Les réseaux de chaleur et de froid à la conquête de la transition énergétique

A l’occasion des 16e Rencontres nationales des réseaux de chaleur et de froid, le SNCU et Amorce publient l’édition 2020 de l’Enquête nationale annuelle sur les réseaux de chaleur et de froid. Si la part des énergies renouvelables qu’utilisent ces réseaux a doublé en 10 ans, le chemin est encore long pour atteindre les objectifs de 2030.

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Réseau de chaleur

« Si on veut réussir le défi climatique, nous n’avons pas d’autre choix que d’accélérer le verdissement de la consommation de chaleur », lance Aurélie Lehericy, présidente du Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU), chiffres à l’appui : en France, 40 % des consommations énergétiques sont liées au besoin de chaleur. Seule 20 % de cette chaleur est issue d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R).

Les réseaux de chaleur semblent être une solution puisqu’ils fournissent à eux seuls 60 % d’énergie verte. Leurs unités de production, qui utilisaient historiquement du fioul, du charbon ou du gaz, se sont tournées depuis plusieurs années vers les EnR&R.

Aujourd’hui, les réseaux de chaleur récupèrent principalement les calories fatales issues des unités de valorisation énergétique de déchets (à hauteur de 7 985 GWh en 2019 soit 43 % des productions EnR&R des réseaux). Ils sont aussi alimentés par biomasse ou par géothermie.

L’Enquête nationale annuelle sur les réseaux de chaleur et de froid du SNCU et de l’Association de collectivités, gestion des déchets, réseaux de chaleurs, gestion locale de l'énergie (Amorce) révèle que la part de chaleur verte a ainsi doublé en dix ans dans le mix énergétique des réseaux de chaleur, passant de 31 % en 2009 à 59,4 % en 2019.

Un verdissement qui a eu pour effet concomitant de diminuer de 44 % les émissions de CO2 des réseaux, pour atteindre l’année dernière 0,107 kg/kWh (soit 54% de CO2 en moins par rapport au gaz naturel, ou 64 % de moins que le fioul domestique).

« Le projet de géothermie de Fonroche à Vendenheim n’est pas lié au réseau de chaleur », Aurélie Lehericy

« Le projet de géothermie de Fonroche à Vendenheim (Bas-Rhin) est très spécifique car la société creusait à 4000 m de profondeur dans un sous-sol comportant énormément de failles au-delà de 4000 m de profondeur. La circulation de l’eau dans ces failles modifie l’équilibre mécanique des roches ce qui peut conduire à la sismicité qu’on a vu. Ce projet n’a aucun lien avec les forages utilisés par les réseaux de chaleur, qui s’arrêtent à 2000 m de profondeur et ne touchent pas les mêmes contextes de roche, mais exploitent un potentiel thermique de couche homogène et stable.  De plus, nous avons un retour d’expérience de plus de 50 ans, et énormément de site en exploitation aujourd’hui, qui n’ont jamais fait apparaitre un risque de micro-sismicité. L’expérience en Alsace n’est donc absolument pas liée au réseau de chaleur », soutient Aurélie Lehericy.

Le coût global des réseaux de chaleur plus faible que le gaz et les PAC

La seconde photographie de l’enquête porte elle sur le prix de vente de la chaleur et du froid en 2019.

Celui de la chaleur distribuée par réseau s’établit à 74,6 euros HT/MWh en 2019 et reste donc stable par rapport à l’année 2018 (+1,2 %). « Grâce à la TVA à taux réduit, les réseaux alimentés à plus de 50 % par des EnR&R sont compétitifs par rapport aux autres réseaux », explique Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce.

De plus, selon l’enquête, en considérant le coût de chauffage global annuel d’un logement moyen (facture énergétique + coût de maintenance + amortissement des investissements), les réseaux de chaleur restent compétitifs par rapport au chauffage électrique comme au chauffage au gaz en 2019. Chauffer un logement moyen alimenté par un réseau de chaleur avec un taux d’EnR&R supérieur à 50 % coûte 1 238 € par an. En comparaison, le coût annuel global de chauffage pour logement similaire alimenté en gaz collectif est de 1 443 € et celui d’un logement alimenté par une pompe à chaleur individuelle s’établit à 2 028 €.

S’il est entendu que le déploiement des réseaux de chaleur doit s’accélérer, il en va de même pour les réseaux de froid. « Face au réchauffement climatique, le besoin en froid devient un besoin sanitaire », prévient Aurélie Lehericy. « Les réseaux de froid permettraient de réduire les consommations d’électricité et l’utilisation de fluide frigorigène, or ils ne couvrent aujourd’hui que 7 % des besoins », regrette-t-elle.

900 M€ du Fonds Chaleur attribué aux réseaux de chaleur depuis 2009

En 2019, les réseaux de chaleur alimentent 2,5 millions d’équivalents logements, ce qui représente 6000 km de réseau, soit le double par rapport à 2009. Un déploiement qui n’aurait pas été possible sans le soutien du Fonds Chaleur de l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui, en 10 ans, a investi près de 900 millions d’euros pour soutenir la création, le verdissement et l’extension de plus de 1000 boucles de chaleur et de froid. L’outil a ainsi rendu possible la production de plus de 31 TWh d’EnR&R.

Pour Fabrice Boissier, directeur général délégué de l’Ademe, « près de 40 % des aides du Fonds Chaleur sont attribuées aux réseaux, hors installations de production. Depuis cette année, les réseaux aidés par le Fonds chaleur doivent - sauf exception - atteindre un taux minimum de 65 % d’EnR&R ».

La RE2020 et le décret tertiaire pour le tout élec

Toutefois, l’entrée en vigueur des prochains textes réglementaires (RE 2020, décret tertiaire, réforme du DPE) seront déterminants pour l’accélération du développement des réseaux de chaleur et de froid, « qui reste deux fois inférieur à celui qui serait nécessaire pour atteindre l’objectif fixé pour 2030 par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte », prévient Nicolas Garnier. Or l’Amorce et le SNCU mettent en cause un certain favoritisme envers le tout électrique, au dépend de des boucles énergétiques.

De son côté, le Haut Conseil pour le Climat a noté dans son rapport « Rénovons mieux leçons d’Europe » paru fin novembre 2020, que la Suède était le seul pays à l’énergie décarbonée en Europe parce qu’ils ont tout misé dans les années 70 sur les réseaux de chaleur. De quoi faire réfléchir.

Enquête nationale annuelle sur les réseaux de chaleur et de froid : les chiffres à retenir

Réseaux de chaleur 2009 – 2019
● 798 réseaux enquêtés (418 en 2009) + 90%
● 5 964 km de longueur desservie (3 321 km en 2009) +80%
● 25,6 TWh de chaleur livrée (23,4 TWh en 2009) +10%
● 40 993 bâtiments raccordés (24 061 en 2009) +70%
● 2,37 millions d’équivalents logements raccordés (2,04M en 2009) +22%
● 59,4 % d’EnR&R dans le mix énergétique (31% en 2009) +91%
● 0,107 kg /kWh de contenu en CO2 (0,190 en 2009) -44%
● Prix de vente moyen de la chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux : 74,6 €HT/MWh (60,2 €HT/MGh en 2009) +24%

Réseaux de froid 2009 - 2019
● 24 réseaux (14 en 2009) +71%
● 0,96 TWh de froid livré (0,93 TWh en 2009) +3%
● 239 km de longueur desservie (131 km en 2009) +82%
● 1 339 bâtiments raccordés (870 en 2009) +53%

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