Le 4 septembre 2020, après dix ans de discussions, le géant mondial des levures Lesaffre confirme son arrivée à Denain. Tout un symbole pour cette ville du Nord qui a, des années durant, figuré parmi les villes les plus pauvres de l'Hexagone. Une bien triste palme reçue, quasi du jour au lendemain, suite au départ brutal d'Usinor.
12 décembre 1978. Ce jour-là, la direction du groupe sidérurgiste annonce un plan social d'une ampleur inédite en France : plus de 5 500 ouvriers nordistes, et tout autant en Lorraine, apprennent leur licenciement. L'usine fermera définitivement en 1988, après 150 ans d'activité. Le site, qui a vu sa production annuelle atteindre les 2,5 millions de tonnes d'acier, a employé jusqu'à 10 000 personnes. Soit, à l'époque, un tiers de la population de la ville. « Denain s'est retrouvé amputée. Ça a été un drame pour tout le territoire », se souvient la maire (PS), Anne-Lise Dufour-Tonini, fille d'un ouvrier Usinor.
Depuis son élection en 2011, l'édile se bat pour aider sa commune et ses 20 000 âmes à tourner la page Usinor. Un sacré défi. Car le sidérurgiste a laissé derrière lui une friche de 85 ha, lourdement polluée. Avec en sous-sol, « un amas de poutrelles d'acier et un bassin d'acide découverts des décennies plus tard… à 10 mètres de l'Escaut, condamne l'élue. Cette friche, située en cœur de ville, pouvait poser un énorme problème de santé publique. » Dans les années 1980, l'Etat et les villes se partageaient les compétences économiques. Mais le cas de Denain « n'était pas la priorité du gouvernement et la Ville n'avait pas les moyens de s'en occuper seule », confie Aymeric Robin, président de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut. Ce caillou, la commune nordiste le gardera dans sa chaussure jusqu'au début des années 2000.
Réhabilitation à 20 M€
Le potentiel de la zone fera l'objet de réflexions auprès des pouvoirs publics pendant dix ans. Une première tranche de 3 ha sera reconvertie entre 2010 et 2013 pour permettre l'installation de PME et de PMI. En 2016, après la visite d'Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie et de l'Industrie, le gouvernement se positionne aux côtés de l'agglomération, la région des Hauts-de-France et la Ville pour créer la ZAC des Pierres-Blanches. Après quarante ans sans réelle évolution, l'ex-site d'Usinor pouvait enfin se projeter. Des dizaines d'entreprises, à l'instar de celles du secteur du BTP Jean Lefebvre, Ramery ou encore Renard, ont permis de le requalifier, le dépolluer et le renaturer. Mais aussi le désenclaver et le raccorder à l'autoroute A21. Sont également intervenus les bureaux d'études Ma-Geo, Epure Paysage ou encore Géaupole pour la partie dépollution. Un chantier colossal à plus de 20 M€ HT.
Pari réussi. L'emploi renaît avec l'arrivée tour à tour de Jean Lefebvre, de l'armateur et logisticien danois Maersk au sein d'un entrepôt logistique de 100 000 m2 pour le compte du mastodonte de l'e-commerce Amazon. Puis, dès l'an prochain, du groupe nordiste Lesaffre à travers son nouveau site de production actuellement en construction sur un terrain de 9 ha. Autre chantier dans les tuyaux : celui qui devra faire sortir de terre dans les prochaines années les 40 000 m2 dédiés à l'unité de production d'hydrogène de l'entreprise Verso Energy.
Quelque 90 % des surfaces sont aujourd'hui occupées. Un soulagement pour Anne-Lise Dufour-Tonini, pas peu fière de ressentir, enfin, « un vrai sentiment du devoir accompli ».
