Quel segment d’activité couvre votre entreprise ?
Avec mon frère, je représente la sixième génération de l’entreprise Plattard, née en 1985. Historiquement, nous sommes fabricants de produits en béton pour le bâtiment et les travaux publics. Aujourd’hui, notre activité concerne aussi bien l’extraction en carrière que la préfabrication, nous sommes impliqués également dans le négoce de matériaux, et désormais dans le recyclage.
Comment la ressource en sable est-elle gérée en France ?
En France, la consommation de sable est hyper règlementée. Nous n’avons pas du tout les mêmes problèmes de gestion de la ressource en France que sur d’autres continents. L’exploitation des carrières est soumise à des tonnages précis d’extraction. Nous respectons aussi des normes pour ne pas dégrader faune et flore et même contribuer à développer les espèces, ce qui est validé par des audits environnementaux. Aussi, pour extraire sur un hectare de terrain des granulats, il faut compenser avec la gestion écologique de trois à cinq hectares par ailleurs. Ces réglementations nous contraignent à extraire moins de sable et à justifier son utilisation, et donc incitent à trouver des palliatifs à cette ressource, comme des granulats recyclés ou des substitutions au ciment tels que les laitiers.
Pour illustrer la complexité du sujet, nous sommes sur un dossier d’extension de carrière depuis 11 ans, pour lequel on a déjà investi 500 000 euros d’études, sans assurance d’obtenir notre arrêté.
Concrètement, comment améliorez-vous la biodiversité sur vos carrières ?
Avec notre associé Firalp, une entreprise de travaux publics, nous avons mis en place il y a bientôt 10 ans une plateforme de recyclage baptisée Ancycla, à Anse (Rhône) où nous traitons 320 000 t de déchets inertes du bâtiment par an. Cette année, nous avons traité 200 000 t de terre que nous avons valorisées et remises en forme sur notre carrière pour resituer des zones humides afin de favoriser l’évolution de la biodiversité. Par exemple, nous rehaussons le fond des plans d’eau que nous exploitons pour une plus grande richesse de la faune aquatique. Ou alors nous modifions la topographie du site pour permettre à certaines espèces animales et végétales de s’implanter.
Qu’en est-il des autres déchets ?
Sur cette plateforme, nous traitons aussi 120 000 t de déchets recyclables (béton, briques, tuiles, carrelage …) issus de chantiers de déconstruction voisins. Certains sont recyclés et revendus à nos clients. D’autres, triés selon des critères de propreté et de qualité, sont incorporés sous forme de granulats recyclés (GBR) dans nos processus de fabrication de produits en béton, tout comme 100 % de nos rebuts industriels.
Actuellement, nous intégrons jusqu’à 30 % de GBR quand la norme NF sur les blocs bétons le permet. Nous menons en parallèle des travaux de R & D dans la perspective d’atteindre 100 % de matériaux recyclés pour des usages bien particuliers.
Les granulats ne constituent qu’une partie de la composition des produits en béton. Quels sont vos engagements concernant le ciment et l’eau ?
Pour diminuer la part de calcaire et d’argile dans nos ciments, tout en limitant leur empreinte carbone, nous utilisons du CEM VI pour nos bétons prêts-à-l’emploi, dont la teneur en clinker varie de 35 à 50 %. Les eaux de process sont, elles, recyclées à hauteur de 80 %.
Dans quel rayon opérez-vous ?
Tous nos bétons sont locaux. 75 % de notre production provient de notre site principal à Villefranche-sur-Saône. Nous avons deux autres sites de production beaucoup plus petits à 30 km à la ronde.
Notre carrière est à 3 km de notre usine principale, et nos autres granulats proviennent d’un périmètre allant de 10 à 20 km, qui peut s’étendre au maximum à 80 km lorsque nous travaillons avec un carrier plus au sud de notre région.
Notre centre de recyclage est lui à 5 km de l’usine.
Enfin, nos produits finis sont acheminés sur l’arc méditerranéen, le Grand Est, et le sud de la région parisienne.
Comment sont transportés les matériaux ?
Nous alimentons notre usine de Villefranche-sur-Saône par voie fluviale. Chaque année, 700 à 800 000 tonnes de granulats sont acheminés par bateau sur un total de 900 000 tonnes. Ce qui comprend 100 % du tonnage extrait de notre carrière située à proximité, ainsi que les matériaux issus d’autres carrières ou de chantiers de terrassements de la ville de Lyon. Le trafic fluvial nous permet de diviser de 4 à 16 fois les émissions de CO2 par rapport à la voie routière, selon la distance et les produits transportés.
Nous allons d’ailleurs mener une expérimentation qui va consister à alimenter un chantier dans la ville de Lyon avec des produits finis acheminés par voie d’eau, essentiellement des blocs bétons. Nous prévoyons notamment de faire un voyage avec 800 palettes, une première. Notre objectif : diviser par sept les émissions de CO2 liées au transport et supprimer des vingtaines de camions sur la route.
Depuis quand développez-vous cette démarche environnementale ?
Elle est à la fois récente et ancienne. Ca fait près d’un demi-siècle qu’on utilise la voie fluviale, 15 ans qu’on a mené nos premières expérimentations sur les granulats recyclés, dix ans qu’on fait du recyclage, 4 ans qu’on développe les engins électriques et alimentés au biocarburant… Et on continue à se développer, puisque pour diminuer nos dépenses énergétiques, nous allons nous équiper d’ici la fin d’année, de plusieurs panneaux solaires qui devraient couvrir une partie de nos besoins. Nous allons continuer le développement de biocarburants pour notre flotte de transports routiers mais également pour nos engins de manutention et de production.
Le béton a encore beaucoup d’avenir. Nous continuerons à utiliser des matières premières, mais il faudra innover afin de les économiser, que ce soit sur leur transformation, leur recyclage ou encore leur distribution.