C'est un musée entièrement modernisé et remis aux normes que l'on peut redécouvrir au Conservatoire national des arts et métiers. Rouvert au public dans la plus grande discrétion le 21 mars, il sera inauguré en présence du Premier ministre, Lionel Jospin, le 10 avril.
La collection, unique, initiée par l'abbé Henri Grégoire lorsqu'il fonda le Conservatoire en 1794 dans l'ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs, est désormais orchestrée en sept domaines : instruments scientifiques, matériaux, construction, communication, énergie, mécanique et transports.
A l'issue d'un parcours rythmé par de nombreuses installations didactiques - bornes de consultation, points d'écoutes, cabinets de démonstration... - , place au spectaculaire ! La visite s'achève dans la chapelle Saint-Martin, un lieu mythique voué dès la fin du XVIIIe siècle au stockage des machines, où sont exposés les grands objets - premiers modèles de voitures et d'avions, moteurs à l'aube de la mécanisation...
Préserver l'esprit des lieux
Pour garantir l'unité d'un tel lieu, quelques préalables s'imposaient : le remembrement entre salles de cours et salles d'expositions, le transfert des réserves dans le nouveau dépôt de la Plaine-Saint-Denis et le déplacement de l'entrée vers le square du Général-Morin, pour être indépendante de l'école.
Inscrite aux Grands Travaux de François Mitterrand, la restructuration a été confiée, à l'issue d'une consultation restreinte à deux tours (1) lancée en 1991, à l'architecte turinois Andrea Bruno, associé aux cabinets français Lévy et Peaucelle et Créatime (jusqu'à l'APS). L'architecte, à qui l'on doit de célèbres rénovations (château de Rivoli à Turin, musée de Corte), défend une approche sensible du patrimoine, qui le conduit à mettre en valeur les traces superposées de son histoire, et non à le restaurer dans son état originel. L'architecture contemporaine doit trouver sa place, sans pastiche ni mimétisme.
Les ambiances de chaque salle ont donc été restituées, afin de préserver l'esprit des lieux. Les anciennes vitrines du XXe siècle ont été restaurées, complétées par des lutrins et des bornes de consultation en laiton vieilli. Les nouveaux supports de présentation - vitrines encastrées, simples plaques d'appui en bronze ou écrins de verre - sont délibérément neutres, pour ne pas rivaliser avec les objets exposés. Les parquets restaurés cèdent la place à une résine noire dans les escaliers et à la pierre au rez-de-chaussée. Dans les grandes salles, la climatisation, la sécurité et l'éclairage sont contenus dans un grand tube en laiton suspendu au plafond à caissons. Mais surtout, idée forte du projet, Andrea Bruno a su investir de nouveaux lieux. Les combles, abritant les anciennes réserves, ont été transformés en un lieu unique d'expositions dévolu aux instruments scientifiques.
Autre espace investi au concours, mais abandonné en cours : le sous-sol, affecté au hall d'entrée, pour y loger le Café des techniques. Sur arbitrage du ministère de la Culture, les fouilles archéologiques, nécessaires mais retardant considérablement le démarrage des travaux, ne seront arrêtées qu'en échange d'un remaniement du hall d'entrée, aujourd'hui de plain-pied.
Le travail d'Andrea Bruno s'arrête à la chapelle Saint-Martin. Sa restauration a été confiée à Bernard Fonquernie, architecte en chef et inspecteur général des Monuments historiques, sa muséographie à François Deslaugiers, à l'issue d'une consultation sur référence lancée en 1998. Le dispositif met en scène une étagère de verre et d'acier brut, brossé et verni, en contrepoint à l'architecture historique des lieux. Conçue comme un échafaudage, la structure, accessible par une rampe, intègre deux volées d'escaliers croisées et à double révolution. Le pendule de Foucault, symbole du Conservatoire, retrouve sa place dans le choeur de l'église. Invitation à pénétrer dans ce haut lieu de l'innovation, sa réplique sous verre, peut être contemplée sur le parvis d'entrée, derrière le chevet de la chapelle, au fonds d'un puits.
