Le thème principal de votre congrès, qui se tient les 21 et 22 novembre à Bordeaux, sera celui des « outils de la rénovation énergétique ». Quelles questions souhaitez-vous soulever en particulier à ce propos ?
Jean-François Marty : Dans le droit fil de nos précédents congrès, nous aborderons les outils mis à la disposition des entreprises pour leur permettre de travailler dans la qualité. Néanmoins je sais que les sujets de la rénovation énergétique du patrimoine public d’une part et de RGE d’autre part seront abordés.
Comment vos adhérents vivent-ils l'entrée en vigueur prochaine du principe d’éco-conditionnalité, le 1er janvier 2015 ?
J-F. M. : A propos de RGE, nous demandons une simplification de l’accès au principe d’éco-conditionnalité. Il est important de rappeler que nous soutenons ce principe, dans la mesure où c’est un moyen d’écarter les non professionnels du marché de la rénovation énergétique. Mais le système d’acquisition du RGE est à remettre sur l’établi, car il est pour le moment trop compliqué à mettre en œuvre dans les métiers du génie climatique.
Pour quelles raisons ?
J-F. M. : Afin d’être "Reconnue garant de l’environnement" (RGE) dans chacune de ses différentes compétences, l’entreprise de génie thermique doit passer par FEEbat pour obtenir la mention RGE pour les chaudières à condensation, à partir de la qualification Qualibat «Installations thermiques» (5311 ou 5312 ou 5313). De plus, elle doit acquérir jusqu’à trois certifications supplémentaires : la 82 (solaire thermique CESI), la 83 (PAC) et la 84 (Bois énergie) par Qualibat (ou Qualisol, Qualibois et Qualipac par Qualit’EnR) pour être RGE sur ces spécialités. Ceci est d’autant plus aberrant que ses connaissances et compétences en énergies renouvelables sont déjà validées par les qualifications Qualibat 5311 ou 5312 ou 5313. Ou même, dans certains cas, par des diplômes obtenus en formation initiale ! Cette réalité est inacceptable sur le plan déontologique, dans la mesure où, pour d’autres corps de métiers, il est beaucoup plus simple et moins coûteux d’obtenir la mention RGE : une ou deux qualifications sont suffisantes, en plus du passage par FEEbat.
Avez-vous eu des remontées de vos adhérents sur ce sujet ?
J-F. M. : Nous recevons tous les jours des plaintes de nos adhérents à propos du RGE. Et comment ne pas les comprendre ? D’après les calculs que nous avons réalisés à l’UECF, ces qualifications, formations et certifications peuvent représenter jusqu’à 14 jours de stage, et coûter 14 410 euros à l’entreprise si l’on tient compte des pertes en chiffre d’affaires pendant le temps de la formation. Une petite entreprise est-elle en mesure d’encaisser cela sans broncher, à plus forte raison en période de crise économique ?
Pour quelles raisons le génie climatique est-il plus touché par ce problème que les autres corps de métier ?
J-F. M. : Nous sommes contraints par la directive européenne de 2009 sur les énergies renouvelables. Elle impose qu’une formation spécifique soit effectuée par les entreprises pour chaque type d’énergie renouvelable sur laquelle elles interviennent. La charte RGE est venue s’ajouter à cela en élargissant le champ de l’éco-conditionnalité aux chaudières. En outre, cette charte impose un audit chantier pour chaque spécialité donc pour chaque qualification correspondante. D’où l’obligation pour nos entreprises d’obtenir jusqu’à trois ou quatre certifications (en passant par Qualit’ENR ou Qualibat) pour mériter d'être «Reconnu garant de l’environnement» et faire leur métier normalement. Aujourd’hui, nous en sommes à demander à un professionnel expérimenté de retourner à l’école pour que ses clients puissent profiter des aides fiscales !...
Que proposez-vous pour simplifier la situation ?
J-F. M. : Nous souhaitons un accès unique au RGE pour l’ensemble des qualifications du génie climatique. Nous proposons que l’entrepreneur dispose soit d’un diplôme (ou titre) de formation initiale, soit qu’il présente des références de chantiers, soit qu’il passe un QCM de vérification de compétences s’il n’a pas de références à faire valoir. S’il échoue ou s’il n’a pas de références, dans ce cas il passe une formation adaptée. Il faudrait, par exemple, qu’une entreprise qualifiée «Installations thermiques» (Qualibat 5311 ou 5312 ou 5313) puisse obtenir la mention RGE sur toutes ses activités, y compris celles impliquant les énergies renouvelables, sans avoir à passer par les certifications 82, 83 et 84 ou par Qualisol, Qualibois, Qualipac. Si RGE reste si difficile à obtenir, il y a de fortes chances que le dispositif n’atteigne pas ses objectifs.
Que voulez-vous dire ?
J-F. M. : Nous sommes à quelques semaines de l’entrée en vigueur de l’éco-conditionnalité, et nous comptons seulement 25 000 entreprises qualifiées RGE. Or, selon moi, au moins 100 000 entreprises du bâtiment effectuent des interventions qui pourraient donner droit, par exemple, au crédit d’impôt pour la transition énergétique, en vigueur au 1er janvier 2015. En limitant les moyens d’obtention de la mention RGE, nous limitons l’offre sur le marché de la rénovation énergétique, ce qui n’est pas le meilleur moyen de le développer. Or, les besoins sont immenses ! Mais il faut bien voir que la complexité actuelle du dispositif arrange les grands groupes, pour qui il est plus facile d’obtenir qualifications et certifications. Il y a aussi des groupes financiers qui s’organisent pour l’occasion. Conséquence, les marchés dévolus aux TPE et PME se font de plus en plus rares.
A propos de la rénovation énergétique des bâtiments publics, quels sont les marchés sur lesquels les TPE/PME sont mises à mal ?
J-F. M. : Je vais vous donner un exemple : aujourd’hui, les cahiers des charges pour répondre à des appels d’offres publics sont illisibles. Pour les TPE/PME, s’engager sur ces affaires ne peut conduire qu’à des conflits juridiques. Par ailleurs, la plupart des opérations de rénovation de petits bâtiments publics sont en train de nous échapper : elles sont de plus en plus traitées avec de grands groupes, par le biais de contrats de performance énergétique. C’est une situation dramatique, puisque de nombreuses entreprises de génie climatique, structurées, employant entre 10 et 250 salariés, n’ont plus accès à ces marchés. Aussi, nous demandons une interdiction des appels d’offres globaux à l’échelle d’une entité territoriale, et une obligation d’adopter une logique par allotissements et une partition du patrimoine à traiter. Il ne faut pas oublier que 70% des 6 500 entreprises membres de l’UECF emploient moins de quinze salariés.
Comment vos entreprises ont-elles passé l’année 2014, sur le plan économique ?
J-F. M. : D’après les données de notre baromètre UECF, toutes les régions de France enregistrent une baisse d’activité depuis le début de l’année dernière. Les faillites sont nombreuses. Dans la construction neuve, qui représente 40% du chiffre d’affaires réalisé par nos adhérents, nous subissons comme les autres corps de métier la chute des permis de construire. Quant à la rénovation, le marché reste stable grâce aux traditionnelles opérations de remplacement d’installations vieillissantes et à l’activité de maintenance. Enfin, en ce qui concerne la rénovation énergétique, la situation dépendra de l’évolution du dispositif de l’éco-conditionnalité. C’est un point important, car la quasi-totalité de nos entreprises de génie climatique fait majoritairement de la rénovation.