Comment passe-t-on de l’imprimerie au secteur du bâtiment ?
A 50 ans, j’ai eu envie de quitter la région parisienne et de revenir dans ma région d’origine. J’ai quitté mon poste dans une imprimerie très haut de gamme, pour reprendre, en 2017, une entreprise d’électricité à Deauville, puis en 2019 une PME de plomberie-chauffage afin de compléter l’offre de services.
Et comment devient-on président de la FFB 14 en si peu de temps ?
J’ai intégré rapidement la Fédération du bâtiment afin de m’entourer et de faire le plein d’informations sur un secteur que je ne connaissais pas. Marc Rollet, l’ancien président, m’a proposé de prendre des responsabilités croissantes, puis j’ai finalement été élu en décembre. J’ai notamment eu un poste de conseiller puis d’administrateur au Bâtiment CFA Normandie. J’ai, en effet, une vraie appétence pour la formation et j’ai essayé de faire bouger un peu les lignes.
« Au sein de la FFB du Calvados, sur les 500 adhérents, seuls 10 % acceptent de prendre un mandat au sein de la fédération, c’est trop peu »
Par exemple ?
Nous travaillons à développer une vie associative dans les CFA. Elle est très importante pour accroître le savoir-être et l’envie de développer des choses ensemble. J’ai été choqué de voir qu’il n’existait rien jusque-là. Cette implication dans la vie associative apporte beaucoup et donne envie d’apprendre, de faire des choses pour les des autres. Un partenariat va, par exemple, permettre à la rentrée d’associer dans des actions communes des étudiants des CFA avec ceux de l’école de management EM Normandie et de l’école d’ingénieurs Builders. Cela casse de plus la notion de fracture social. Au sein de la FFB du Calvados, sur les 500 adhérents, seuls 10 % acceptent de prendre un mandat au sein de la fédération, c’est trop peu. Or, face aux défis du secteur du bâtiment, il est impératif de créer des synergies, des échanges pour trouver ensemble des solutions. Et ces habitudes doivent débuter dès la formation.
Quels sont ces défis ?
Je me suis rendu compte que le bâtiment était très en retard en matière de RSE [responsabilité sociétale des entreprises, NDLR] et d’intégration de l’innovation. Je me suis toujours demandé pourquoi les voitures sont si connectées et les maisons si peu ? Ma chance c’est de pouvoir porter un regard neuf sur le secteur tout en ayant l’expérience de l’imprimé qui a dû énormément évoluer pour s’adapter aux révolutions du numérique. Ma chance c’est aussi de démarrer mon mandat dans un nouveau bâtiment qui regroupe de nombreux acteurs du bâtiment en un seul lieu et qui facilite les échanges. Pour progresser ensemble j’ai construit une feuille de route en sept axes.
Les sept objectifs de la feuille de route
• Accueillir ensemble des personnes qui ont choisi le Calvados comme territoire où bien vivre ensemble et des jeunes en quête de sens (avec le soutien de Parcours métiers, Calvados attractivité, Normandie attractivité, Action logement, Caen la mer, les communautés de communes, etc.)
• Former ensemble des jeunes qui ont de la curiosité, du talent, de l’ambition, de l’audace et des valeurs (avec le soutien du CFA, des lycée Lemonnier, et Laplace, l’Afpa, Builders, l’EMN, Protectio, Batys Compétences, etc.)
• Recruter ensemble des femmes et des hommes passionnés par leurs métiers et leur assurer un équilibre de vie (avec le soutien de l’Apec, de Pôle emploi, de BTP Jobs, Site Emploi Construction, Face, etc.)
• Construire ensemble des logements abordables, confortables, durables et finançables pour préserver la survie collective de la filière (avec le soutien des architectes, promoteurs, constructeurs, bailleurs sociaux, bureaux d’études, MO, AMO, élus, banquiers, etc.)
• Innover ensemble dans des matériaux, des technologies, des outils au service de l’homme, de l’entreprise et de l’environnement (avec le soutien des fabricants, distributeurs, consultants, étudiants, start-up, designers, etc.)
• Maîtriser ensemble la réglementation, garantir la conformité, prévenir les risques (avec le soutien de l’Ademe, de l’OPPBTP, Qualibat, des tribunaux de commerce, de l’Ordre des experts-comptables, du médiateur de la république, de la DGCCRF, etc.)
• Transmettre/reprendre les savoir-faire et les entreprises aux générations futures engagées à construire toujours plus durablement (avec le soutien du CRA, Réseau Entreprendre, ESJDB, ADN, etc.).
Quels sont les objectifs de cette feuille de route ?
Il s’agit de réfléchir ensemble et de trouver des solutions ensemble à ces questions : comment attire-t-on des gens sur nos territoires et dans nos métiers ? Comment les forme-t-on ensemble ? Comment recrute-t-on ensemble ? Par exemple, quels dispositifs déployer avec les personnes issues de l’immigration, que l’on se doit d’accueillir et dont l’intégration dans nos entreprises présente un très bon taux de réussite. Il faut réfléchir ensemble aux leviers à déployer pour fidéliser nos collaborateurs. L’autre gros défi, c’est de réussir l’acte de construire ensemble. Pour tout cela, il faut que le chef d’entreprise puisse dégager du temps et donc puisse s’appuyer sur des collaborateurs. Or, ce n’est pas possible avec des entreprises trop petites.
« Promoteurs et architectes, entreprises, c’est toute la filière qui doit basculer »
Qu’entendez-vous par bien construire ensemble ?
Il s’agit de réussir à produire des logements beaux, agréables à vivre, durables écologiquement, responsables et accessibles. Il va falloir trouver des solutions, privilégier la rénovation ou la surélévation au neuf. Promoteurs et architectes, entreprises, c’est toute la filière qui doit basculer. Encore une fois. Et on a peu de temps. La filière complète doit travailler avec des valeurs partagées et un respect mutuel. Il n’est par exemple plus possible pour les entreprises de laisser des chantiers dégueulasses, ou pour les maîtres d’ouvrage s’arc-bouter sur des prix fixes alors que les coûts des matières premières flambent. Quand il y a des imprévus, chacun doit mettre la main à la poche. Il faut aussi inciter les banques à faire sauter le verrou des 35 % d’endettement pour faciliter l’accès à l’emprunt.