MANDATURE 2004-2009
(Article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion)
(Question dont le Conseil économique et social a été saisi par lettre du Premier ministre en date du 24 juin 2008)
Sommaire
Avis adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du mercredi 9 juillet 20085
Première partie : Texte adopté le 9 juillet 2008 5
Introduction5
Chapitre I. Une « offre nouvelle » complémentaire des politiques existantes6
Chapitre II. Une requalification en faveur de la mixité sociale, de l’habitat et des fonctions12
Conclusion19
Deuxième partie : Déclarations des groupes20
Groupe de l’agriculture20
Groupe de l’artisanat21
Groupe des associations21
Groupe de la CFDT22
Groupe de la CFE-CGC22
Groupe de la CFTC23
Groupe de la CGT24
Groupe de la CGT-FO24
Groupe des entreprises privées25
Groupe des entreprises publiques25
Groupe de l’Outre-mer25
Groupe des personnalités qualifiées26
Groupe des professions libérales26
Groupe de l’UNAF27
Annexes29
ANNEXE À L’AVIS29
Scrutin29
DOCUMENT ANNEXE30
Table des sigles32
Avis adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du mercredi 9 juillet 2008
Première partieTexte adopté le 9 juillet 2008
Par lettre en date du 24 juin 2008, le Premier ministre a saisi le Conseil économique et social d’un avis sur l’article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, portant sur la création d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés1.
La préparation du projet d’avis a été confiée à la section du cadre de vie, qui a désigné M. Henri Feltz comme rapporteur.
Pour son information, la section a entendu en audition Mme Christine Boutin, ministre du Logement et de la ville.
Introduction
La problématique de la requalification des quartiers anciens dégradés n’est pas en soi une problématique nouvelle. Leur dégradation progressive au fil des années, ou leur inadaptation à l’évolution de l’habitat, a suscité constats, diagnostics et actions à différentes échelles de temps et de responsabilités. Pour ne retenir qu’un exemple historique, celui de Paris, la situation d’une partie des quartiers situés à l’intérieur de l’ancienne enceinte de Charles V a suscité des opérations de rénovation dès le début du XIXe siècle, plusieurs décennies avant l’intervention d’Haussmann, et une loi permettant d’abattre les logements insalubres a été adoptée avant le Second Empire.
L’insalubrité, en effet, a souvent été le déclencheur initial de l’action publique, et mérite de l’être encore tant son éradication apparaît comme difficile à atteindre - d’autant plus qu’elle renaît au fil des ans. La lutte contre les immeubles insalubres, étendue à l’îlot ou aux groupes d’îlots, occupe ainsi une place importante dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Bien d’autres objectifs sont venus légitimement s’y ajouter, que l’on retrouve notamment dans les projets que doivent présenter les plans locaux d’urbanisme : identifier les quartiers ou secteurs qui devront faire l’objet d’une restructuration ou d’une réhabilitation, créer ou développer des espaces ayant une fonction de centralité, conduire des opérations d’aménagement au sens large. Cette approche de plus en plus globale intègre désormais le maintien ou la création d’équipements sociaux (crèches…), d’activités économiques ainsi que le développement de l’emploi, elle reconnaît l’importance des préoccupations d’animation et d’éducation culturelles (accès à la création et aux œuvres…). Elle accorde à la sécurité qui garantit le respect des personnes et des biens la place qui est la sienne, mais souligne qu’elle s’enracine, avant tout, dans le développement de la citoyenneté, qui permet à chacun de se sentir lié par le pacte social et fait de la sûreté l’affaire de tous. Elle érige désormais en priorité le retour à la mixité sociale, à l’opposé des dynamiques de ségrégation que la requalification des centres-villes anciens a parfois favorisées.
Plus largement, il est apparu que sous cet aspect de la mixité comme sous d’autres, la requalification des quartiers anciens constituait un véritable enjeu, et qu’elle pouvait contribuer plus efficacement qu’elle ne l’a fait jusqu’à présent à résoudre la crise du logement. Pour mesurer l’ampleur de cette crise, qui sévit dans notre pays depuis plusieurs années, il suffit de rappeler quelques-uns des objectifs assignés au secteur du logement par le plan de cohésion sociale et le programme national de rénovation urbaine : une production de 500 000 logements sociaux entre 2005 et 2009 pour le premier, la réhabilitation de 400 000 logements et la reconstruction de 250 000 autres entre 2007 et 2013 pour le second.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi de « mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » en cours de finalisation, sur la totalité duquel le Conseil économique et social regrette de ne pas avoir eu à s’exprimer, contient des dispositions qui s’apparentent à celles que l’on trouverait dans une loi de programme. C’est cette nature qui conduit le gouvernement à les détacher de l’ensemble du texte, comme si l’article du projet consacré à la requalification des quartiers anciens dégradés était un texte autonome, et c’est ce qui vaut à notre assemblée d’être aujourd’hui consultée sur le sujet. L’examen auquel il a été procédé dans les pages qui suivent est cependant nécessairement incomplet, faute d’avoir pu disposer du texte de la totalité de la loi. Certaines de ses dispositions auront en effet des implications directes pour le programme et ses modalités de réalisation.
Bien que ces éléments lui fassent défaut, le Conseil économique et social estime possible de formuler deux remarques générales à propos du texte qui lui est soumis pour avis :
? les financements prévus pour la réalisation du futur programme national sont conséquents, mais la description de l’origine des fonds, des circuits administratifs et financiers qui permettront de les réunir tous est incomplète. Les modalités pratiques de mise en œuvre ne sont qu’esquissées. Le Conseil n’a pu par conséquent que s’en tenir aux conjectures ;
– la définition des quartiers anciens dégradés, ou plutôt celle qui permettra d’aboutir à la liste définitive qui sera publiée par arrêté, est très administrative. Il est bien entendu normal qu’elle accorde beaucoup d’importance à l’habitat indigne et à l’inoccupation des logements. Le Conseil regrette cependant l’absence parmi les critères retenus, sous réserve de l’exactitude de ses informations, de critères socioculturels et de critères socioéconomiques, dont la présence permettrait de déterminer une typologie moins exclusivement fondée sur la nature de l’habitat et, partant, d’arriver à une véritable définition de ces quartiers. Dans la première partie, seront évoqués les critères retenus pour la future liste et donc pour l’élaboration du programme gouvernemental, dans la seconde, de manière très empirique, ceux qu’il conviendrait d’ajouter pour traiter plus globalement de la question de la requalification de ces espaces - l’article 12 du projet de loi manifestant d’ailleurs la volonté de remédier à certaines des difficultés soulignées.
Chapitre I. Une « offre nouvelle » complémentaire des politiques existantes
Dans un ouvrage méthodologique publié à l’usage des directions départementales de l’équipement en 2002 et intitulé « diagnostic des processus de valorisation et dévalorisation des quartiers anciens », la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (DGUHC) les définissait comme « tous les types de quartiers dont le tissu urbain s’est forgé avant 1945, qu’ils soient de centre-ville ou non, et quelle que soit par ailleurs leur physionomie ». Madame Boutin, ministre du Logement et de la ville, a précisé lors de son audition par la section du cadre de vie un certain nombre de critères (villes de plus de 10 000 habitants concentrant, à l’échelle cadastrale, de l’habitat identifié par l’indicateur « parc privé potentiellement indigne » mis au point par la DGUHC, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), le Pôle national de lutte contre l’habitat indigne (PNLHI) et la Direction des affaires économiques et internationales (DAEI) du ministère de l’Équipement, zones comprenant plus de 1 000 logements construits avant 1949, importance de la vacance…) qui contribueront à établir la liste des communes concernées par le futur programme.
Les quartiers anciens n’ont en réalité jamais totalement, comme cela a d’ailleurs été rappelé, quitté le champ du débat public. L’opposition de la ville, conceptuellement identifiée au centre-ville, et des « quartiers » ou banlieues dites « sensibles », a cependant quelque peu focalisé, au cours des années récentes, l’action des acteurs publics sur ces dernières. La loi du 17 août 2003, en créant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), a de ce point de vue introduit une innovation fondamentale en leur faveur, avec des moyens dédiés principalement - mais pas exclusivement - à l’habitat. Lors de l’audition évoquée ci-dessus, Madame Boutin a rappelé que les quartiers présentant des caractéristiques proches de celles des quartiers anciens dégradés, mais plus récents, relevaient quant à eux du Programme national de rénovation urbaine (PNRU).
Le Conseil économique et social a eu l’occasion de souligner dans un avis intitulé Réunifier et réconcilier la ville, constat et propositions présenté en janvier 2008 par M. Gérard Le Gall que la rénovation urbaine des quartiers, affirmation forte de puissance publique, était une chance pour la ville, et qu’elle commençait à susciter des espoirs qu’il convenait surtout de ne pas décevoir. Dans le même avis, tout en se félicitant ainsi « du changement de visage » à l’œuvre sur ces espaces, notre assemblée relevait qu’il serait bon qu’il permette aussi « de changer celui des quartiers anciens dégradés ».
Ce constat avait conduit le Conseil à proposer le lancement d’un « Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés », dont l’intitulé est repris, dans les mêmes termes, par le projet de loi, ce dont il faut se réjouir.
