La France a connu entre le 1er et le 13 février plus de 10 jours avec des températures inférieures de plus de 10 °C aux moyennes saisonnières. Le réseau électrique a tenu et a acheminé, le 8 février, 101,7 GW d’électricité à la pointe de 19 heures. Mais, ne nous le cachons pas, chaque hiver sera de plus en plus difficile en cas de vague de froid de cette ampleur. La France est de plus en plus « thermosensible » : 1 °C de moins augmente la puissance appelée de 2 300 MW, soit l’équivalent de la consommation totale de l’agglomération de Marseille. Nous nous chauffons beaucoup plus à l’électricité que nos voisins, qui ont davantage recours au gaz naturel. Certains ont connu un accroissement considérable de la consommation de cette énergie, aux limites des capacités de fourniture. Un défi qu’ils devront aussi relever à l’avenir.
Comment faire face les prochains hivers ? Nous ne devons pas rougir du fait que nos capacités de production et de transport d’électricité, aussi importantes soient-elles, ne seraient éventuellement pas suffisantes pour faire face aux besoins de pointe en cas de grand froid. Nos marges sont en effet limitées et si la bonne disponibilité des ouvrages était au rendez-vous cet hiver, le sera-t-elle à nouveau dans des circonstances analogues, voire plus sévères comme en février 1956 ou 1963 ?
Certes nos concitoyens peuvent compter sur la mobilisation sans faille des salariés de RTE(1), fiers de leur mission de service public et soucieux de le montrer en toutes circonstances. Mais cet engagement n’est pas suffisant et nous devons aussi préparer l’avenir et avancer dès maintenant dans quatre grandes directions.
Premièrement, il nous faut développer la maîtrise de la consommation de pointe, car il n’y a pas de fatalité à ce que la pointe augmente plus vite que la consommation électrique de base (de 1 à 2 points de plus par an, depuis plus de 10 ans en France). Les opérations « Ecowatt » lancées en Bretagne et en Côte d’Azur témoignent de la capacité et de la volonté des consommateurs de se mobiliser à ce sujet.
Deuxièmement, il sera essentiel de mettre en oeuvre sans retard un mécanisme amenant les différents fournisseurs à prévoir et à anticiper les capacités de production ou d’effacement garantissant la satisfaction des besoins de leurs clients. C’est ce que la dernière loi sur l’énergie a prévu sous le vocable de « mécanisme de capacité » qui devra être mis en place d’ici 2016.
Troisièmement, nous devons renforcer nos interconnexions électriques. En effet l’Europe n’est pas une « plaque de cuivre » permettant d’acheminer n’importe quelle production vers n’importe quel point de consommation. Aujourd’hui la France dispose d’une capacité d’échange avec ses voisins de l’ordre de 12 GW à l’export et de 9 GW à l’import. Cela représente, grosso modo, 10 % de la demande de pointe. La France est dans la moyenne européenne, mais elle devra dans les prochaines années accroître ses interconnexions pour tirer profit de la complémentarité des profils de production et de consommation d’électricité en Europe. La diversité des choix devient un atout collectif.
Quatrièmement, même si la consommation d’électricité se stabilise, il faudra renforcer le réseau national et convaincre nos concitoyens que plus de lignes de transport d’électricité sont nécessaires pour la sécurité d’alimentation et la robustesse du réseau face aux aléas climatiques.
La conjugaison de ces quatre moyens ne nous immunisera jamais totalement contre les risques de coupure mais elle nous en prémunira largement à un coût très raisonnable. Le transport d’électricité représente - et représentera demain - moins de 10 % de la facture d’électricité d’un consommateur domestique. La prime d’assurance est modique au regard des conséquences extrêmement négatives des coupures, tant pour la vie courante des consommateurs que pour l’activité économique en général.
(1) Réseau de Transport d’Électricité assure l’acheminement d’électricité en France en haute et très haute tension avec 100 000 km de lignes au travers du territoire