« Nous nous préparons à la collecte sur les chantiers en 2024 », Mathieu Hiblot (Ecominéro)

Le Directeur délégué de l'éco-organisme de la filière minérale, très satisfait des premiers mois de la phase opérationnelle de la REP PMCB, détaille les ambitions d'Ecominéro pour les mois à venir et, à plus long terme, pour le réemploi.

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Mathieu Hiblot

Quel premier bilan faites-vous après cinq mois de phase opérationnelle de la REP PMCB ?

Nous sommes très satisfaits et le démarrage est conforme à nos prévisions. Nous démarrons très fort. A date, 2400 industriels nous font confiance et nous ont transféré leurs responsabilités. Il s’agit d’industriels de toutes familles, de tous produits de la catégorie qui nous concerne : pierre de construction, béton, terre cuite, céramique, enrobés, etc. Ils viennent conforter notre position de leader, avec une part de marché estimée à 90% des produits et matériaux de construction de la filière minérale. Les entreprises qui nous ont rejoints nous donnent cette stabilité mais aussi une responsabilité. En parallèle, nous avons pu contractualiser avec des opérateurs de traitement [En 2023, les textes soumettent les éco-organismes au financement du traitement des déchets ; le financement du transport depuis les chantiers interviendra par la suite, ndlr]. Nous proposons 1400 points de reprise sur les 1600 que recense l’OCA Bâtiment. Cela est lié au volume de déchets inertes et à la maturité de notre filière dont l’outil industriel, sous contrat avec Ecominéro, est en capacité de traiter d’ores-et-déjà 80% des déchets inertes. Dans le détail, nous comptons 1120 plateformes de concassage, 110 déchèteries professionnelles et 160 points ventes de distributeurs. Cela nous a permis de soutenir plus d’1 million de tonnes de déchets depuis le démarrage. Aujourd’hui, notre présence est assurée sur tout le territoire sauf dans les Vosges et la Nièvre, départements sur lesquels nous prospectons. Nous sommes également présents sur tous les territoires des Outre-mer avec une vingtaine d’opérateurs sous contrat, à l’exception de Saint-Pierre-et-Miquelon pour le moment.

Que vous reste-t-il à faire ?

Il nous faut poursuivre la contractualisation avec les points de reprise et notamment avec les points de vente des distributeurs. Ceux qui sont concernés sont ceux disposant de surfaces de vente de plus de 4000 m², ce qui, selon nos estimations, pourrait représenter 4000 points de reprise. Leur obligation de contractualisation est à compter de 2024, mais nombreux sont ceux qui ont déjà anticipé et contractualisé avec nous. D’ici la fin de l’année, nous devrions être à 1800 points de reprise sous contrat, soit un gain de 400 points de reprise dans les mois qui viennent.

Où en êtes-vous des discussions – qui ont parfois été tendues – avec les déchèteries publiques ?

La contractualisation a été engagée cet été. Des négociations avec les associations d’élus comme l’AMF et Amorce nous ont permis d’atterrir sur un contrat type unique (pour tous les éco-organismes ndlr) au mois de juillet et l’OCA Bâtiment a ainsi pu ouvrir sa plateforme de contractualisation le 17 juillet. Depuis septembre, nos responsables régionaux présentent individuellement le contrat type aux opérateurs et les premières signatures devraient avoir lieu dans le mois. Là aussi, la filière minérale est assez mature et l’organisation avec les déchèteries publiques devrait rapidement se mettre en place. Ce sont 3500 déchèteries qui devraient rejoindre notre réseau. Début 2024, nous serons sans doute aux alentours des 5000 points de reprise affiliés à Ecominéro.

Les différends sont donc aplanis ?

La question qui reste en suspens est celle du maintien du service aux artisans. Est-ce qu’il sera maintenu partout où il était déjà fourni ou sera-t-il réduit ?  Si c’est le cas, il faudra trouver une voie de report vers le secteur privé, notamment auprès des distributeurs qui accueilleront les artisans. Les capacités de reprise ne sont pas comparables mais en termes de localisation, on retrouve un maillage similaire qui permettra de reporter les flux.

Comment travaillez-vous avec Valdelia et Ecomaison ?

Ecomaison nous représente auprès de déchèteries publiques et joue le rôle d’interlocuteur unique, ce qui facilite au quotidien la relation entre les collectivités et  la filière PMCB. La simplification sera aussi administrative pour le reporting des déchèteries par une interface administrative unique et commune à Ecomaison et Ecominéro.

Avec Valdelia, nous nous préparons à la collecte sur les chantiers en 2024. Grâce à son expertise , nous serons en capacité d’apporter une offre globale de reprise de tous les déchets sur les chantiers. Nous souhaitons aussi proposer aux artisans une solution pour collecter les déchets directement chez eux. 

Avec Ecomaison et Valdélia, nous proposons également une offre complète aux distributeurs et aux grandes surfaces de bricolage. Nous estimons que 500 points de vente seront équipés de bennes pour recevoir les déchets du bâtiment d’ici la fin de l’année.

Tous les éco-organismes communiquent sur le gel de leurs tarifs. Quelle est votre position ?

