Opération «Architecturalement vôtre» à l’Ambassade du Royaume-Uni

A l’occasion de l’événement Archi-UK, les salons parisiens de la représentation britannique en France se sont transformés, les 22 et 23 janvier, en show-room pour 18 agences d’architecture et d’ingénierie. L’occasion pour les participants de parler complémentarité des savoir-faire, communauté de valeurs et… business as usual.

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Dans l'écrin très doré de l'Ambassade du Royaume-Uni, la maquette de la passerelle Robert-Poujade récemment livrée par les agences britannique Grimshaw et française PPA.

Les dorures sont XVIIIe, les lustres scintillants et des pièces d’argenterie exposées, gravées de la célèbre devise de l’ordre de la Jarretière britannique « Honni soit qui mal y pense ». Mais dans les salons parisiens de la résidence de l’Ambassadeure du Royaume-Uni en France, le reste du décor n’est que maquettes d’architecture ou prototypes en impression 3D et écrans géants où défilent les images de projet. Pour deux jours, les 22 et 23 janvier, la représentation britannique organise «Archi UK» pour vanter les mérites de l’architecture et l’ingénierie du pays. Pour l’occasion, 18 agences sont présentes. Les plus célèbres comme Foster+Partners, Zaha Hadid Architects ou RSHP, qui entretiennent déjà des liens avec La France depuis longtemps, d’autres un peu moins connues mais qui depuis quelques années multiplient les projets de ce côté de la Manche et celles qui guettent encore les opportunités.

En arrière-plan d’un programme de rencontres qui entend valoriser les savoir-faire et le sens de l’innovation britanniques, c’est évidemment de cela qu’il s’agit, de nouer des alliances fructueuses. «Cet événement est bien plus qu’une opération de relations publiques, c’est du business. D’ailleurs dans une demi-heure, nous avons rendez-vous avec un potentiel client», explique sans détour l’architecte belge Edward Marchand, un des directeurs associés de Bennetts Associates. Pendant ces deux jours, quelque 900 visiteurs sont attendus. Sur cette rue du Faubourg Saint-Honoré, où l’Ambassade des Etats-Unis est une voisine, la seule chose qu’il convient de rendre «great again», c’est l’art de construire à l’anglaise.

Soutien gouvernemental

Ne faudrait-il pas y voir une invitation à oublier le Brexit ? «Oui bien sûr», juge François Curato, architecte, français lui, qui a rejoint l’agence de Norman Foster en 2008 et en partner depuis 2015. Tout en présentant des réalisations récentes comme le musée Narbo Via de Narbonne ou l'extension  - «hommage à Fernand Pouillon» - de l'aéroport de Marseille, il note combien certaines démarches sont devenues complexes depuis que Le Royaume-Uni a quitté l’Union Européenne en 2020. Ne serait-ce que pour recruter des talents venus du continent «puisqu’il faut désormais avoir un visa de travail», rappelle-t-il. Le très francophile et parfaitement francophone Stephen Barrett, partner chez RSHP, constate donc avec satisfaction : «Après ces années post-Brexit difficiles, nous nous sentons plus soutenus par les autorités anglaises.»

Archi-UK est en effet une initiative du gouvernement britannique. L'événement apparaît comme la manifestation d’une politique plus générale. Depuis la victoire des Travaillistes aux élections générales de l’été 2024, le Premier ministre Keir Starmer s’emploie à renouer des relations avec l’Union européenne. Commissaire au commerce avec l’Europe «de Sa Majesté», Chris Barton refuse pourtant, lui, de résumer cette opération à «une réponse au Brexit. Bien sûr que celui-ci a eu un impact mais si nous examinons les chiffres, nous exportons aujourd’hui plus vers La France que nous ne le faisions en 2018.»

En matière d’échanges commerciaux, le commissaire entrevoit de «grands potentiels de développement dans un grand nombre d’activités : l’énergie, les services financiers, la technologie, la défense…» Pour en revenir au sujet de l’événement en cours, il poursuit : «nous nous focalisons cette fois sur l’architecture car c’est un secteur important pour Le Royaume-Uni. Il représente six milliards de livres [7,1 mds €] pour l’économie du pays et nous exportons globalement pour 1,5 milliard de livres [1,77 md €] de services en matière d’architecture. C’est vraiment un très gros business.»

Séduction assumée

Archi-UK est donc une opération de séduction assumée pour profiter «des opportunités que nous observons aujourd’hui en France, en particulier dans le développement d’infrastructures, détaille Chris Barton. Lors d’une précédente visite, nous avons notamment pu visiter ces stations de métro en cours de réalisation. Et nous avons constaté combien chacune de ces nouvelles opérations offre de possibilité en matière d’architecture, pour les rendre très fonctionnelles, mais belles aussi.»

Une future gare du Grand Paris, l’agence Grimshaw en montre déjà une imposante maquette puisqu’elle réalisera celle de La Défense pour la ligne 15 ouest. Puisque l'occasion est offerte à chaque participant d'exposer aussi ses compétences spécifiques, Alice Barrois, l’architecte française qui dirige le bureau parisien de la société, évoque «le travail de réflexion que nous menons sur l’imbrication entre les projets d’infrastructure avec la ville et sur la capacité d’une gare, d’une passerelle, à transformer un territoire.» Grimshaw appuie ce discours sur du concret : la maquette de la passerelle Robert-Poujade conçue avec l'agence française PPA et livrée en juin dernier à Toulouse est, elle aussi, en bonne place.

Pistes de convergence

L’architecte David Kohn présente, lui, l’achèvement récent d’un de ses premiers projets importants, un nouvel équipement alliant résidence universitaire, théâtre et galerie d’exposition au sein de la vénérable université d’Oxford. Le bâtiment, étonnant, mêle une toiture high-tech et inspiration Art nouveau. David Kohn montre un prototype de gargouille en pierre, «un pangolin», qui rappelle les chimères autrefois imaginées par Hector Guimard. Il décèle une piste de convergence : «Il y a en France, nombre de sites historiques qui pourraient être le lieu de projets contemporains ambitieux mais surtout des projets pertinents dans leur contexte.».

D’autres enfin, ont bien compris combien les ambitions françaises en matière de transition écologique étaient hautes. «Réduire l’empreinte carbone de nos bâtiments est une priorité, assure Edward Marchand, de Bennetts Associates. Notre crédo est de faire plus avec moins, c’est-à-dire moins de ressources. Avec sa législation exigeante, La France représente un bon terrain pour développer ce genre de projets. Valoriser ici notre expérience serait tout à fait "gagnant-gagnant".»

Sous les ors d’une ambassade, il est toutefois de rigueur de rester diplomate. Trouver une place sur la marché français, oui ; le conquérir, non. «Les opportunités de développement doivent se faire dans la réciproque, estime l’architecte de RSHP, Stephen Barrett. Or, aujourd’hui, les architectes français qui construisent au Royaume-Uni sont moins nombreux que les Britanniques qui travaillent ici. Peut-être parce l’habitude d’aller chercher du travail ailleurs est plus ancrée chez nous.»

« Partenariat» est en tout cas le mot-clé pour Chris Barton. Le Commissaire au commerce européen l’assure : «nous voulons assurément que les architectes français, et les entreprises françaises en général, pensent que le Royaume-Uni est un pays formidable où s’installer et se développer.» Un message des plus «amicalement vôtre».

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