Les paradoxes de la crise
Avis de turbulences dans le secteur du bricolage. Après une mauvaise année 2008 (- 3,5 % en moyenne), marquée par un fort ralentissement au deuxième semestre, cette année s’annonce plutôt périlleuse elle aussi. Conséquence d’un changement de priorités. En période de crise, le consommateur ne supprime pas son budget « loisirs » au profit d’autres postes. Plutôt, il procède à des arbitrages au sein de ce budget. Et les vacances deviennent la priorité numéro un, celle au nom de laquelle on limitera toutes les dépenses considérées comme non essentielles, dont le bricolage. C’est en tout cas l’avis des distributeurs. Ces derniers se plaignent de l’« irrationalité » des consommateurs, or cet arbitrage n’est pas dénué de fondement : les vacances permettent d’oublier la grisaille, le train-train quotidien, le marasme économique. Le reste de l’argent disponible sert à rembourser des prêts ou à se constituer une épargne. Quitte à différer de quelque temps les travaux dans l’habitat. Si l’on en croit les magasins de bricolage, tant que la crise sera là, les clients vont donc hésiter à ouvrir leur porte-monnaie. Du coup, les distributeurs sont au pied du mur, forcés de maximiser leurs efforts pour attirer le client, et limiter les dégâts en 2009. Lorsque l’on interroge les enseignes françaises, il semble que celles-ci aient bien cerné la problématique. Dans un marché structurellement en croissance mais provisoirement en baisse, comment retenir le client, et préparer la reprise ?
Craintes sur la loi LME
Du côté des industriels, le ton est nettement plus optimiste. « Le marché devrait bien résister à la récession », pronostique Gilles Caille, président de la fédération Unibal, pour qui « la maison est toujours un refuge en cas de tempête ». Sa confiance est paradoxalement renforcée par l’envolée du chômage : « Plus de chômage signifie plus de temps libre et plus de travaux à faire soi-même ». D’autant que le bricolage est un loisir à la fois utile et peu onéreux. Selon Unibal, si le secteur du bricolage venait à plonger, ce serait le signe non pas d’une récession, mais d’une véritable dépression économique. Nous n’en sommes pas là. En réalité, c’est une autre question qui préoccupe davantage les industriels : la LME. Un accord dérogatoire concernant les délais de paiement dans le secteur a été signé il y a quelques semaines, et doit être validé par le gouvernement courant mars. Il prévoit une entrée en vigueur progressive de cette loi, d’ici à 2012, date à laquelle les fournisseurs devront être payés sous 60 jours. Mais tout n’est pas réglé pour autant. Cette réforme, qui arrive en pleine récession, pourrait bien entraîner la chute des points de vente qui ne s’adaptent pas à la nouvelle donne. Elle pousse les magasins à réduire leurs stocks par tous les moyens possibles, ce qui produit des ruptures. Selon Unibal, cette réduction des stocks – il est vrai très importants dans ce secteur – n’est qu’un outil parmi d’autres. « A long terme, les distributeurs doivent chercher à rationaliser leur chaîne logistique et leur politique d’assortiment », estime Gilles Caille. En distinguant notamment les produits prioritaires – les plus vendus – de ceux qui ne le sont pas. Une évolution qualifiée d’« inéluctable » par Unibal, et qui devrait entraîner une consolidation des fournisseurs dans les années à venir.
Crispations sur les prix
Autre question qui préoccupe les fournisseurs : celle des prix. Selon Unibal, les industriels du secteur souhaitent augmenter leurs prix en 2009, afin de « maintenir leurs capacités d’investissement et de recherche et développement ». Or, il semble que la majorité des distributeurs ne veuille pas en entendre parler. Nombre d’entre eux songeraient même à baisser leurs prix – crise du pouvoir d’achat oblige –, quitte à diminuer leurs marges.
« Depuis un certain temps, les distributeurs refusent les hausses, ou bien les décalent au maximum », déplore Gilles Caille. A la Fédération professionnelle des magasins de bricolage (FMB), on se défend de toute position dogmatique sur la question. Selon Claire Beauvais, secrétaire générale de la fédération, les divergences sont apparues il y a un an et demi, lors de l’envolée du prix des matières premières. Sans contester cette réalité, la FMB explique cependant que tous les distributeurs subissent une forte pression des pouvoirs publics en ce qui concerne l’évolution des prix. Pression qui vient s’ajouter à la récession en cours et à la concurrence accrue entre les enseignes. Autant d’éléments qui empêcheraient les distributeurs de relever leurs tarifs comme le souhaitent leurs fournisseurs. Une chose est sûre : cette divergence autour des prix restera d’actualité tout au long de l’année 2009. Les relations entre industriels et distributeurs devraient donc rester tendues.