Lorsqu'on parle de tribunes démontables, la tragédie de Furiani vient immédiatement à l'esprit. Le 5 mai 1992, lors de la demi-finale de la coupe de France de football, des tribunes s'effondrèrent, causant la mort de dix-sept spectateurs et blessant plus de deux mille personnes.
Depuis cette catastrophe, des enseignements ont été tirés et les contraintes réglementaires ont été renforcées. « Pour les règles en vigueur, il y a bien un avant et un après Furiani », souligne Catherine Trachtemnberg, responsable de la normalisation à la Fédération française des industries du sport et des loisirs (Fifas).
Un premier texte est paru peu après Furiani : la loi du 13 juillet 1992 modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, portant diverses dispositions relatives à ces activités. Ce texte ajoutait à la première loi un volet concernant la sécurité, et fixait la procédure à mettre en oeuvre avant l'ouverture au public de tribunes provisoires. Ce texte ne concerne que les manifestations sportives, mais il fixe une procédure qui est généralement étendue à d'autres utilisations de tribunes démontables, les élus locaux comme les installateurs de tribunes souhaitant se prémunir contre tout risque.
Des contraintes issues de Furiani
Ce dispositif a été récemment complété par un décret du 11 février 1998 pris pour l'application du nouvel article 42-2 de la loi du 13 juillet 1992. Ce décret ne concerne que les tribunes provisoires dans les enceintes sportives et donne des informations sur la procédure à mettre en oeuvre. « Cependant, ce décret ne concerne, là encore, que les enceintes sportives et pas les autres lieux », précise Catherine Trachtemnberg. En outre, il doit encore être complété par un arrêté ministériel pour être réellement applicable.
Autre contrainte issue de Furiani, deux normes ont été récemment mises en place : il s'agit de la norme française NF P 90-500 de juillet 1995 sur les tribunes démontables et la norme NF P 90-501 sur les tribunes téléscopiques à l'intérieur des bâtiments fermés, d'août 1994.
Enfin, que les tribunes soient situées dans une enceinte sportive ou pas, elles sont de toutes les façons soumises à la réglementation concernant les établissements recevant du public (ERP). Cette dernière vise essentiellement la sécurité contre l'incendie et la panique, mais aussi l'accessibilité aux personnes handicapées. Un arrêté du 25 juin 1980 en fixe les principes règles.
Une procédure complexe
La procédure qui résulte de toutes ces contraintes juridiques est la suivante :
l'organisateur monte les tribunes avec ses services techniques, ou bien fait appel à un loueur et installateur de tribunes. Dans tous les cas, un bureau de contrôle - du type Socotec ou Apave, CEP, Veritas, AIF...- doit contrôler l'installation montée et vérifier qu'elle correspond aux règles de sécurité et aux normes ;
une commission départementale de sécurité, rattachée au préfet, est par la suite chargée de vérifier le respect des règles générales de sécurité (incendie, prévention, évacuation du public...), avant que le maire ne prenne un arrêté autorisant la manifestation.
Des sanctions lourdes en cas d'illégalité
En cas d'accident, la responsabilité de la commune peut, tout d'abord, être engagée pour faute. La loi du 13 juillet 1992 condamne quiconque aura organisé une manifestation sportive dans une enceinte non homologuée, à une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans et d'une amende de 10 000 à 50 000 francs. La responsabilité du constructeur des tribunes, ou bien celle du bureau de contrôle peut aussi, bien sûr, être engagée en cas d'accident. A Furiani, c'est le constructeur des tribunes qui a été condamné au maximum de la peine prévue pour homicide et blessures involontaires : soit deux ans de prison et 30 000 F d'amende (« Le Moniteur » du 7 avril 1995, p. 41).
Vers une harmonisation européenne
La tragédie de Furiani semble avoir responsabilisé tous les acteurs de manifestations utilisant des tribunes démontables.
Frédéric Boehme, responsable du département Tribunes chez Husson Collectivités, l'un des principaux fabricants de tribunes, explique que depuis 1992, l'ensemble des professionnels, mais aussi les loueurs et les bureaux de contrôle, ont tout mis en oeuvre pour améliorer la sécurité.
« Nous sommes très pointilleux sur la sécurité et nous respectons scrupuleusement la procédure : bureau de contrôle, commission départementale de sécurité, et nous faisons visiter les sites qui reçoivent des manifestations chaque année par un bureau de contrôle », souligne Aline Gémard, responsable de la sécurité et des techniques à la mairie d'Orléans, ville organisatrice, chaque année, d'un festival de jazz qui reçoit 4 500 personnes et d'un important défilé célébrant Jeanne d'Arc.
En dépit d'une meilleure prise en compte des risques, il reste encore des progrès à faire pour améliorer la sécurité. Tout d'abord, s'il existe des textes concernant les tribunes dans les enceintes sportives, les autres tribunes ne disposent pas de cadre juridique clair. Leur construction ne repose en effet que sur les normes, qui ne peuvent être rendues obligatoires que par arrêté ministériel. En outre, si des normes existent sur les tribunes, il n'y en a pas pour leur montage, alors que ce dernier est un élément fondamental de la sécurité de la structure. Enfin, les professionnels réclament également une norme sur les podiums, très souvent utilisés lors des manifestations estivales.
Ces questions sont actuellement discutées au sein de la Commission européenne, et plus particulièrement en ce qui concerne le montage des tribunes et la normalisation des podiums. Chaque pays souhaite que son dispositif de sécurité soit repris. Certains pays ont d'ailleurs prévenu d'autres risques que ceux visés par les normes françaises : en Grande-Bretagne, par exemple, les tribunes sont spécialement étudiées pour résister au vent, alors qu'en Italie et en Grèce, ce sont plutôt les risques sismiques qui sont pris en compte. Ces normes européennes devraient voir le jour dans un délai de deux ans.
POUR EN SAVOIR PLUS...
Textes de référence
Loi no84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives
Loi no92-652 du 13 juillet 1992 modifiant la loi du 16 juillet 1984, chapitre 10 sur la sécurité des équipements et des manifestations sportives.
Arrêté concernant la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) du 25 juin 1980, code de la Construction et de l'habitation (article R 123-1 à R 123-35)
Ouvrages du Moniteur
« Stades et terrains de sports », Henri Cettour, guide technique et réglementaire, Editions du Moniteur, 1996
« Equipements sportifs et socio-éducatifs », Mission technique de l'équipement du ministère de la jeunesse et des sports, Editions du Moniteur, 1993.
400 000 spectacles et manifestations environ sont proposés chaque année sur l'ensemble du territoire, selon le ministère de la Culture.
1 million de places en France environ sont offertes par le biais de tribunes démontables, d'après la Fédération française des industries du sport et de loisirs.
PHOTO : AVIGNON Avant tout spectacle, comme ici dans la cour d'honneur du Palais des Papes à Avignon, les tribunes provisoires doivent faire l'objet d'une vérification rigoureuse.