Pour 100 €, une Toulousaine recherche en ligne « quelqu'un pour repeindre la chambre de son petit-fils, plafond, murs et plinthes ». Neuf personnes ont répondu moins d'une heure après la mise en ligne de l'annonce. Bienvenue dans le monde de l'économie dite collaborative !
Sous la conjonction de la numérisation et de la crise économique, des plates-formes organisées selon ce principe voient le jour. « Les entrepreneurs du BTP sont d'excellents techniciens, mais ne savent pas se vendre. Des plates-formes et des grandes surfaces de bricolage (GSB) se sont engouffrés dans cette brèche », diagnostique Aline Mériau, présidente de la FFB du Loiret.
«Ubérisation». Difficilement quantifiable, ce mouvement mis en lumière par Uber se développe dans de nombreux secteurs, dont celui des petits travaux, au grand dam des artisans. « Je suis outré par des plates-formes mises en place par les GSB qui surfent à la fois sur la précarité des produits et sur celle de ceux qui les posent. Or, ce n'est pas au client de faire son prix, ni à la personne non qualifiée qui l'accepte alors qu'il n'a pas la compétence de l'évaluer. », s'emporte l'un d'eux.
Fondateur de la plate-forme Needelp, qui compte 50 000 membres, « posteurs » (demandeurs) et « jobbers » (offreurs), depuis son lancement en 2014, Guillaume De Kerganiou tente de rassurer les professionnels sur le sens de sa démarche : « Il n'est pas question de voler le travail des entreprises du bâtiment. L'origine du concept, c'est justement de répondre au petit coup de main que ne va pas réaliser l'artisan, tels le montage de meubles ou l'aide au bricolage. Le panier moyen de travaux est de 100 €, alors que l'artisan préférera un chantier de 5 000 €, avec des problématiques d'organisation, d'approvisionnement et des compétences propres.»
Auto-entrepreneurs. Problème, cette plate-forme une parmi d'autres - accueille également des professionnels… « La moitié de nos membres sont auto-entrepreneurs ou artisans, admet le président de Needelp. Certains viennent quand ils ont le temps, mais, en réalité, la plupart s'en détournent assez rapidement, car ça ne leur est pas destiné. » La situation se corse avec les enseignes de GSB, comme Leroy Merlin, entrée dans le capital de Frizbiz, site de mise en relation permettant à des particuliers et à des professionnels de proposer des prestations de bricolage. La condition : acheter les produits à la GSB. Bernard François, président de la Capeb 34, fulmine contre cet outil : « Je conteste aux artisans le droit d'intervenir sur ce type de plate-forme, et nous ne défendrons pas ceux qui se prêteraient à cette démarche. Ensuite, les professionnels ne pourront pas faire valoir leurs compétences en remettant en cause le produit acheté par le client. » Seule consolation pour les pros, les métiers à forte technicité sont pour le moment préservés (électriciens, couvreurs… ), voire renforcés.
