Créations d’entreprises en repli, baisse des effectifs dans l’industrie et le commerce, chômage en hausse… Dans ce contexte économique difficile, les industriels lorrains (tous secteurs confondus) portent un jugement pessimiste sur la production 2008. Les professionnels du bâtiment espèrent voir redécoller l’activité grâce au plan de relance récemment annoncé par le président de la République, associé à d’autres mesures telles que le prêt à taux zéro écologique.
Économie régionale
D’après les chiffres les plus récents fournis par l’Insee, 2 073 entreprises ont été créées dans la région Lorraine au cours du deuxième semestre 2008. Cela représentait une baisse de 2,4 % par rapport aux trois mois précédents. Ce phénomène de recul suit la tendance nationale, mais à un rythme deux fois plus important (- 1,2 %). C’est dans l’industrie que la baisse est la plus forte avec un taux de presque 20 %. Même le secteur du commerce, qui représente un quart des créations d’entreprises, accuse un repli de plus de 5 %.
Ces mauvais chiffres sont toutefois à relativiser. Si on compare les chiffres département par département, entre le deuxième trimestre 2007 et le deuxième trimestre 2008, ils sont en hausse dans trois départements : la Meuse ( 15 %), la Moselle ( 4,5 %) et la Meurthe-et-Moselle ( 3 %). Seul le département des Vosges connaît une régression (- 4,9 %).
Les travailleurs transfrontaliers touchés
7,5 % de la population active lorraine est touchée par le chômage au deuxième trimestre 2008, contre 7,4% au trimestre précédent. Cette légère hausse intervient après une baisse continue amorcée depuis le début de l’année 2007. Comme souvent, la détérioration du marché de l’emploi touche principalement les jeunes. A la fin du mois de juin dernier, ils étaient 4,1 % de plus qu’au cours des trois mois précédents.
La crise actuelle risque de faire gonfler ces chiffres. En Meurthe-et-Moselle, l’usine Renault de Batilly a déjà subi deux semaines de chômage technique. Chez Arcelor Mittal, l’un des deux hauts-fourneaux de Florange (Moselle), qui emploie 3 300 salariés, suspend son activité du 3 décembre au 6 janvier. Le groupe de chimie Arkema (groupe Total) a, quant à lui, annoncé une réduction de sa production au cours du mois de décembre sur neuf sites français, dont celui de Carling-Saint-Avold (Moselle).
La situation risque également de se compliquer pour les travailleurs transfrontaliers. On estime leur nombre à environ 88 000. 70 % d’entre eux, soit un peu plus de 60 000, exercent leur profession au Luxembourg, et pour la plupart dans le secteur tertiaire (banques, services, et institutions européennes). A la frontière allemande, dans la région de Sarrebruck, plus de 20 000 frontaliers lorrains sont concernés, employés pour la plupart dans le secteur industriel.
Économie du BTP
Le secteur de la construction est également en souffrance sur la région. Dès le deuxième trimestre 2008, l’Insee faisait remarquer une diminution des créations d’entreprises de l’ordre de 10,3 %, « ce qui reflète les premières difficultés conjoncturelles du secteur ». Bertrand Louapre, directeur du Réseau Entreprendre Lorraine*, indique : « Nous aidons à la création et à la reprise d’entreprises. Notre association les aide notamment à monter un business plan, et leur apporte également un soutien financier ».
Cette association distribue chaque année quelque 400 000 €, entre différentes entreprises reprises ou créées. Bertrand Louapre précise cette action qui peut concerner tous les secteurs d’activité : « Cette année, nous avons aidé quatorze entreprises, dans une démarche de reprise ou de création. Le secteur du BTP était bien représenté puisque cinq projets de reprise ont été subventionnés dans ce secteur, auxquels il convient d’ajouter deux lauréats dans la catégorie reprise. Je pense que de l’activité dans les chantiers, il y en a. Le problème ne se situe pas là. Ce qui est à craindre, c’est la frilosité des investissements qui vont freiner l’activité en 2009. Pour les grosses entreprises, la trésorerie pourra sans doute permettre de maintenir les emplois, mais pour les autres cela va être dur ».