Parmi les autres propositions formulées figurait celle de faire porter l’effort de ce plan sur « une centaine de quartiers ». Si le projet de loi retient des objectifs en nombre de logements, les documents préparatoires internes au ministère du logement, de même qu’un certain nombre de documents ou déclarations publiques émanant notamment de l’ANRU font état de 100 à 150 quartiers, répartis sur 100 communes ou Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au maximum, qui devraient être traités dans le cadre du programme. Il faut d’ailleurs rappeler que l’ANRU traite déjà actuellement une vingtaine de sites de cette nature dans le cadre du programme national de rénovation urbaine, ce qui pourrait porter l’effort total à près de 120 quartiers. L’Agence nationale de l’habitat estimant pour sa part entre 150 et 200 le nombre de quartiers anciens rencontrant des difficultés, pour des raisons diverses, notre assemblée se félicite de la convergence des diagnostics et des intentions, qui conduit aujourd’hui à l’examen de la présente programmation.
Le Conseil économique et social estimait enfin nécessaire pour conduire ce programme ciblé de débloquer des financements à hauteur de 6 milliards d’euros. L’ambition portée par le programme gouvernemental, d’une ampleur moindre on le verra plus loin que celle souhaitée par notre assemblée en janvier dernier, est indéniable, même s’il semble que dans un premier état du texte, il ait été envisagé de soutenir un programme aussi ambitieux que celui préconisé par le Conseil en affectant à ces quartiers 3,150 milliards, en sept ans, partagés entre l’ANRU, l’ANAH et le 1 % logement. Il était prévu de demander aux collectivités territoriales de doubler ce montant par une contribution équivalente.
Les développements qui suivent auront donc pour objet d’examiner la cohérence des moyens par rapport aux objectifs poursuivis, et l’adaptation des modalités retenues pour sa réalisation aux enjeux du programme.
I - La gouvernance du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés
La question des quartiers anciens dégradés a été traitée par notre assemblée dans le cadre d’un avis sur la politique de la ville. En effet, quelle que soit la singularité de ces espaces, ils constituent des éléments de « la ville » dans son ensemble. Leur requalification est une condition parmi d’autres de sa réunification durable. Notre assemblée relève que les dispositions qu’il a pu examiner ne rattachent pas clairement cette ambition à la politique de la ville, ce qu’elle regrette. Le sujet de la gouvernance, longuement traité dans l’avis de janvier 2008 déjà cité, ne sera abordé ici que sous le rapport du seul programme objet de l’article 12 du projet de loi, et en tenant compte de l’ambiguïté relevée.
Les quartiers anciens d’une ville, situés en centre-ville ou à proximité immédiate du centre, occupent dans la cité un espace symbolique, lié à son histoire, qui rend leur rénovation particulièrement sensible pour les populations et les élus et complexe à mettre en œuvre. Le patrimoine monumental mais aussi urbain est souvent très présent, sa conservation à elle seule fait l’objet de politiques publiques qui soumettent ces espaces à l’application de règles spécifiques (secteurs sauvegardés, périmètres de protection des monuments historiques, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager…). Cette place particulière dans la cité peut constituer après réhabilitation un facteur d’attractivité pour des catégories sociales plus aisées que celles qui occupaient auparavant les lieux, capables financièrement de s’adapter à la hausse du prix du m2, tant à la location qu’à l’achat. Ce facteur d’attractivité n’est pas le seul en jeu, il peut se conjuguer avec d’autres facteurs d’ordre esthétique, culturel ou des considérations d’ordre pratique liées par exemple à l’emplacement du quartier dans la ville. Les rénovations ou réhabilitations qui aboutissent à transférer les populations du centre vers la périphérie sont trop souvent la règle. Elles font courir à l’objectif de mixité fixé à la rénovation urbaine dans son sens le plus général un risque réel.
La requalification des quartiers anciens est aussi complexe, techniquement, en raison de l’enchevêtrement des propriétés et du bâti, de la taille et de l’imbrication des parcelles, de la multiplicité des statuts des occupants des lieux, de l’importance et du coût des réhabilitations à entreprendre ; sans préjudice de la complexité des travaux eux-mêmes ou des surcoûts parfois importants que génère leur déroulement en milieu urbain dense.
Elle l’est enfin parce que le programme envisagé par le projet de loi se fixe non seulement des objectifs en termes d’offre de logements réhabilités mais se donne aussi comme but le réaménagement global des espaces, l’amélioration de l’offre d’équipements publics et d’activités notamment commerciales, tout en conduisant des actions d’accompagnement social des familles. Lors de son audition par la section, la ministre du Logement et de la ville a indiqué que le projet de loi, dans une disposition non soumise au Conseil, fournirait également des outils en faveur de la densification en milieu urbain.
Une évolution par étapes successives des modalités d’intervention de l’État et des collectivités territoriales a cependant permis la mise au point d’outils en faveur des quartiers anciens dégradés qui conduisent à rappeler qu’ils bénéficient déjà, directement ou indirectement et ce depuis plusieurs décennies, d’actions publiques.
L’ANAH, établissement public administratif créé par la loi de finances rectificative pour 1970, attribue des aides, sous forme de subventions, aux propriétaires bailleurs et depuis 2002, aux propriétaires occupants, en vue de la réhabilitation de logements privés achevés en principe depuis plus de quinze ans.
Les Opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), dont l’impulsion et le portage sont assurés par la collectivité territoriale compétente, permettent à l’ANAH de financer par convention des réhabilitations dans des quartiers ou zones présentant un bâti dégradé, voire indigne. Une offre publique peut bien entendu être développée parallèlement en secteur d’OPAH, avec des partenaires du secteur HLM et les financements de l’État associés à ce type de réalisations. Certaines Opérations programmées d’amélioration de l’habitat dites OPAH RU (pour renouvellement urbain) s’adressent particulièrement à des situations urbaines marquées par l’insalubrité ou par d’autres caractéristiques comme la vacance, la vétusté des immeubles, ou la morphologie du quartier. Actuellement 92 OPAH RU sont en cours. Ces opérations sont d’une durée maximale de cinq ans.
Enfin certains quartiers, situés en Zone urbaine sensible (ZUS) ou relevant de l’article 6 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (c’est-à-dire hors ZUS, mais présentant des caractéristiques économiques et sociales analogues), bénéficient également de l’action de l’ANRU. Une vingtaine de sites sont actuellement concernés.
La formule des OPAH RU, en raison de ses caractéristiques décentralisées et de la souplesse qu’elle laisse aux collectivités porteuses du projet, a ses partisans, qui estiment qu’elle mériterait d’être étendue et rénovée, dans la mesure également où l’objectif central dans des opérations de ce type est le traitement à grande échelle d’un habitat principalement privé. Celle qui consisterait plutôt à faire appel à l’ANRU, en raison de la dynamique constatée sur les sites où elle intervient, a les siens. Notre assemblée y est également favorable et a émis des vœux en ce sens. Le projet de loi effectue un tel choix. Il modifie l’article 10 de la loi du 1er août 2003 créant l’ANRU et charge l’agence « de contribuer à la mise en œuvre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés », en apportant des concours financiers aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale, aux organismes publics ou privés participant au programme, ainsi qu’à l’ANAH. Cette dernière possibilité est ouverte par dérogation aux dispositions de la loi de 2003 qui proscrivait tout concours aux établissements publics à caractère administratif.
La logique du « guichet unique » instaurée avec l’ANRU pour le programme de rénovation urbaine, très largement saluée, y compris dans des avis de notre assemblée, bénéficierait donc au Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD). Il n’est pas pour autant créé de nouveau zonage de la politique de la ville, les crédits affectés au PNRQAD seront au moins en partie des crédits du programme budgétaire logement. Il ne semble pas non plus que le délégué interministériel à la Ville, qui assume la responsabilité de la gestion d’une grande partie des crédits de la politique de la ville - ceux du programme 147 « Équité territoriale et soutien » et ceux du programme 202 « Rénovation urbaine » - soit destiné à recevoir celle des crédits budgétaires du PNRQAD. Le Conseil économique et social ne peut à cette occasion que rappeler qu’il a formulé à plusieurs reprises des remarques sur la gouvernance de la mission « Ville et logement » et qu’il n’a pas été, loin de là, le seul à estimer nécessaire un effort de lisibilité, de cohérence et de clarification. S’il n’est pas créé, comme cela vient d’être dit, de nouveau zonage de la politique de la ville, on rappellera que selon l’ANAH, la moitié des communes qui développent un programme d’OPAH RU sont aussi bénéficiaires d’un Contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) et qu’un certain nombre d’entre elles ont des ZUS. Bien que ce soit pour un motif légitime, le lexique, d’un maniement déjà complexe, des interventions géographiques prioritaires, va encore s’enrichir…
On peut supposer toutefois que les projets conduits dans ce nouveau cadre se substitueront aux actuelles OPAH RU. Les modalités de conventionnement retenues pourraient utilement s’inspirer de celles définies par la circulaire de novembre 2002 relative aux OPAH. Selon les informations communiquées à notre assemblée, les conventions signées pourraient d’ailleurs « valoir » OPAH. Le sort des OPAH RU qui font l’objet de conventions en cours de négociation n’est pas connu.
