« Nous demandons une évolution parallèle des ressources fiscales de l’Etat et des collectivités », Gil Avérous, président de Villes de France

Noyau de l’association Villes de France, les préfectures et sous-préfectures de moins de 100 000 habitants se tiennent prêtes à jouer leur rôle dans la décentralisation du logement, aux côtés des intercommunalités. Avec une nouvelle proposition qui sort de l’idée d’indexer les dotations sur l’inflation, les villes moyennes reformulent leur demande de visibilité pluriannuelle de leurs ressources.

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Gil Avérous
Gil Avérous, président de Villes de France et maire de Châteauroux (Indre).

Annoncé le mois dernier par le ministre de l’Economie et des Finances, le rabotage de 10 milliards d’euros, dans le budget de la nation, n’ébranle-t-il pas la confiance entre l’Etat et les collectivités ?

Ce n’est malheureusement pas neuf. Les Villes de France dénoncent depuis toujours l’incapacité de l’Etat à tenir des engagements fermes auprès des collectivités. Le dernier essai concernait les CRTE (ndlr: contrats de relance et de transition écologique), qui rassemblaient toutes les parties prenantes autour d’une vision pluriannuelle. Résultat : ça ne marche pas.

Comment en sortir ?

Nous demandons une loi de finances pluriannuelle, seule à même de restaurer la confiance et d’éviter le psychodrame annuel autour de la dotation globale de fonctionnement. Pour avancer dans ce sens, nous sommes prêts à renoncer à la demande d’une indexation des dotations sur l’inflation, au profit d’une évolution parallèle entre les ressources fiscales de l’Etat et celles des collectivités.

Nous sommes prêts à renoncer à la demande d’une indexation des dotations sur l’inflation, au profit d’une évolution parallèle entre les ressources fiscales de l’Etat et celles des collectivités

—  Gil Avérous

Dans vos échanges avec Eric Woerth sur l’avenir de la décentralisation, vous insistez sur la prise en compte des fonctions de centralité des Villes de France. Vous a-t-il entendu ?

Nous demandons surtout à l’Etat de ne pas mettre toutes les collectivités dans le même panier, et d’analyser leurs situations strate par strate, et centralité par centralité. Villes de France compte de nombreuses préfectures et sous-préfectures. Le dynamisme des intercommunalités ne s’est pas toujours traduit par des transferts de compétences lourdes : je pense aux écoles de musique et des beaux-arts ou aux bibliothèques.

Cela entraîne une double peine, car l’étalement urbain entraîne une décroissance démographique, et donc une perte de recettes, alors que les charges ne cessent d’augmenter. La croissance exponentielle des locations de courte durée amplifie ce phénomène, mal appréhendé dans les recensements par extrapolation. Pour en sortir, nous demandons la possibilité de procéder à des recensements complets avec d’autres critères que la population de résidents permanents. 

La question démographique nous amène à la politique du logement, dont la mission Woerth étudie la décentralisation. Comment se positionnent les Villes de France ?

Nous sommes pour la décentralisation du logement à l’échelle intercommunale, mais pas à n’importe quel prix. Les conditions matérielles et les ressources financières constituent un préalable pour répondre aux questions clés : quels projets pour répondre à quels besoins ? Nous avons besoin de règles du jeu claires.

Les politiques de l’Etat ont surtout joué sur la défiscalisation. Nous voulons pouvoir mobiliser le levier fiscal. Les agglomérations qui prendraient la compétence pourraient légitimement disposer des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO. Les contribuables comprennent les impôts fléchés, comme le montrent les ordures ménagères ou la prévention des inondations. Il ne serait donc pas idiot qu’une taxe immobilière finance l’immobilier.

Les agglomérations qui prendraient la compétence Logement pourraient légitimement disposer des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO

—  Gil Avérous

Cette proposition ne va pas vous attirer l’amitié des départements, bénéficiaires des DMTO…

Nous n’excluons pas les départements. Dans les territoires où les intercommunalités ne seraient pas volontaires, ils conserveraient la DMTO. Bien sûr, son fléchage au profit du logement suppose des compensations pour financer les compétences sociales des départements.

Comment articuler la décentralisation du logement et l’objectif Zéro artificialisation nette ?

Nous sommes favorables au ZAN, et au recentrage des populations face à l’étalement urbain, avec un bémol : fortes de leur histoire et de leur culture industrielle, les villes moyennes ont vocation à contribuer à la réindustrialisation. Cela nécessite des assouplissements dans l’application du ZAN. 

Pour le logement, nos territoires plutôt détendus peuvent faire face, main dans la main avec les préfets, à condition que ces derniers bénéficient d’une vraie déconcentration, calquée sur la décentralisation. Il faut faire confiance à l’intelligence locale. Les élus ont prouvé leur capacité d’adaptation, dans leurs partenariats avec Action logement.

La première phase du programme Action cœur de ville a rodé ce partenariat. Comment s’amorce la seconde phase ?

Quand la tentation de nationaliser Action logement s’est manifestée, Villes de France a défendu son bilan salutaire. Je pense aux subventions accordées à des opérateurs privés ou à des bailleurs, pour reconvertir des bâtiments en déshérence.

Action Cœur de Ville a désormais atteint sa vitesse de croisière, mais j’attire l’attention sur les signaux de faiblesse dans la vitalité des commerces. Notre inquiétude porte notamment sur l’avenir des Galeries Lafayette, suspendu au jugement du tribunal de commerce de Bordeaux, attendu pour fin mars. Le sujet concerne des bâtiments très difficiles à reconvertir, dans 26 villes. Depuis janvier dernier, de nouvelles fermetures concourent à la diminution de l’offre, ou à l’arrivée d’enseignes peu attractives.

Comment inverser cette tendance ?

Une vraie politique de soutien passe par la réactivation du Fisac (ndlr : le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce) au service de la modernisation de l’outil commercial, en particulier sous l’angle des rénovations thermiques. Les seules dispositions prises par la ministre Olivia Grégoire concernent l’accessibilité, qui n’amène pas de chiffre d’affaires.

Le travail engagé sur les zones périphériques ne doit pas faire oublier la priorité aux commerces de centre-ville, qui n’ont pas retrouvé leur chiffre d’affaires d’avant le Covid. D’où notre proposition fiscale : à partir de la troisième année de vacance, nous demandons la possibilité de surtaxer les locaux concernés.

Lors de la cérémonie des vœux de Villes de France, vous avez regretté que le programme Territoires d’industrie n’associe pas assez les maires. Avez-vous été entendu ?

L’Agence nationale pour la cohésion des territoires veille à une bonne gouvernance, associant les élus et les chefs d’entreprises. Mais trop souvent, les aides attribuées aux entreprises locales s’inscrivent dans des politiques de filière qui escamotent le lien local.

L’Etat en a pris conscience, comme en témoigne le financement du recrutement d’animateurs, à hauteur de 40 000 euros pour la première année. Chargés de l’interface locale, ils créeront de la cohérence. Châteauroux s’apprête à signer la convention sur ce sujet.

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