Patrick Pommeyreau, directeur commercial de Litt Diffusion, spécialiste en plâtrerie et plafonds suspendus à Maxéville, près de Nancy, craint également ce problème de trésorerie et le risque de dépôt de bilan, de la part de plusieurs de ses clients. Mais il affiche tout de même un certain optimisme : « Cette année, nous progresserons de 15 % en maintenant notre marge. En 2009, nous visons 5 %, en restant vigilant et en sélectionnant les clients ».
Optimisme de rigueur…
Si au cours du deuxième trimestre 2008, les 2 266 permis de construire délivrés représentent une baisse de 24 % par rapport à la même période de l’année précédente, c’est surtout le logement individuel qui est touché, avec une chute de 41,5 % contre une hausse de 12 % pour l’habitat collectif. Les mises en chantier sur les mêmes périodes sont passées de 3 424 à 1 150, soit un recul de 66,4 %. Mais certains acteurs du secteur refusent de se laisser aller au pessimisme : « Les carnets de commandes sont encore pleins à 5 mois. C’est sûr, ce n’est pas comme avant, où ces derniers portaient à un, voire même un an et demi pour certains », annonce d’emblée Philippe Grange, délégué général de la FFB Lorraine. « Ces chiffres sont à relativiser car en 2006, il y avait eu la création de 14 600 logements, un chiffre record ! L’ensemble de la profession savait déjà qu’il ne serait pas possible de maintenir un tel niveau d’activité sur les années suivantes. » Le délégué général de la FFB Lorraine garde tout de même deux motifs d’espoir. Le premier concerne tout ce qui a trait au logement social. « Il y a notamment dans l’agglomération de Nancy un grand plan de rénovation urbaine, avec un budget prévu de 450 millions d’euros. Le second motif porte tout logiquement sur le Grenelle de l’environnement. Très clairement, la rénovation du parc immobilier en matière de performance énergétique représente un gisement important en matière de travaux. »
Claudine Jacoté, secrétaire générale de la Capeb dans le département des Vosges, souhaite également afficher un certain optimisme : « Nous organisons des commissions hebdomadaires, à l’initiative de la préfecture, en présence de tous les acteurs économiques. Ce qui ressort de nos réunions, c’est que les particuliers retardent leurs projets à cause de la communication faite autour de la crise. C’était déjà une vérité observée par nos adhérents qui ont répondu à une enquête que nous avions réalisée au mois d’octobre dernier. Le plus dangereux dans ces cas-là, c’est l’attentisme des consommateurs. Dans les métiers du bâtiment, les particuliers, mais aussi les collectivités locales, ont besoin d’être rassurés. Au titre de la Capeb et de ses adhérents, je peux dire que les mesures annoncées dans le plan de relance nous ont pleinement satisfaits. Le doublement du prêt à taux zéro va notamment convaincre les primo-accédants à la propriété. Evidemment, le secteur de la rénovation et de l’amélioration de l’habitat devrait, lui aussi, se relever en 2009 grâce à l’éco-prêt à taux zéro, et surtout avec les prises de conscience de plus en plus nombreuses à la suite du Grenelle de l’environnement ».
… mais pas d’utopisme
Francis Flieller, directeur de Xilipan (88), spécialiste bois et panneaux, affiche également une sérénité « à court terme » avec l’émergence des maisons passives. Le directeur général de Epac, intégré au groupe Descours et Cabaud, David Préau indique : « Nous sommes des grossistes quincailliers, donc moins touchés que les matériaux. Il y a un tassement de l’activité sur le mois de novembre, mais octobre a été très bon, donc pour l’instant, pas d’inquiétude ». « Le gros œuvre souffre, c’est indéniable. Le début de l’année 2009 risque d’être difficile. J’avoue ne pas être encore en possession des chiffres relatifs aux défaillances d’entreprises, mais j’ai rencontré un juge du tribunal de commerce qui m’a confié que le secteur était très touché ces derniers temps », déclare Philippe Grange. « C’était avant l’annonce du plan de relance », conclut-il.