Pour creuser son sillon dans les terres excavées, Terra Innova fait évoluer son champ d'action. L'entreprise de Vertou, près de Nantes (Loire-Atlantique), a décidé de se constituer un réseau de « sites d'aménagements paysagers », destinés à être régénérés par les apports de chantiers environnants. Autrement dit, au lieu de chercher a posteriori des terrains d'évacuation pour ses clients, Terra Innova dispose désormais de ses propres débouchés en amont, en l'occurrence des zones en attente de revitalisation agronomique et/ou écologique.
Avec ce renversement de logique, son fondateur Nathaniel Beaumal compte gagner en réactivité : « Nous savons à l'avance quelles qualités de matière nous pouvons prendre sur nos sites. Nous pouvons donc accepter les terres qu'on nous propose en deux semaines, contre deux à trois mois auparavant. » Cette accélération devrait aider Terra Innova à répondre aux promoteurs immobiliers. « En raison de leurs délais très courts, ils nous sollicitaient quelques semaines avant le début des chantiers. Résultat, ce marché nous échappait, car nous manquions de temps pour concevoir nos solutions », relate le dirigeant.
Erosion des sols. L'entreprise démarre sa nouvelle activité autour de cinq sites récepteurs, près de Toulouse (Haute-Garonne), Nantes (Loire-Atlantique), Lyon (Rhône) et Cergy (Val-d'Oise). Il ambitionne d'en avoir une quinzaine en 2028, dans sept à huit agglomérations, pour atteindre 15 M€ de chiffre d'affaires (contre environ 1 M€ aujourd'hui). Avec ce nouveau modèle, Nathaniel Beaumal promet aux chantiers « un coût équivalent à celui de la décharge, mais avec une forte plus-value écologique » : sur ses sites, la matière sera utilisée pour contrer l'érosion des sols et améliorer leur recharge en eau.
Autant d'enjeux qui ont séduit le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Ce service de l'Etat est entré au capital de Terra Innova à hauteur de 21 %, dans le cadre d'une levée de fonds de 1,5 M€ bouclée en décembre. « On ne doit plus considérer les terres excavées comme un déchet, mais les orienter vers le bon exutoire en fonction de leurs caractéristiques, justifie Frédéric Jory, directeur général de BRGM Invest. Un travail de longue haleine, car c'est un changement de paradigme pour les travaux publics », reconnaît-il. Il appelle d'ailleurs les grands donneurs d'ordres à y contribuer, à travers la définition d'objectifs de valorisation dans leurs cahiers des charges.