Le choix stratégique de recourir à l’expérience et aux méthodes de l’ANRU appelle, outre celle qui vient d’être formulée sur l’atout indéniable que représente le guichet unique, plusieurs remarques :
• Les ressources supplémentaires de l’ANAH comprendraient une part de subventions de l’État et, selon le ministère, des contributions du 1 % logement. En tout état de cause, si le 1 % est appelé à intervenir dans le financement du plan, le Conseil économique et social demande avec force que les modalités et les montants de cette participation soient arrêtés par la négociation et après accord entre l’État et les partenaires sociaux. Il s’inquiète de ce que l’habitude soit prise de considérer le 1 % comme une variable d’ajustement budgétaire ;
• Le choix de recourir à l’ANRU est conforme à une proposition antérieure de notre assemblée de lancer un « PNRU II » orienté pour partie vers les quartiers anciens dégradés ;
• L’ANAH est un établissement public à caractère administratif financé par le programme budgétaire « développement et amélioration de l’offre de logement » et plus particulièrement par les crédits de l’action relative à la construction locative et à l’amélioration du parc de logements. L’évolution des crédits destinés à l’ANAH, comme de tous ceux de l’État en général, s’effectue sous forte contrainte budgétaire. Les missions de l’ANAH, quant à elles, ont beaucoup augmenté ces dernières années, évolution rythmée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), le Plan de cohésion sociale (PCS), la loi instituant le Droit au logement opposable (DALO) et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui renforcent la lutte contre l’habitat indigne, et dans un avenir proche, le PNRQAD. Les capacités d’engagement de l’agence ont certes augmenté, notamment lors de l’adoption du PCS. Elles s’élèvent pour 2008 à 549 millions d’euros, qui incluent le montant de la taxe sur les logements vacants (20 millions) et une enveloppe exceptionnelle de 30 millions d’euros. Ces sommes, à l’exclusion de la mise en réserve prévue par la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de l’enveloppe exceptionnelle, sont réparties entre les différents programmes de l’ANAH, soit six ou sept grands objectifs, la contraignant à une grande sélectivité. Le projet de loi pourrait ainsi permettre de desserrer la contrainte financière pesant sur l’ANAH, en organisant un transfert de ressources depuis l’ANRU. On voit ainsi s’esquisser, au sein de la mission de l’État « Ville et logement », de possibles transferts de crédits du programme « Rénovation urbaine » vers le programme « Développement et amélioration de l’offre de logement », au moyen de conventions entre l’ANRU et l’ANAH, sans pour autant méconnaître la limite que la LOLF impose au principe de fongibilité de ne s’appliquer qu’à l’intérieur d’un seul et même programme ;
• L’augmentation du nombre de délégations de compétences aux collectivités territoriales pour la gestion des aides à la pierre a eu pour effet, en ce qui concerne l’ANAH, que 50 % des crédits de l’agence sont délégués à des collectivités. Divers rapports ont d’ailleurs souligné que des difficultés d’utilisation des reliquats de crédits délégués, dont le montant global est parfois important, pouvaient en résulter en fin d’année. Quelles seront les conséquences pratiques, pour les partenaires du programme national, de l’affectation de concours financiers de l’ANRU vers l’ANAH en faveur de l’habitat privé ? Les délégations de compétence s’appliqueront-elles dans les zones où des opérations du programme de requalification seront mises en œuvre ? Les collectivités locales pourraient dans ce cas avoir le sentiment qu’elles leur échappent. Selon l’ANAH, 30 % des OPAH RU se déroulent en territoires de délégation de compétences. Les conventions sont alors signées pour le compte de l’ANAH par les collectivités délégataires ;
• La création de fonds locaux de réhabilitation de l’habitat privé, prévue par le projet, a pour objectif d’organiser la gestion des participations financières d’origines variées qui convergeront vers le programme. Les interrogations évoquées ci-dessus demeurent cependant, dans l’attente d’un décret en Conseil d’État. En l’état actuel de rédaction du texte, les collectivités délégataires pourront le cas échéant être associées à ces fonds par convention, mais la gestion n’en reviendra pas obligatoirement à une collectivité territoriale. On peut en tout cas attendre de ces fonds locaux qu’ils puissent consentir des avances sur opérations. En effet l’ANAH, en raison de son statut, ne peut consentir d’avances sur subventions, ce qui peut décourager certains propriétaires privés de se lancer dans des réhabilitations lourdes de leur patrimoine ;
• Le programme national de rénovation urbaine couvre la période 2004-20 13. Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés couvrirait la période 2009-2016, 2016 étant la dernière année d’engagement des crédits dont le paiement devrait bien entendu s’étendre sur une ou deux années supplémentaires. L’action de l’ANRU se trouverait de ce fait prolongée au-delà du délai pour lequel elle a été créée, ce que le Conseil économique et social ne peut qu’approuver, compte tenu du souhait qu’il a émis de voir l’action de cette agence se prolonger au-delà de 2013 - même si le PNRU II évoqué supra ne saurait, tel que notre assemblée l’entend, se limiter aux quartiers anciens dégradés ;
• Quels que soient les résultats obtenus par les OPAH et les OPAH RU sur un grand nombre de quartiers anciens, il leur a été parfois reproché de manquer de moyens financiers, de règles d’intervention adaptées, d’agir dans un cadre trop limité et cloisonné… Ces reproches ont pu concerner les actions menées en faveur de certains quartiers particulièrement dégradés et dévalorisés, nécessitant des interventions très lourdes et complexes. Pour répondre à ce type de difficultés, le Conseil économique et social a préconisé que l’ANRU et l’ANAH conjuguent leurs compétences, accroissent leur travail en commun, comme elles ont d’ailleurs commencé à le faire sur un certain nombre d’opérations. Il y a en effet un besoin réel de développement d’outils opérationnels complémentaires. Les conditions qui doivent être réunies sont donc bien celles d’une synergie, et non d’une mise en concurrence, des deux agences. Les termes de leur collaboration ne semblent pas encore arrêtés, si l’on en croit leurs communiqués : l’ANAH a annoncé fin mars la naissance d’OPAH de nouvelle génération, les Opérations de requalification des quartiers anciens dégradés (ORQAD), dans un cadre contractuel unique État/collectivité/ANAH. L’ANRU a de son côté indiqué fin mai qu’elle proposerait au début de l’été à la ministre du Logement son propre programme, qui impliquera un certain nombre de partenaires, dont le mouvement HLM, l’ANAH et les collectivités territoriales.
En outre, et bien qu’elle ne relève pas du projet de loi, le Conseil formule le souhait qu’une coopération étroite puisse s’établir à l’occasion de ce programme entre les acteurs du parc social et ceux du parc privé, qu’ils soient de statut public (ANAH), associatif (Pact Arim…) ou privé (UNPI…). La réussite du plan dépendra en effet pour une part de la manière dont s’organisera la mobilité des familles d’un parc à l’autre ou à l’intérieur du même parc, et le transfert des biens immobiliers d’un parc à l’autre ou à l’intérieur du même parc, à la condition qu’il s’accompagne dans ce dernier cas d’un développement du conventionnement.
Quant à la gouvernance nationale des politiques du logement et de la ville, qui ne rentre pas dans le champ du projet de loi étudié, notre assemblée rappelle qu’elle a au début de l’année 2008 formulé des propositions dans le cadre de l’avis déjà cité.
Enfin, il paraît utile d’insister ici sur le fait que le choix de s’appuyer sur l’ANRU ne minimise en rien le rôle des collectivités locales porteuses de projets, dont la responsabilité reste entière devant leurs populations et dont la mobilisation, dans des conditions satisfaisantes pour tous, sera indispensable à la réussite du programme.
II - La cohérence des objectifs et des moyens
Le cadre général d’exécution du futur programme - mixité des habitants et amélioration significative de la performance énergétique des bâtiments - ressemble à celui fixé à la rénovation urbaine par la loi de 2003 - mixité sociale et développement durable - les variations sémantiques sur les mêmes thèmes s’efforçant de traduire l’évolution de la réflexion ou des préoccupations, même si la formulation retenue par le projet pour le second de ces objectifs paraît en retrait par rapport aux ambitions portées par le Grenelle de l’environnement pour le logement neuf comme pour l’ancien. Le Conseil économique et social regrette d’ailleurs cette formulation, même si Madame la ministre du Logement s’est engagée, lors de son audition, sur des objectifs précis de performance énergétique. À défaut de formulation précise, une référence au développement durable, comme dans la loi de 2003, paraît préférable au Conseil. Elle aurait l’avantage de ne pas être contre-productive et de ne pas donner le sentiment de contrecarrer les efforts entrepris par ailleurs.
Le projet de loi ne contient pas de moyens financiers en regard du programme, mais l’exposé des motifs fournit à titre indicatif une évaluation à 2,5 milliards d’euros. Il a été décidé, bien que cette disposition n’apparaisse pas dans le projet soumis au Conseil, que ne seraient retenus que les projets présentés par les collectivités ou les groupements de collectivités qui accepteront d’apporter un financement au moins équivalent, ce qui porterait de ce fait l’enveloppe globale prévisible à 5 milliards d’euros. Cette exigence à l’égard des collectivités constitue indéniablement pour certaines d’entre elles un obstacle à la réalisation. Le Conseil économique et social estime absolument nécessaire que le taux de financement des opérations menées par ces dernières soit modulé en fonction de leur situation financière et fiscale.
En regard des objectifs, déterminés non en « quartiers » mais en nombre de logements ainsi qu’en places de logements adaptés ou d’hébergement à requalifier ou à produire, l’État affecterait donc 2,5 milliards d’euros, les premiers engagements devant en principe, selon les informations reçues, intervenir en 2009, les derniers en 2016, correspondant dès lors à 312,5 millions d’euros d’engagements par an sur huit ans, 357 millions si le raisonnement s’applique sur sept ans. Il est spécifié dans le projet de loi que ces sommes devraient permettre de réhabiliter 60 000 logements privés et de produire 50 000 logements locatifs sociaux ou conventionnés, sans qu’il soit tout à fait pertinent d’additionner ces deux chiffres. Il a en effet été précisé à notre assemblée que le total de logements concernés s’élèverait à 100 000, 60 000 réhabilités avec des aides de l’ANAH dont 20 000 logements à loyer maîtrisé, 30 000 logements locatifs sociaux produits et 10 000 logements en accession ou en locatif libre. La répartition entre les différents niveaux de loyers maîtrisés n’a pas été indiquée. Le projet de loi inscrit en outre à l’intérieur de ces mêmes objectifs celui de pouvoir disposer en sortie de programme de 5 000 places de logements adaptés ou d’hébergement. On rappellera que la loi instaurant le droit au logement opposable permet la location de logements ayant fait l’objet d’un conventionnement ANAH à des organismes publics ou privés en vue de leur sous-location à des bénéficiaires du DALO.