(1) Les autres candidats au deuxième tour étaient François Deslaugiers et Antoine Stinco associé à Felice Fanuele.
Fiche technique
Maître d'ouvrage : Conservatoire national des arts et métiers ; établissement public de maîtrise d'ouvrage des travaux culturels, maîtrise d'ouvrage déléguée (né de la fusion de la Mission interministérielle des Grands Travaux avec l'Etablissement public du Grand Louvre).
Maîtrise d'oeuvre : Andrea Bruno, architecte mandataire ; jusqu'à l'APS : Lévy et Peaucelle, architectes associés, Créatime, muséographie et Copitec, économiste ; atelier Xavier Eysselinck-XY architecture, architecte de coordination ; Loisillon Ingénierie, économiste ; BIM, BET structure ; Inex, BET fluides ; CEAT, BET électricité ; Gemo, OPC ; Atec, économiste assistant.
Pour la chapelle : François Deslaugiers, architecte ; Philippe Roussel, architecte chef de projet ; BIM et Arcora, BET ; Althea, éclairage.
Surface : 10 000 m2 utiles dont 5 500 m2 d'expositions permanentes
Coût de l'opération : 36,2 millions d'euros TTC (238 millions francs)
PHOTOS
- Un parcours clarifié
Neuf années auront été nécessaires pour mener à bien la rénovation de cet édifice, classé entre-temps monument historique. Allégé d'une partie des collections - remisées au dépôt de la Plaine-Saint-Denis, et il n'y a plus que 2 500 pièces exposées contre 8 000 avant -, le musée est structuré en sept domaines (instruments scientifiques, matériaux...), qui respectent chacun un ordre chronologique.
- Des salles contrastées
Les anciennes vitrines ont été restaurées. Les nouveaux supports sont neutres, pour ne pas céder à une muséographie envahissante : petites vitrines encastrées, plaques d'appui en bronze, et grands écrins de verre. Idée forte du projet, l'affectation des combles aux salles d'expositions. C'est là que débute la visite, le parcours se prolongeant ensuite en spirale dans les étages inférieurs. Dans les grandes salles, les réseaux techniques sont contenus dans des tubes en laiton, un matériau que l'on retrouve dans tout le musée. Il accompagne les rails encastrés dans le sol d'origine, qui acheminaient les objets du dépôt aux amphithéâtres.
- L'accès
L'entrée du musée est déportée vers le square du Général-Morin pour être indépendante de l'école. Elle est précédée par un parvis minéral sur lequel le profil polylobé du chevet de l'église est reproduit partiellement. Derrière, la réplique du pendule de Foucault est placée au fond d'un puits. Un artifice scénographique en reproduit le fonctionnement : il est idéalement suspendu à un point fixe à une distance infinie de la terre en rotation.
- La chapelle restaurée
Dans cet espace, voué dès la fin du XVIIIe siècle au stockage des machines (voir les gravures ci-contre), Andrea Bruno proposait une étagère automatisée. Pouvant stocker 4 500 objets, elle faisait de la chapelle un « iceberg de la mémoire». Ce projet abandonné pour des raisons administratives, François Deslaugiers a, pour sa part, mis en scène les grands objets de la collection. Une rampe et un praticable, réalisés en acier brut, offrent une déambulation sous la nef de la chapelle restaurée. Des escaliers à volées croisées et à double révolution donnent accès aux trois niveaux de plateaux, et assurent un parcours distinct à la montée et à la descente. Le choeur, dépoussiéré et ravalé, abrite de nouveau le pendule de Foucault.
- L'escalier d'honneur
L'escalier d'honneur restauré est intégré dans le parcours muséographique. Il abrite l'avion de Clément Ader, une des célèbres pièces de la collection qui compte également le métier à tisser de Vaucanson, les machines à calculer de Pascal, ou encore l'appareil de cinématographie des frères Lumière...