Aucune augmentation des tarifs d’éco-contribution n’est prévue avant le 1er mai 2024, pour donner de la stabilité aux professionnels du bâtiment sur au moins une période de 12 mois glissants. Le barème évoluera à sa date anniversaire. Nous donnerons une visibilité aux acteurs du bâtiment en début d’année prochaine.

Au-delà de la collecte et du recyclage, vous mettez en avant aujourd’hui le réemploi, qui est plus compliqué. Pour quels matériaux et comment l’organiser ?

Avant même le tri, la dépose doit être « préservante » : le matériau ne doit pas être endommagé et garder ses qualités intrinsèques d’origine pour apporter les mêmes fonctions dans le nouvel ouvrage. 

Dans notre filière minérale (principalement le gros œuvre), le réemploi n’est pas la première voie naturelle. A ce stade on est davantage sur les tuiles, les briques, les pavés, les bordures de trottoirs et les équipements sanitaires dont la dépose et le maintien dans un ouvrage futur ne sont pas liés à la structure. Cette filière du réemploi reste méconnue : il ne s’agit pas de déchets donc il n’y a pas de traçabilité réglementaire. Cela représenterait selon l’Ademe 1% des volumes concernés. Pour atteindre l’objectif de 5% en 2028, nous  avons élaboré un plan d’actions, validé par nos parties prenantes, qui vise à accompagner l’ensemble de la chaîne de valeur pour structurer la filière.

L’objectif est de commencer à sensibiliser toute la chaine en commençant par le  maître d’ouvrage afin qu’il puisse avoir conscience des matériaux qui peuvent être réemployés à la suite de travaux de déconstruction. Nous proposons donc un soutien au niveau du diagnostic PEMD pour en faire un outil routinier sur chacune des opérations. Il faut également accompagner les diagnostiqueurs afin qu’ils aient les bonnes compétences. Nous allons mobiliser des moyens financiers pour la formation des diagnostiqueurs à la bonne réalisation du diagnostic ressources. Enfin, il faut des outils pour relier l’offre à la demande. Il existe des plateformes d’intermédiation. Cela demande un entreposage et un stockage des matériaux et donc de mailler les territoires en zones de réemploi. Dans le cadre de l’OCA Bâtiment, nous finalisons la concertation avec les parties prenantes dans chaque région sur ce que devrait être ce maillage de points de collecte pour les 6 flux de base et des zones de réemploi. Nous serons dans le soutien de ces installations (déchèteries publiques et privées, matériauthèques dédiées).

Une fois cette structuration de filière obtenue, la question qui se posera sera : comment réaliser correctement la déconstruction sur les chantiers ?  Nous avons l’ambition de faire une cinquantaine de chantiers expérimentaux pour, nous aussi, acquérir des retours d’expérience. Par ailleurs nous sommes partie prenante du projet Spirou (Sécuriser les Pratiques Innovantes de Réemploi via une Offre Unifiée) du CSTB. Nous effectuons la relecture de fiches pratiques qui visent à éclairer l’ensemble des acteurs sur le sujet du réemploi et notamment sur les matériaux avec un vrai potentiel.

Les recycleurs indépendants mécontents

5 mois après l’entrée en phase opérationnelle de la REP PMCB, les recycleurs de l’Association des recycleurs indépendants (ARI, 170 entreprises, 2000 collaborateurs) se disent « largement exclus » de la nouvelle organisation de la filière. Ils estiment notamment ne pas pouvoir répondre aux contrats de sous-traitance mis en place par les éco-organismes, pointant un manque de transparence des critères d’attribution et des barèmes sous-évalués. « Toutes ces nouvelles contraintes entravent le principe de libre concurrence, pourtant essentiel dans les négociations commerciales », ont-ils assuré dans un communiqué publié à l’occasion de l’ouverture du salon Pollutec. Ils craignent une perte d’activité et la fermeture de plateformes. Mathieu Hiblot assure pourtant qu’aucune porte n’est fermée. « Pour nous l’objectif était de ne laisser personne de côté et de faire en sorte que tous puissent participer à la REP, surtout ceux qui participent à la collecte et au traitement depuis 15-20 ans. C’est pour cela que nous avons fait le choix d’être en modèle financier : nous ne passons pas d’appels d’offres pour gérer de manière opérationnelle la filière, elle fonctionne très bien par elle-même. Nous allons l’accompagner pour atteindre les 90% de valorisation matière. Notre principe c’est le guichet ouvert : si la plateforme répond au cahier des charges fixé par Ecominéro, nous contractualisons automatiquement  avec elle. Nous savons que le marché est  local. Pour ne pas déstabiliser le marché, nous avons divisé le territoire en 1100 zones économiques dans lesquelles nous avons adapté les tarifs en conséquence. S’il y a des écarts de prix et que la plateforme ne s’estime pas suffisamment soutenue, nous avons un comité d’arbitrage qui peut revoir les tarifs. En tout état de cause, il n’y a pas de barrière à l’entrée et notre procédure nous permet de nous adapter au fur et à mesure. »

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