Ces objectifs méritent d’être comparés à ceux que le Plan de cohésion sociale mis en place par la loi de janvier 2005 assigne à l’ANAH, soit contribuer, chaque année, à la production de 40 000 logements à loyers conventionnés ou maîtrisés, ainsi qu’à la remise sur le marché de 20 000 logements vacants (respectivement 200 000 et 100 000 sur 5 ans, entre 2005 et 2009). Si l’on additionne les chiffres de la production de Logements locatifs sociaux (LLS) fixés par le futur programme de requalification à ceux de logements à loyers maîtrisés, on obtient a priori 50 000 logements, ce qui équivaut à une mise en circulation de 6 250 logements par an sur huit ans, entre 2009 et 2016. Sans doute faut-il noter que selon des estimations réalisées il y a quelques mois, l’ANAH devrait avoir atteint à la fin de l’année 2008 seulement un peu plus de 70 % des objectifs en logements à loyer maîtrisé et un peu plus de 55 % des objectifs à l’égard du logement vacant. L’état de dégradation de ce parc explique pour partie ce résultat. Pour autant, si l’on considère que le PCS a prévu 140 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires en année pleine au profit de l’ANAH, le PNRQAD en recevrait 312,5…
Ces comparaisons ont leur intérêt, elles ont aussi leurs limites. Les 140 millions du PCS viennent de l’État et vont à l’ANAH qui les attribue sous forme de subventions au parc privé. Les 312,5 millions du PNRQAD proviendraient de l’État, du 1 % et de l’ANRU, seraient ensuite au moins pour partie versés à l’ANAH, mais utilisés aussi pour une large part à bien d’autres tâches que la seule production de logements. Selon les informations communiquées par le ministère du logement au Conseil, 40 % environ de ces sommes seraient consacrées à la réhabilitation ou à la production proprement dite, soit un peu plus de 125 millions d’euros par an soit environ 1 milliard d’euros en huit ans. Les moyens mobilisés sont cependant considérables, puisqu’ils n’incluent pas pour le total de 100 000 logements atteint en fin de programme, les coûts de recyclage foncier (ainsi que de relogement, d’accompagnement social…) estimés à près d’un milliard d’euros et nécessaires pour assurer près du tiers de ce total.
On comprend bien, d’ailleurs, que des dépenses aussi importantes soient nécessaires lorsque l’état du bâti, la situation du parcellaire, la complexité des situations - copropriétés non constituées par exemple - soulèvent tant de questions et posent tant de difficultés qu’ils ont rendu partiellement ou totalement inopérants les moyens existants, notamment les OPAH. L’intention affichée des rédacteurs du projet de loi est d’ajouter au montant qui vient d’être rappelé un montant équivalent de contributions des collectivités territoriales. La liste des quartiers éligibles devrait en effet être arrêtée dans un délai de six mois, en deux phases, la première ayant pour objectif d’identifier sur la base d’indicateurs existants une première liste élargie à partir de laquelle les communes ou EPCI seraient amenés à faire part de leurs intentions, la deuxième confiant à une commission le soin de retenir une centaine de collectivités parmi celles figurant sur la première liste et ayant répondu, en vue de l’établissement de la liste définitive.
La logique qui prévaut ici est la même que celle qui est mise en œuvre avec succès dans le cadre du PNRU : une action ciblée et massive sur une centaine de « zones » identifiées au préalable, un chiffrage en termes de logements à produire, des moyens financiers conséquents en provenance de différents partenaires, une mobilisation des collectivités territoriales sur la base de projets qui seront, selon les informations communiquées, sélectionnés par une commission dont l’ANRU assurera le secrétariat. Le Conseil économique et social est en accord avec ces grandes orientations.
Notre assemblée formule cependant les remarques suivantes :
• Le texte présenté instaure de fait un nouveau type de périmètre d’intervention qui n’est pas sans rappeler, compte tenu de la physionomie générale des quartiers retenus, les zonages définis pour la mise en œuvre de la politique de la ville. Ce rapprochement est accentué par les dispositions du projet de loi qui prévoient l’intervention de l’établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux dans les « territoires faisant l’objet d’un contrat urbain de cohésion sociale ou inscrits au programme national de requalification des quartiers anciens dégradés », cette nouvelle rédaction devant figurer dans le Code de l’urbanisme si le texte est adopté. Cette nouvelle « géographie », qui sera d’origine réglementaire, puisque la liste fera l’objet d’un arrêté, n’aura de conséquences concrètes qu’une fois revêtue de la signature du porteur de projet et des autres partenaires. Comme c’est le cas pour les communes dotées d’une OPAH, ou pour les quartiers anciens déjà conventionnés par l’ANRU, le nouveau programme paraît pouvoir s’appliquer dans des quartiers situés en ZUS, et se combiner par exemple avec un CUCS mentionné ci-dessus. Cela ne semble d’ailleurs pas anormal : comme l’a rappelé le rapport du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2008, dans 80 quartiers situés en centres anciens, le revenu médian est inférieur de 50 % à celui de l’agglomération. Un effort de pédagogie devra cependant être conduit afin d’assurer la lisibilité et la cohérence du nouveau dispositif par rapport aux dispositifs existants ;
• Sans sous-estimer aucunement les difficultés inhérentes à ce type de programmes, force est de constater que la production totale de logements est relativement modeste par rapport aux objectifs habituellement affichés dans des circonstances similaires : pour sa contribution au PCS, en cinq ans, l’ANAH a reçu comme mission en sus de sa programmation normale, de financer 200 000 logements à loyers maîtrisés et contribuer à la remise sur le marché de 100 000 logements vacants. À titre d’exemple, elle a dépensé en 2006, selon le rapport annuel de performances, 213,4 millions d’euros pour produire 39 099 logements à loyers maîtrisés, soit un peu moins de 5 500 euros par logement. Selon le projet annuel de performances annexé au PLF 2008, les subventions moyennes de l’ANAH sont de 6 400 euros dans le cas évoqué mais de seulement 2 600 euros pour la remise sur le marché d’un logement vacant. Avec 22 % des dépenses annoncées du programme de requalification des quartiers anciens sur la réhabilitation du parc privé soit 550 millions d’euros pour 60 000 logements, on obtient une moyenne de 9 100 euros de subvention ANAH par logement. Toutefois, compte tenu du mode de financement particulier prévu pour l’ANAH dans le cadre de ce programme (contribution de l’ANRU), il est cohérent avec ce mode de financement d’affirmer que ces sommes ne proviendront pas intégralement du budget de l’État. Le même calcul, effectué par comparaison entre objectifs et subventions moyennes allouées par logement PLUS ou PLAI (respectivement 2 700 et 12 000 euros en configuration normale) est encore plus artificiel dans la mesure où la répartition de l’effort n’étant pas détaillée, on arrive à une subvention moyenne de près de 14 600 euros par logement, tous types de prêts confondus. On rappellera également que pour les propriétaires bailleurs comme pour les propriétaires occupants, les taux de subvention portent sur un montant plafonné de travaux : à titre d’exemple concret, sur l’OPAH RU du centre-ville d’Ajaccio, le plafond de travaux pour un propriétaire occupant est fixé à 13 000 euros HT, la subvention représentant 62,5 % 1 219 euros pour des travaux classiques, contre engagement d’occupation pendant 9 ans. Le plafond est beaucoup plus élevé pour un propriétaire bailleur, et le montant de la subvention, cumulé à une prime de vacance, peut approcher 100 % des travaux si le loyer pratiqué est très social (par exemple, à Ajaccio, 65 % d’un montant total de 66 000 euros). Le financement de la production de logements nécessitera donc un tour de table financier projet par projet avec les partenaires intéressés. Une partie de l’effet escompté dépendra de « l’effet de levier » que produira l’implication de l’ANRU dans le programme ;
• L’ambition essentielle du texte soumis à notre assemblée est plus large, puisqu’elle porte sur la requalification de quartiers entiers voire de morceaux de villes, et que 60,5 % des dépenses prévues ont précisément vocation à faciliter cette requalification. On peut regretter que le conventionnement ANAH, sur la base duquel seront produits une grande partie des logements, soit un conventionnement temporaire, qui ne garantira pas à terme le maintien des logements de qualité produits dans le parc privé à vocation sociale ;
• Le projet de loi devra contenir des dispositions anti-spéculatives, concernant en particulier le foncier ; ces dispositions pouvant constituer en une meilleure utilisation ou une adaptation du rôle des outils existants, notamment les Établissements publics fonciers, ou la régulation des prix appliquée aux différents acteurs publics et privés suivant des mécanismes spécifiques (fiscalisation, loi sur la préemption…). L’utilisation des outils existants est une question de volonté politique, notamment de la part des collectivités locales ;
• Le suivi de l’exécution du programme, la rapidité avec laquelle les indicateurs seront définis, adaptés ou repris, revêtent une importance qu’il est bon de rappeler, tant leur caractère incomplet, voire leur absence, peut nuire à la légitimité et à la lisibilité d’actions qui engagent de lourds moyens.
