Interview

« Notre ambition est d’arriver, en 2025, à dépasser le million de m3 de béton bas carbone produit », Denis Garant (Lafarge)

Deux ans après le lancement de son béton ECOPact, il est temps pour Lafarge de tirer un premier bilan technique et commercial. Un bilan dressé avec Denis Garant, son directeur du développement des bétons responsables.

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Denis garant, Directeur du développement des bétons responsables LafargeHolcim

En quoi ECOPact est-il un béton bas carbone?

On peut considérer qu’un béton est bas carbone à partir du moment où on réduit d’au moins 30% son poids CO2 comparé à la même formule en CEM I. Notre ECOPact est un béton dont la réduction carbone se situe entre -30 et -50%. ECOPact A entre -50 et -70% et l’ECOPact AA, au-delà de 70%.

Vous avez lancé cette nouvelle gamme fin 2021, comment se porte-t-elle ?

Notre « mass market », c’est-à-dire les produits qui se vendent le plus, ce sont les bétons ECOPact et  ECOPact A avec une réduction carbone entre -30 et -70 %. En 2023, nous allons produire 500 000 m3 d'ECOPact et ECOPact A, dans des proportions de l’ordre de 60/40%. Cela représente près de 10% de notre production globale.

Lorsque nous avons démarré la commercialisation, nous avons produit à peine 50 000 m3 la 1ère année. Nous avons donc multiplié la production par 10 en deux ans. La cible c’est d’arriver, en 2025, à dépasser le million de m3, soit 25% de notre production globale de BPE. C’est une progression très forte et très rapide compte tenu du marché du bâtiment et du contexte. Les volumes d’activité baissent mais ces produits décarbonés séduisent de plus en plus.

Comment avez-vous développé cette offre ?

Pour arriver à produire ECOPact, il faut disposer de ciments qui présentent les réductions carbone nécessaires. Il en existait au départ deux sur le marché. De nouveaux ciments sont arrivés depuis, grâce au développement de la gamme de ciments Lafarge ECOPlanet, mais ils ne sont pas forcément les mêmes d’une région à l’autre. Pour accélérer la production d’ECOPact, il a fallu faire en sorte que nos 300 centrales à béton Lafarge soient donc bien alimentées en ciment bas carbone.

Dans un premier temps il a fallu intégrer ces ciments sur l’ensemble de nos sites – nécessitant donc un travail d’adaptation de notre outil industriel – puis nous avons mis sur pied des formations techniques et commerciales pour permettre à nos équipes de déployer rapidement la nouvelle offre.

En parallèle, nous avons noué des partenariats avec des entreprises, des « sponsors »,  qui pourraient nous aider à faire la promotion d’ECOPact. Des constructeurs indépendants locaux intéressés par la construction bas carbone. Nous avons signé plus d’une vingtaine de partenariats dont 18 avec des constructeurs répartis sur tout le territoire.

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Coulage de béton ECOPact de Lafarge Coulage de béton ECOPact de Lafarge

Nous avons également signé un partenariat industriel avec les fabricants de banches. Eux étaient intéressés pour comprendre le fonctionnement du béton bas carbone, plus particulièrement en termes de prise au jeune âge essentiellement en période hivernale, pour adapter leurs banches.  Nous avons monté avec eux un protocole technique et travaillé à un certain nombre d’essais pour adapter le matériel de coffrage. Ce partenariat nous engage sur 3 ans. 

Et enfin nous venons de signer un contrat de partenariat majeur avec le groupe de promotion immobilière Nexity, qui prévoit le référencement des bétons ECOPact sur tous leurs projets bas carbone.

Quelle était votre cible primordiale ?

La première année nous étions très orientés RE 2020, pour le segment bâtiment (logements, bureaux, enseignement). Puis nous avons compris que pour atteindre notre ambition d’aller vite, il nous fallait élargir notre offre à  un certain nombre de bétons techniques (de voirie, de décoration, autoplaçants…). Des gammes que nous n’avions pas abordées dans un premier temps. Aujourd’hui ces gammes représentent 10% de notre production de béton bas carbone.

Est-il possible d’avoir des bétons encore moins carbonés ?

Nous sommes dépendants de l’innovation ciment et nous sommes en attente de ciments toujours plus décarbonés. Il en existe déjà. En 2020, notre usine de La Malle a produit le CEM V S-Q, un ciment à base d’argile activée ; celle du Teil a produit un CEM VI… Entre 2023 et 2024, sept ou huit nouveaux ciments vont sortir sur le marché et nous permettre de nous développer encore. C’est indispensable mais pas suffisant. Nous travaillons aussi sur des formulations qui réduiront le carbone en complément de l’axe cimentier. En 2024, nos gammes auront des ambitions encore plus fortes en taux de réduction carbone qui ne seront pas à facteur ciment. Nous avons dans notre « besace » des nouveaux bétons qui vont arriver sur le marché, qui fonctionnent en laboratoire, que nous allons faire certifier avant de les développer au niveau industriel.

Est-ce que l’étape d’après ce n’est pas de mettre moins de béton ?

Cela fait partie des ambitions de Lafarge : amener de l’ingénierie suffisante pour réduire les sections partout dans le bâtiment pour réduire son poids carbone. Mais c’est indépendant d’ ECOPact. Même si ses courbes de résistance montrent plus de résistance à 28 jours qu’un béton courant. On ne tient pas compte de ça pour recalculer la structure du bâtiment. Cela dépend des Eurocodes et on ne peut pas y déroger.

En termes de réglementation justement, par quelles étapes êtes-vous passés ?

Je le répète notre ambition est d’aller le plus vite possible. Nous avons travaillé d’abord sur des produits et des formulations qui rentrent dans le cadre de la norme NF EN206. Ensuite nous travaillons sur des projets qui vont nécessiter l’obtention d’Atex parce qu’on va sortir du cadre normatif. On travaille en laboratoire, on fait des chantiers de référence mais ce seront des compléments pour montrer notre capacité à baisser le plus possible le poids carbone, ce ne sera pas notre « mass market ». Les bureaux de contrôle sont très frileux à utiliser des matériaux qui ne sont pas NF. Or si le bureau de contrôle dit non, l’assurance dit non… En même temps nous sommes en train de réviser nos contrats d’assurance et à partir de septembre nous aurons une couverture plus large pour amener sur le marché des matériaux qui sont hors-norme aujourd’hui. Cela peut aider au lancement de nouveaux produits. Mais ça ne sera pas du mass market. Quand ces produits rentreront dans le cadre normatif alors oui, on pourra les produire de manière industrielle.

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