Permis de construire : l’appréciation de la notion d’ « ensemble immobilier unique » en passe d'évoluer ?

Par une décision du 12 octobre dernier, le Conseil d’Etat ajoute une nouvelle pierre à l’édifice des modalités d’appréciation de la notion d’ « ensemble immobilier unique ». Cette précision suscite pourtant des interrogations.

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Eoliennes

Une construction constituant un "ensemble immobilier unique" doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire, énonce classiquement la jurisprudence. Encore faut-il savoir ce que vise cette notion !

Selon la définition de principe issue de l’arrêt du Conseil d’Etat « Commune de Grenoble » (1), un « ensemble immobilier unique » est une construction constituée de plusieurs éléments présentant des liens physiques ou fonctionnels entre eux. En outre, confirmant une interprétation retenue à plusieurs reprises par certains juges du fond (2), la haute juridiction a récemment admis que des bâtiments physiquement distincts constituaient un "ensemble immobilier unique", dès lors que ces derniers avaient fait l’objet d’une conception globale (3).

La décision "Commune de Grenoble" prévoit cependant une dérogation à la règle du permis de construire unique (4). Elle énonce "qu'en raison de l'ampleur et de la complexité du projet, les deux éléments de [l'ensemble immobilier unique en cause], ayant chacun une vocation fonctionnelle autonome, étaient susceptibles de donner lieu à des permis de construire distincts". L'autorité administrative doit alors pouvoir porter une appréciation globale sur les deux demandes de permis de construire présentées au regard des règles d'urbanisme applicables.

Lien fonctionnel

Dans sa décision du 12 octobre 2016, le Conseil d’Etat apporte un éclairage intéressant sur la notion de lien fonctionnel pouvant justifier l’existence d’un « ensemble immobilier unique » dès lors que deux constructions sont physiquement distinctes. Il énonce que : « Considérant, d'autre part, que le permis de construire a pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'il autorise avec la législation et la réglementation d'urbanisme ; qu'il suit de là que, lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique ».

En l’espèce, il s’agissait d’apprécier le lien fonctionnel entre l’implantation d’éoliennes (et plus précisément de leur aérogénérateur) et celle d’un poste de livraison nécessaire à leur fonctionnement, sur deux unités foncières distinctes et géographiquement éloignées, situées sur des communes différentes.

Pour le Conseil d’Etat, en présence non pas d’« une construction constituée de plusieurs éléments » mais de « deux constructions », au surplus « distinctes », ce lien technique ne suffit pas à caractériser l’existence d’un lien fonctionnel et à emporter la qualification d’ « ensemble immobilier unique », dès lors notamment qu’aucun lien juridique au regard des seules « règles d’urbanisme » ne peut être établi entre les différents projets.

Interprétation délicate

Pourtant, jusque-là, la jurisprudence semblait distinguer l’appréciation du lien juridique de celle du lien fonctionnel (5). Dès lors, la décision du 12 octobre interroge. Est-ce que seule l’existence d’un lien juridique « permet de » et « suffit à » caractériser l’existence d’un lien fonctionnel et à emporter la qualification d’ « ensemble immobilier unique » ? Ou est-ce que cette interprétation a contrario serait une extrapolation de la décision commentée ?

Dans cette dernière hypothèse, faut-il en déduire que la dérogation à la règle du permis de construire unique fixée par la décision « Ville de Grenoble » ne pourrait pas jouer lorsque la qualification d’ « ensemble immobilier unique » serait applicable à des constructions distinctes liées par un lien fonctionnel (c’est-à-dire un lien juridique) ? En effet, en présence d’un lien d’interdépendance juridique, il ne serait pas possible de délivrer deux permis de construire distincts, faute pour chaque autorisation de justifier de la conformité aux règles d’urbanisme. En pratique, l’existence d’un lien fonctionnel initial ferait ainsi obstacle à la qualification d’éléments « fonctionnellement autonomes », visée par la décision « Ville de Grenoble », ce qui ne serait finalement pas si étonnant. Evolution à suivre…

CE, 12 octobre 2016, "Société WPD Energie 21 Limousin", req. n° 391092, mentionné au Rec. CE.

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