Partager l'eau

Une Journée mondiale de l'eau pas comme les autres a coïncidé, ce 22 mars, avec le bouclage de notre édition d'avril. Les crues de février ont rappelé aux élus intercommunaux la lourdeur des charges issues de leur nouvelle compétence en « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » : la désormais fameuse Gemapi. Charge financière d'abord, notamment dans la restauration et l'entretien des digues ; un défi d'autant plus difficile à relever que le modèle français de financement connaît une crise engendrée par les ponctions répétées de l'État sur les redevances collectées par les six agences de l'eau pour financer une ressource abondante et de qualité. Mais le mur de l'argent en cache un autre : la solidarité de bassin, de l'amont à l'aval, ne fait pas partie de la culture de base des 36 000 maires de France. En même temps que de nouveaux délais, le démon du millefeuille, que l'État avait expulsé par la porte, revient par la fenêtre des derniers compromis réglementaires : afin d'assouplir la prise de la nouvelle compétence, les établissements publics de coopération intercommunale peuvent en déléguer une partie à des syndicats, sur tout ou partie de leur périmètre. Les établissements intercommunaux à la carte continuent à prospérer loin du regard des citoyens, et à s'ajouter aux syndicats mixtes chargés des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage). L'enchevêtrement ne peut que nuire à la lisibilité des mutations en cours, dont un maître d'ouvrage intercommunal de base a donné la mesure, le 16 mars à la biennale Nature & Paysage de Blois, réunie cette année sur le thème de l'eau : « En 1978, notre premier programme prévoyait la suppression des zones humides, des méandres et des ripisylves ; en 2018, nous appliquons des orientations diamétralement opposées », a témoigné Ludovic Cognard, directeur du syndicat mixte du bassin de la Cisse (Loir-et-Cher). Cette mutation réjouissante ne vaut-elle pas mieux que des arbitrages techniques rendus loin des citoyens ? Et qui mieux que les paysagistes sauraient montrer le sens du rétablissement d'une relation harmonieuse entre les cours d'eau et leurs usagers ? Bernard Barraqué, directeur de recherche au CNRS, l'a joliment dit en ouverture de cette même biennale : « L'eau coule, il est difficile de la posséder. C'est son point commun avec le paysage. Or on ne partage que ce que l'on ne possède pas. »

Rétablir l'harmonie entre les cours d'eau et leurs usagers : un défi paysager caché sous le millefeuille administratif.

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