Les autres objectifs fixés au Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, en particulier la mixité sociale et le développement de l’activité, sont examinés dans les dispositions qui suivent.
Chapitre II Une requalification en faveur de la mixité sociale, de l’habitat et des fonctions
Les porteurs de projets que sont les communes et les EPCI s’efforcent de développer une vision d’avenir pour les quartiers faisant l’objet d’une intervention massive - c’est notamment le cas pour les projets ANRU. Cette vision s’inscrit dans une stratégie urbaine d’ensemble prenant en considération la place du quartier dans la ville suivant une multiplicité de paramètres (histoire, localisation, fonctions, image sociale…) qui permettent de dépasser des analyses et interventions parcellaires (aménagement urbain, transports, cadre bâti, implantation de services, d’activités…). C’est clairement dans cette perspective que s’inscrit le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés. Dans le cadre ainsi tracé, notre assemblée s’attachera à deux des grandes priorités distinguées dans le projet de loi - la mixité des fonctions, laquelle devrait être complétée par la requalification sociétale, non évoquée dans le texte de loi - et la mixité sociale, qui seront développées dans l’ordre suivant :
- la mixité des fonctions, en particulier par « la réorganisation ou la création d’activités économiques et commerciales » ;
- la requalification sociétale ;
- la mixité sociale, par « le relogement et l’accompagnement des ménages en privilégiant leur maintien au sein du même quartier requalifié ».
I - La redynamisation économique et commerciale des quartiers
Si les quartiers anciens dégradés peuvent se définir a minima par un ensemble de caractéristiques, ils n’en sont pas pour autant homogènes. Centraux ou périphériques, commerçants ou plus strictement résidentiels, présentant ou non un caractère historique, jadis prestigieux ou banals depuis toujours, ils ne présentent pas tous les mêmes difficultés et ne sauraient être traités suivant la même problématique.
Certains de ces quartiers ont toujours conservé une activité commerçante en dépit d’une dégradation des espaces publics et des immeubles d’habitation. D’autres ont vu disparaître les ateliers, les commerces, les services publics, les services de proximité, voire les professionnels de santé, qui en assuraient l’animation économique et sociale et leur conféraient l’image d’un quartier à part entière, concentrant sur un espace relativement limité une multiplicité de fonctions. Il n’en demeure pas moins que l’objectif de réorganiser, implanter ou réimplanter des activités apparaît comme une nécessité dans tout programme de requalification urbaine.
De longue date notre assemblée prône la mixité des fonctions dans la ville. Cette réticence à l’organisation fonctionnaliste de la cité peut, à une échelle moindre, s’exprimer à l’égard du quartier. S’il n’est pas question de promouvoir l’idée d’une possibilité pour chacun d’eux de vivre en autarcie, il est souhaitable que les habitants n’aient pas à se déplacer sur de trop longues distances pour accéder aux services administratifs, commerciaux ou d’exercice libéral, à commencer par la médecine de ville. De surcroît, ces services peuvent attirer dans les quartiers où ils sont implantés d’autres personnes que les seuls résidents, assurant par là une circulation des populations concourant à réintégrer le quartier dans la ville pour peu qu’il fût marginalisé. Notre assemblée regrette toutefois que cette mixité ne soit envisagée par le projet de loi qu’au travers de l’activité économique et commerciale, dont l’importance n’est cependant plus à démontrer, chacun pouvant prendre la mesure des aménités que procurent les commerces, cafés ou restaurants en pied d’immeuble.
Au-delà de l’affirmation de principe en faveur d’un regain d’activité économique au sein des sites visés par l’article 12 du projet de loi, deux outils techniques et/ou financiers devraient être mobilisés : sur la foi des documents transmis à notre assemblée une modification du code de l’urbanisme élargit le champ d’intervention de l’Établissement public national pour l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ; un décret en Conseil d’État étend l’utilisation du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC). En revanche, notre assemblée note à regret que le texte ignore le champ d’activités couvert par les professionnels libéraux, qui contribuent pourtant fortement à la cohésion sociale des quartiers. Dans le cadre d’un projet de loi sur la requalification urbaine qui vise en partie à redynamiser les quartiers, des aides à l’installation des services de proximité et des très petites entreprises, là où ils font défaut, mériteraient d’être envisagées.
Établissement public à caractère industriel et commercial, l’EPARECA a été créé en 1996 pour restructurer les pôles commerciaux - les interventions concernent dans une moindre mesure les rues commerçantes et des activités en pied d’immeuble - situés sur les territoires de la géographie prioritaire de la politique de la ville, suite au constat de l’importance des centres commerciaux dans la revitalisation des quartiers en difficulté. Une double réorientation est donc aujourd’hui proposée, sortant l’EPARECA du champ très ciblé de la politique de la ville et le conduisant à intervenir sur des quartiers ne possédant pas nécessairement des pôles commerciaux mais, plus communément, un commerce diffus, lorsque celui-ci existe encore. Pour autant, ni la problématique, ni la démarche du PNRQAD ne s’inscrivent en opposition avec celles de la politique de la ville. En effet, dans les deux cas l’action entreprise vise à effacer les déséquilibres qui frappent les zones en difficulté ou en déshérence en matière d’offre économique. Par ailleurs, les critères actuels d’éligibilité des opérations (s’insérer dans le cadre d’un projet global de restructuration du quartier, mettre en œuvre une large concertation de la population, des acteurs locaux, impliquer financièrement la collectivité ayant saisi l’EPARECA, répondre à des besoins avérés de la population et être commercialement viable) pourraient parfaitement s’appliquer au plan de requalification envisagé. En outre, les prérogatives de puissance publique dont dispose l’établissement pour mener à bien les projets commerciaux dont il est maître d’ouvrage pourraient être mises à profit dans les opérations réalisées dans les quartiers anciens.
L’intervention de l’EPARECA dans ce type de milieu devrait cependant l’obliger à modifier ses pratiques. Ordinairement, en effet, l’établissement réalise un diagnostic global, conçoit le projet, se charge du montage juridique et financier, puis réalise l’opération, la gestion du pôle commercial étant confiée à un prestataire spécialisé. On imagine mal qu’une telle procédure puisse être mise en œuvre dans l’espace éclaté du commerce de proximité.
Une autre interrogation touche au financement des opérations. Celles-ci sont en général prises en charge à 50 % par l’établissement public sur ses fonds propres et à 50 % par des emprunts. Des sociétés peuvent par ailleurs être constituées sur la base de partenariats financiers. Dans le cadre du plan de requalification envisagé, on imagine difficilement l’EPARECA financer à hauteur de 50 % des opérations pour lesquelles il serait sollicité.
Deux raisons principales alimentent ce doute :
- avec une dotation originelle de 19,8 Me par prélèvement sur le produit de la Taxe d’aide au commerce et à l’artisanat (TACA), une dotation spéciale de 3 Me en 2003 pour parer à l’épuisement de ses ressources initiales, puis une dotation de 16 Me fin 2005 suite à la signature d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2006-2008, ses moyens financiers apparaissent très notablement insuffisants pour répondre aux objectifs du projet de loi, d’autant que cette mise à contribution potentielle viendrait en complément de ses missions traditionnelles. Si l’on souhaite voir jouer à l’EPARECA un rôle significatif dans l’accomplissement du plan de requalification des quartiers anciens dégradés, un redimensionnement de ses moyens s’impose ;
- ainsi que le notait le Sénat en 2002, l’EPARECA n’a mené à bien que six opérations au cours de ses cinq premières années d’existence et il gérerait actuellement en tout ou partie dix-sept sites en France, quatre cents étant en attente… Ce sont cependant ses moyens d’action insuffisants et la complexité du cadre juridique dans lequel il se meut qui sont à l’origine de ces modestes résultats, ses méthodes d’intervention ayant, elles, été validées par l’État.
L’expérience acquise et les moyens résultant d’une convention signée avec l’ANRU et la Caisse des dépôts et consignations, entrée en vigueur au 1er janvier 2007, pourrait cependant lui permettre de réaliser des diagnostics et de formuler des préconisations pertinentes pour maintenir ou créer des structures commerciales, artisanales adaptées au tissu urbain des quartiers requalifiés, moins en butte de surcroît aux problèmes de vols et d’insécurité qui ont signé l’échec de certaines opérations situées en zones sensibles.
Ce sentiment résulte du fait que des centres commerciaux de banlieue connaissent les mêmes besoins de restructuration immobilière et commerciale et présentent des caractéristiques semblables à celles de certains commerces situés en dehors des zones urbaines sensibles : inadaptation de l’offre à la demande, disparition des commerces de bouche, dont on connaît le rôle moteur, fort taux de vacance des cellules commerciales… Ces similitudes ne doivent cependant pas conduire à négliger des particularités juridiques des quartiers anciens qui complexifient toute intervention et en allongent la durée : émiettement du parcellaire, règlement de copropriété, problème délicat des fonds de commerce et du droit au bail…
L’élargissement des interventions du FISAC aux opérations inscrites dans les quartiers éligibles au PNRQAD ne présente pas le même caractère de rupture que la mobilisation de l’EPARECA. Le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce - appellation depuis 2003 - a en effet été créé en 1989 pour répondre aux menaces pesant sur l’existence de l’offre commerciale et artisanale de proximité dans les zones fragilisées par les évolutions économiques et sociales. Depuis, son champ d’intervention s’est élargi aux entreprises de service et à des objectifs de modernisation et de création d’entreprises. Un décret du 27 octobre 1995 précise que les actions financées par le FISAC doivent « favoriser le maintien et l’adaptation du commerce et de l’artisanat afin de préserver l’animation commerciale dans les secteurs géographiques ou professionnels et la desserte de proximité propice à la vie sociale ». Au vu de ces missions, distinctes de la politique de la ville stricto sensu, la mobilisation du FISAC au profit des quartiers anciens dégradés apparaît naturelle, d’autant qu’elle se réalise souvent dans le cadre d’opérations collectives qui, au niveau des territoires, sont conduites en partenariat avec d’autres acteurs publics.
