pas été admis à présenter une offre ou qu’il aurait présenté une offre inappropriée, irrégulière ou inacceptable. A l’appui de son recours en contestation de la validité du contrat, mais aussi de ses conclusions indemnitaires présentées à titre accessoire ou complémentaire, le concurrent évincé peut invoquer tout moyen. Il ne résulte, par ailleurs, d’aucun texte ni principe que le caractère opérant des moyens ainsi soulevés soit subordonné à la circonstance que les vices auxquels ces moyens se rapportent aient été susceptibles de léser le requérant. » Le recours « Tropic » est donc un recours efficace, qui s’entend plus largement que les référés précontractuels et contractuels. S’agissant du contentieux de la validité du contrat, le respect des dispositions de l’ précité est justifié (TA Rennes, 6 septembre 2010, « Sté SAS Heli Challenge », n° 1003534) (3).

Recours indemnitaire

Le Conseil d’Etat (, « Sté Rebillon Schmit Prevot », et ) a récemment confirmé la possibilité pour le concurrent évincé de présenter des conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice que lui a causé son éviction irrégulière de la procédure d’attribution du contrat. Il peut les présenter soit dans le cadre d’un recours propre, soit dans le cadre d’un recours tendant également à l’annulation de l’acte détachable du contrat ou à la contestation de sa validité. Le Conseil d’Etat précise que, dans ce cas, la recevabilité des conclusions indemnitaires doit s’apprécier dans les conditions de droit commun et indépendamment de celle des conclusions tendant à l’annulation de l’acte détachable du contrat ou à la contestation de la validité du contrat.

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