En dépit des critiques formulées en 2005 par la Cour des comptes sur la lourdeur des procédures d’instruction, la faible sélectivité de ces dernières, ou encore la lenteur du traitement des dossiers, la mise à contribution du FISAC pour la réalisation du PNRQAD apparaît d’autant plus logique que ces difficultés devraient pouvoir être dépassées dans le cadre d’actions collectives de la nature de celles envisagées. Par ailleurs, la distribution des aides se ferait ainsi en réponse à des besoins réels et bien identifiés du tissu local ce qui, toujours selon la Cour des comptes, n’est pas systématiquement le cas.
Trois préoccupations doivent toutefois être mentionnées :
- les décisions d’attribution des aides du FISAC sont actuellement prises par le seul ministre en charge du commerce et de l’artisanat et non par celui du logement et de la ville…
- malgré l’intégration du FISAC dans le budget de l’État en 2003, il reste géré, selon une procédure dérogatoire, par l’Organisation autonome de l’industrie et du commerce (ORGANIC) ;
- les crédits du FISAC ne peuvent être mobilisés pour les opérations immobilières financées par l’EPARECA. Ils peuvent toutefois être obtenus par la collectivité pour la gestion ou l’animation commerciale.
En vue d’une rationalisation et d’une efficacité accrue de la politique du commerce dans les territoires, le Conseil économique et social considère qu’une réflexion de fond mériterait d’être engagée afin de réduire les structures, meilleur moyen d’obtenir la synergie entre les ressources du FISAC et les compétences de l’EPARECA.
Notre assemblée considère par ailleurs qu’en raison du caractère local de la plupart des opérations financées par le FISAC, avec des cofinancements importants apportés par les collectivités territoriales, le débat devrait être rouvert sur l’intégration des crédits du FISAC dans le champ des expérimentations de délégations de compétence aux régions en matière de développement économique, une autre hypothèse étant la déconcentration au niveau régional de l’instruction des dossiers, le fonds étant maintenu au niveau national.
À cet égard, notons que le FISAC représente une part prépondérante des aides de l’État au commerce et à l’artisanat puisque les moyens gérés par la direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales (DCASPL) ont régressé. La part du FISAC est ainsi passée de 37 % en 2001 à 53 % 2004, avec un total de 95 Me de dotations. Ces crédits sont cependant assez erratiques car ils ont chuté à 69 Me en 2005 pour remonter à 80 Me dans le projet de loi de finances pour 2006, année où, finalement, le FISAC a arrêté 857 décisions pour un montant de 93,33 Me. Notre assemblée estime qu’une dotation constante et rigoureusement affectée aux opérations éligibles prioritaires, parmi lesquelles il convient de compter celles relevant du futur PNRQAD, permettrait d’optimiser l’utilisation de ce fonds.
Il est prévu dans le projet de loi qu’un décret en conseil d’État vienne clarifier l’utilisation des crédits FISAC sur les quartiers bénéficiant d’un projet dans le cadre du plan national de requalification des quartiers anciens dégradés, leur réservation au niveau national et leur fléchage lors des comités d’engagements. De la rapidité de publication de ce décret d’application dépendra en partie l’efficacité du dispositif.
La part du budget du PNRQAD consacrée à la revitalisation économique est pour sa part difficile à clarifier. Suivant la clé de répartition qui a été communiquée à notre assemblée, 10 % du budget global, soit 250 Me - un peu plus de 31 Me par an sur 8 ans - seraient dédiés à cette action, mais aussi à la réalisation d’équipements publics et associatifs. Pour l’heure, faute de connaître l’engagement futur des collectivités territoriales et la répartition des crédits au sein de ce programme, il serait hasardeux de formuler une appréciation sur l’adéquation de ces moyens aux ambitions.
Replaçant cet aspect économique et commercial du plan national de requalification des quartiers anciens dégradés dans le contexte actuel, notre assemblée entend attirer l’attention sur les risques de contradictions entre une aide publique significative au maintien ou au développement des commerces et des activités dans ces territoires urbains particuliers et certaines dispositions du projet de loi de modernisation de l’économie actuellement en débat au Parlement. Avec un projet qui fixe à 1 000 m² le seuil d’autorisation des nouvelles grandes surfaces, beaucoup d’élus craignent un appauvrissement, et dans certains cas une disparition, du petit commerce dans les zones rurales ou urbaines les plus fragiles. Or, il est à craindre que les aides pèseront peu face à un marché mettant en concurrence des acteurs économiques de taille si différente. Pour ne pas risquer d’orienter des fonds publics en pure perte vers des secteurs en péril économique, qu’il s’agisse de fonds émanant de l’État ou des collectivités territoriales, notre assemblée estime que la possibilité pour les élus locaux d’arrêter des schémas d’urbanisme commercial doit être rapidement approfondie.
II - Une requalification sociétale et des équipements de proximité, indispensables compléments d’une revitalisation économique
Le programme national envisagé ne comprend aucune disposition spécifique relative à la restauration des activités sociales qui constituent une grande part de la richesse, du dynamisme et de l’agrément d’un quartier. En effet, même si l’activité économique revêt une importance cruciale dans la vie des quartiers, les commerces et les entreprises ne sauraient à eux seuls créer les conditions de leur requalification lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés anciennes et profondes.
Brièvement évoquée dans le projet de loi, la mixité des services et des activités est un impératif. Elle doit être assurée par la même part du budget que celle qui vient d’être mentionnée, sans préjuger de l’effort consenti par les partenaires locaux du programme.
À l’instar des habitants des quartiers dits sensibles, où les pouvoirs publics s’efforcent d’introduire les activités et services qui y ont toujours fait défaut en raison de leur conception monofonctionnelle (fonction résidentielle), ceux des quartiers anciens dégradés doivent pouvoir à nouveau accéder à l’ensemble des services urbains, à commencer par les services publics. Lorsque ces quartiers sont situés en centres-villes, les services publics sont le plus souvent accessibles, ne serait-ce que parce que les réseaux de transports en commun irriguent presque toujours abondamment les cœurs de villes. En revanche, lorsqu’ils sont périphériques et mal desservis par les transports, la discrimination se fait plus lourde et le PNRQAD ne saurait ignorer cette dimension.
Plus prégnants encore apparaissent les enjeux d’accès aux soins et aux équipements pour l’enfance (crèches, halte-garderies…). Les quartiers anciens dégradés abritent en effet une grande diversité de populations : personnes âgées, résidents de longue date aux revenus souvent modestes, familles, issues pour l’essentiel de l’immigration, logées par des marchands de sommeil dans des locaux insalubres, jeunes couples ou étudiants trouvant dans ces parties de la ville des logements de petite taille à des prix abordables… Si l’on fait le pari d’une relative stabilité de la composition sociale de la population après réhabilitation, on perçoit immédiatement l’enjeu financier que peut représenter pour la commune l’installation d’équipements publics et de services de nature à satisfaire une population aux besoins et aux modes de vie divers. Nul doute qu’une partie non négligeable du budget du programme susmentionné devra être consacrée à la réalisation des équipements de proximité à caractère social, associatif, sportif ou culturel à même de recréer du lien social et d’améliorer la qualité de vie des habitants. Cette revitalisation peut être à l’origine d’un cercle vertueux, le changement d’image qu’elle induit pouvant recréer une dynamique urbaine qui avait progressivement disparu. Les rédacteurs du projet de loi sur la modernisation de l’économie ne s’y sont pas trompés, indiquant par exemple, au chapitre consacré à l’aménagement cinématographique du territoire, que « les créations, extensions et réouvertures au public d’établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences (...) d’aménagement culturel du territoire ». S’il est vrai que l’ambition se situe ici à une plus vaste échelle, on peut, par analogie, considérer que la requalification d’un quartier n’est véritablement aboutie que lorsque la réhabilitation du bâti et des espaces publics s’accompagne d’une revitalisation urbaine au sens que nous venons d’indiquer. Elle peut rapidement produire sa propre dynamique, vertueuse en termes d’activités, au point qu’un quartier naguère à l’abandon peut devenir ou redevenir, en renouant avec l’ensemble de la ville, un pôle d’attraction contribuant au développement économique et au rayonnement de la cité.
III - L’importance de la mixité et de l’accompagnement social du programme
L’objectif de mixité sociale et de développement durable que s’assigne le PNRQAD, comme précisé dans l’exposé des motifs du projet de loi et dans l’article 12 lui-même pour ce qui concerne « la mixité des habitants », est partagé par le Conseil économique et social. Cette problématique n’est pas nouvelle : « Toute cité, aussi petite soit-elle, est en fait divisée en deux, l’une étant la cité des pauvres, l’autre celle des riches : elles sont en guerre l’une contre l’autre, et dans chacune d’elles existent maintes divisions plus petites, et vous seriez complètement à côté de la question si vous les traitiez toutes comme un seul État. » Comme on le voit, elle était déjà identifiée au IVe siècle avant notre ère, par Platon, dans son célèbre ouvrage La République.
Si les villes, par-delà les vicissitudes de l’histoire, sont restées des territoires de diversité, cette inégale répartition des activités et des ménages dans l’espace demeure elle aussi : des fonctions similaires tendent à se regrouper spatialement, contribuant à former des quartiers dédiés à certaines activités (commerce, affaires, spectacles…) ou des quartiers résidentiels ; les ménages se distribuent aussi irrégulièrement, essentiellement sous l’effet de contraintes économiques, mais également en fonction de paramètres socioprofessionnels et socioculturels.
Dans les quartiers anciens dégradés se concentrent beaucoup de logements privés en mauvais état, dont les loyers sont modestes, et qui constituent ce qu’il est d’usage d’appeler, dans un langage édulcoré, le parc social de fait. On y trouve logés les ménages les plus modestes. Les populations aisées évitent ces quartiers et les investisseurs les délaissent. Ainsi les divisions sociales de l’espace urbain évoquées plus haut sont-elles reproduites par les logiques du marché du logement. Ce sont ces logiques que le plan projeté entend justement briser, en réintroduisant la diversité tout en transformant des logements sociaux de fait en logements sociaux de droit.
L’article 12 du projet de loi ne contenant pas de dispositions particulières à l’égard de cet enjeu, le Conseil économique et social invite le gouvernement à prendre en considération les observations et préconisations qui suivent, soit pour préciser le texte, soit pour établir une batterie de critères servant à départager les projets qui seront soumis à l’appréciation de la commission nationale du PNRQAD par les communes et les EPCI volontaires. À cet égard, notre assemblée entend attirer l’attention du gouvernement sur la nécessité d’éviter certains risques de dérive engendrés par la procédure envisagée au regard de la finalité du programme. Il apparaît tout d’abord que les collectivités disposant des services techniques idoines et des moyens financiers suffisants pour compléter - avec les autres partenaires - les engagements consentis par l’État seront les plus à même de satisfaire aux conditions posées par la commission nationale et de passer convention avec l’ensemble des acteurs concernés. C’est pourquoi notre assemblée insiste particulièrement pour que l’organe délibérant accorde bien prioritairement son soutien aux projets visant à résoudre les situations les plus préoccupantes d’habitat indigne. Mieux, elle souhaiterait qu’il ne soit pas seulement tenu compte des caractéristiques objectives croisant des données socio-économiques et des conditions d’habitat, mais aussi des engagements de la collectivité ou de l’établissement intercommunal en faveur d’une « mixité des habitants » pérenne. En d’autres termes, les moyens avérés d’un candidat et sa capacité à organiser efficacement la conduite du projet, pour importants qu’ils soient, ne doivent pas primer sur la ligne et les engagements du projet urbain et social qui sera présenté dans la note d’intention soumise à la commission nationale présidée par le ministre. Suivant les documents fournis à notre Conseil, le projet ne sera proposé qu’une fois la liste arrêtée sur la base du diagnostic et de la note d’intention de la collectivité. Cela renforce son inquiétude sur les critères qui seront considérés comme déterminants lors de la première phase de l’opération.
Les conditions générales
Les actions engagées pour satisfaire aux objectifs principaux du programme national pourront s’appuyer sur les enseignements tirés des opérations de rénovation urbaine depuis 2004 et des opérations programmées d’amélioration de l’habitat depuis une trentaine d’années, en particulier celle dites de renouvellement urbain (OPAHRU).
Si les opérations conduites par l’ANRU portent essentiellement sur les quartiers relevant habituellement de la politique de la ville, l’agence a déjà financé des interventions sur de l’habitat privé dégradé en quartiers anciens, voire la démolition de copropriétés. Comme cela a été rappelé au chapitre I, les conventions signées et les projets en cours d’élaboration portant sur le traitement des quartiers d’habitat dégradé représentent une vingtaine d’opération. En outre, celles conduites en zones sensibles ont permis le développement d’un savoir-faire transposable aux futures opérations de requalification des quartiers anciens en matière d’accompagnement social.
Les OPAH ont, elles aussi, apporté des connaissances dans ce domaine, que les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre pourront mettre à profit dans les opérations à venir. Notre assemblée souhaite que l’on retrouve trace de cette expertise dans l’élaboration et la conduite des opérations, dans les notes d’intention et les projets des collectivités.
S’agissant du financement par l’État, les éléments fournis au Conseil économique et social manquent de lisibilité. La part la plus importante du budget (30,5 % suivant la clé de répartition évoquée supra, soit 750 Me si le budget total demeure de 2,5 Mdse) est consacrée au recyclage foncier, au relogement, à l’accompagnement social et à l’ingénierie. Cet ensemble composite permet difficilement de faire la part des choses, même s’il apparaît évident que la majeure partie de cette somme sera consacrée au recyclage foncier. La lecture du chiffrage d’ensemble est d’autant plus délicate qu’une autre tranche de ce budget (11 %, soit 275 Me sur la même base de calcul) est dédiée à l’ingénierie et aux actions sociales de solidarité.
Ces montants et ces proportions relativement élevés ne semblent cependant pas surdimensionnés, d’une part parce que ce chiffrage a pris pour base une analyse des programmes « quartiers anciens » déjà engagés par l’ANRU dans le cadre du PNRU, d’autre part parce que les estimations de l’ANAH font apparaître un « surcoût » de 30 % correspondant aux nouvelles prestations d’accompagnement social des ménages prévues dans le cadre des opérations de lutte contre l’habitat indigne. L’agence précise qu’« en incluant des prestations à la maîtrise d’ouvrage des travaux d’office - sur lesquels une circulaire du 14 novembre 2007 du ministre du logement et de la ville, relative à la lutte contre les « marchands de sommeil » met l’accent - ce surcoût atteint 50 % ».
Concernant le financement, rappelons que la Caisse des dépôts et consignations a mis en place un certain nombre d’outils comme le Fonds de solidarité habitat (FSH), prêt de renouvellement urbain intermédié en direction des propriétaires impécunieux ou le Prêt expérimental (PEX), destiné notamment à financer la rénovation de logements sociaux de fait, le transfert de patrimoine social ou encore la construction et la rénovation de structures d’hébergement, outils qui devraient pouvoir être mobilisés dans le cadre du futur programme de requalification, en particulier pour préfinancer les aides publiques (les subventions ne sont versées qu’après règlement des factures). Signalons enfin que la Caisse des dépôts s’était engagée vis-à-vis de l’État à consacrer 130 Me de fonds propres sur l’ingénierie de projet pour les opérations de renouvellement urbain en quartiers anciens pour la période 2004/2008. Notre assemblée suggère que les conditions dans lesquelles ce fonds pourrait être prorogé pour la durée du PNRQAD soient examinées.
L'accompagnement des opérations de requalification
Le PNRQAD ouvrant sur des opérations urbaines et immobilières lourdes touchant des populations fragiles, notre assemblée estime nécessaire que chaque projet prévoit précisément les dispositions d’accompagnement qui s’imposent. Elles doivent être le signe d’une articulation cohérente entre projet urbain et projet social. Elles doivent notamment organiser la concertation avec la population concernée, la synergie entre les nombreux acteurs locaux appelés à intervenir, lesquelles requièrent des compétences poussées sur les plans social, technique et financier, l’accompagnement et le suivi des opérations, en particulier en cas de relogement, au croisement des thématiques sociales et techniques.
Le Conseil économique et social se félicite qu’une circulaire du 26 mars 2008 de la Direction générale de l’urbanisme de l’habitat et de la construction relative au dispositif du « MOUS insalubrité » ait décidé l’inclusion parmi les prestations de l’opérateur de suivi-animation subventionnées par l’ANAH des missions nouvelles d’accompagnement social des ménages (formation et information, accompagnement de relogement temporaire, aiguillage vers des structures d’accompagnement social ad hoc pour les difficultés autres que celles liée au logement…).
En amont de toute intervention, la responsabilité des porteurs de projets doit être d’associer les habitants des quartiers concernés à leur élaboration, et pas seulement de les informer, afin de prendre en compte leurs aspirations et de tendre vers des diagnostics partagés. Il ne s’agit pas pour autant de prôner la codécision, les élus devant rester maîtres du jeu.
Dans ce cadre, une attention toute particulière doit être accordée aux relogements : les habitants, contrairement aux décideurs politiques et aux acteurs économiques, sont très souvent opposés aux démolitions, qui peuvent pourtant être nécessaires pour éliminer un immeuble trop dégradé ou pour restructurer un îlot. Les raisons des démolitions doivent donc être explicitées, de même que le déroulement du projet. À cette fin, les responsables locaux connaissent la nécessité d’organiser la concertation évoquée plus haut, en échelonnant les questionnaires, enquêtes et diagnostics, des réunions publiques d’information, des communications à la presse, des visites de chantier… les initiatives et la conduite de ces opérations méritant d’être confiées à des équipes dédiées, capables de conseiller ou assister les habitants : Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS), agents de développement etc.
Bien que le programme soit prévu sur huit ans, les opérations de relogement doivent évidemment être beaucoup plus courtes afin de ne pas laisser s’instaurer l’incertitude, la lassitude puis le découragement dans les familles. Dans le cas des propriétaires occupants en particulier, dans l’hypothèse où la proposition de relogement ne leur donnerait pas satisfaction, ceux-ci n’étant pas, par exemple, disposés à basculer vers un statut locatif, et où ces derniers ne pourraient pas se reloger par eux-mêmes en raison de la très faible valeur marchande de leur bien, le Conseil économique et social se prononce en faveur de la prise en compte de la valeur d’usage de leur ancien logement. Dans ces cas douloureux et compliqués, l’expérience technico-sociale du Pact Arim peut se révéler précieuse tout au long du processus. Le mouvement a déjà été associé à près de 300 OPAH et a accompagné plus de 10 000 familles.
La coordination sur le terrain
Les mutations fonctionnelles, immobilières et sociales que ne manquera pas d’engendrer la requalification des quartiers justifient que soient également mobilisées les associations locales, non comme courroies de transmission, mais comme partenaires à part entière. Dans bien des cas, elles peuvent être l’interface entre les intérêts publics et privés et aider à l’émergence de solutions partagées dans les zones de conflit. Notre assemblée considère que leur implication, comme celle des conseils de quartier quand il en existe, doit être vérifiée lors de l’examen du projet, de même que les moyens dont elles disposent pour tenir pleinement leur rôle.
Parallèlement, les services municipaux les plus concernés se doivent d’être présents sur le terrain, parfaitement identifiés par les habitants, et à même d’apporter, sinon des solutions, du moins des réponses aux questions qui se posent ou leur sont posées.
Notre assemblée estime par ailleurs que la constitution d’une direction de projet unique intégrant l’ensemble de ces dimensions doit être privilégiée, de façon à assurer la coordination et la synergie entre les différents intervenants sur les champs urbain et social. Trop souvent, en effet, des pertes en ligne sont à déplorer du fait de la fragmentation des interventions et/ou de la multiplication des intervenants, entraînant une superposition des tâches. À cette approche synchronique, il convient d’ajouter la dimension diachronique consistant à assurer le pilotage technique et le suivi des différentes phases du projet dans le temps, depuis son élaboration jusqu’à l’achèvement de sa réalisation et, dans l’intervalle, durant toute la phase opérationnelle. À cet égard, la coordination par une gestion de proximité de l’action des différents intervenants du chantier peut s’avérer primordiale pour assurer aux habitants du quartier des conditions de vie acceptables. Cet attachement à une direction unique paraît d’autant plus logique que la nature de l’opération est très localisée, même si certains cas de relogement, en particulier dans des situations de sur-occupation, peuvent être difficiles à résoudre sur site.
En matière d’accompagnement, le dernier point qu’il paraît important à notre assemblée de souligner, est la nécessité, non seulement de prendre en compte l’ensemble des problématiques des ménages, mais encore sur une durée suffisante - ce qui ne semble pas être le cas dans les opérations de rénovation urbaine - lorsque les opérations comportent des relogements. L’accompagnement « post-relogement », en particulier en cas de relocalisation hors site, voire hors commune, doit être compris comme un impératif, quelles que soient les difficultés de planning qui peuvent se poser dans ces circonstances. Il importe en effet que la requalification des quartiers ne se traduise pas par des parcours résidentiels descendants, ni perçus comme tels par les intéressés. Cette prise en charge dans la durée est d’autant plus importante que les ménages sont plus démunis financièrement et culturellement. Relativement à la question du relogement, notre assemblée suggère de s’inspirer des chartes négociées dans les opérations de rénovation urbaine entre les collectivités, les bailleurs, les habitants et les associations pour assurer dans les meilleures conditions possibles d’éventuelles opérations lourdes intervenant dans le cadre du PNRQAD.
Pour une mixité durable
Notre assemblée considère que la principale gageure du PNRQAD sera de réintroduire de la mixité sociale et fonctionnelle dans ces quartiers requalifiés sans pour autant en chasser la population en place ni les activités encore présentes.
Surtout observée dans les centres-villes anciens des grandes villes, la « gentrification » est une sorte d’embourgeoisement de quartiers habités à l’origine par des catégories populaires vieillissantes et/ou délaissées par les pouvoirs publics, et progressivement investis par des populations plus jeunes, plus diplômées, aux statuts socio-économiques plus élevés. Ce phénomène de « gentrification », décrit dès les années 1960 - le mot date de 1963 - et qui se traduit, dans des quartiers présentant un intérêt particulier, par l’appropriation de logements populaires par une partie des classes moyennes, peut parfaitement être créé de toutes pièces par des opérations de requalification urbaine. Cet attrait peut être le fruit d’une rationalité économique, dans la perspective de réaliser une plus-value foncière par le seul fait d’une action publique de grande ampleur. Il peut aussi résulter de motivations plus fines et moins facilement identifiables, tenant aux bénéfices matériels, sociaux ou symboliques que peuvent retirer les arrivants de cette nouvelle localisation. Bien que le phénomène soit complexe, ses effets peuvent néanmoins s’avérer dramatiquement simples, en ayant pour conséquence de chasser de leur quartier les ménages n’ayant plus les ressources financières suffisantes pour y demeurer. C’est contre la perversité de cet effet boule de neige que notre assemblée entend mettre en garde. Provoqué par l’incitation à venir habiter le quartier requalifié, il engendre une suraugmentation du prix de l’immobilier et du montant des loyers, résultant dans un premier temps de la valorisation objective du patrimoine, qui bouleverse à terme l’équilibre social du quartier au détriment de la population qui habitait les lieux avant l’opération.
Les nouvelles populations apportant néanmoins leurs propres ressources sociales et économiques au quartier, leur arrivée ne saurait être stigmatisée pour elle-même. Tout l’enjeu - et il est de taille - consiste en réalité à attirer de nouveaux habitants sans provoquer l’éviction des populations modestes qui l’occupaient jusqu’alors, afin d’atteindre l’objectif d’équilibre de peuplement et de mixité sociale fixé par le projet de loi.
À nouveau, le Conseil économique et social insiste sur la nécessité de disposer d’une bonne visibilité des projets, notamment sur la maîtrise de l’offre. Afin d’apporter de la diversité dans l’habitat, la réalisation de logements intermédiaires en locatif libre ou en accession recueille son assentiment, sous réserve toutefois que cette évolution ne se fasse pas au détriment de la reconstitution de l’offre de logements sociaux, le parc social de fait devant être remplacé par des logements HLM ou des logements privés conventionnés.
Le Conseil note par ailleurs avec satisfaction que le programme national prévoit la réalisation de logements adaptés, mais entend néanmoins formuler deux réserves : l’une, factuelle, pour relever l’imprécision du programme, puisque la production de ces logements adaptés n’est pas distinguée de celle des places d’hébergement ; l’autre, plus fondamentale, pour rappeler, conformément à la position du Conseil économique et social, que les situations de handicap résultent en majeure partie d’une inadaptation de l’environnement et que l’enjeu consiste bien à concevoir des logements naturellement adaptés ou adaptables et non à assigner à résidence les personnes dans l’incapacité d’occuper un logement ordinaire. Il s’étonne en revanche de voir inclure dans la part de logements sociaux la production de places d’hébergement. Pour nécessaires qu’elles soient, les structures d’hébergement ne sont pas de même nature que les logements de droit commun et ne relèvent pas des mêmes financements. Les places d’hébergement n’ont donc pas lieu d’être décomptées du quota de logements sociaux et devraient être présentées séparément dans le chiffrage du programme.
Des dispositions méritent en outre d’être adoptées pour éviter que la restauration du bâti ne se traduise par une augmentation insupportable du taux d’effort des locataires ou des charges des propriétaires occupants. Pour autant, notre assemblée tient à rappeler que cette restauration ne doit pas se faire « au rabais ». Le « raisonnement en coût global », défendu par le Conseil économique et social dans l’avis adopté le 14 décembre 2005 sur le rapport de Mme Cécile Felzines sur Le logement de demain, pour une meilleure qualité de vie, fait apparaître, par l’observation dans la durée de la répartition moyenne des coûts d’un bâtiment, que l’entretien et la maintenance sont des postes prépondérants. L’adoption de normes élevées, si elle pèse sur les investissements initiaux, est porteuse d’économies à long terme pour les usagers du logement. Comme l’a rappelé notre assemblée dans l’avis présenté par Paul de Viguerie en mai 2008 sur le Projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le discours sur le retour sur investissement n’est cependant pas toujours immédiatement recevable, s’agissant notamment du logement social, dans la mesure où le partage entre le propriétaire maître d’ouvrage et le locataire ne fait pas encore l’objet de règles précises. Quant aux éventuels relogements, le défi consiste à les assurer sans proposer des surfaces plus petites à des loyers plus élevés… Sans un maintien ou un élargissement de l’offre accessible, le PNRQAD deviendrait contre-productif en termes de politique du logement et de lutte contre l’exclusion, en particulier avec l’application de la loi DALO à partir du 1er janvier 2009.
À la vérité, les situations locales promettent d’être assez différentes suivant que les opérations seront lourdes et onéreuses ou plus modestes. Dans le premier cas les risques de déplacement des habitants seront plus élevés et le contrôle des processus spéculatifs plus difficile. On peut espérer que la diversité urbaine et sociale des quartiers anciens incitera à des interventions équilibrées.
Un phénomène particulier mérite d’être souligné. Dans certains sites historiques, la pression foncière se renforce, notamment sous l’effet de la fréquentation touristique. Dans ce cas, des parcelles identiques peuvent avoir une rentabilité variant de un à dix suivant que sa destination est résidentielle ou commerciale. Dans de tels contextes, la fonction résidentielle risque de disparaître au profit de la fonction commerciale, plus rémunératrice. C’est pourquoi les projets réussis de transformation d’immeubles de logements en immeubles d’activités tertiaires et artisanales dans un but de mixité urbaine doivent être examinés avec intérêt mais circonspection. La tertiairisation progressive des quartiers rénovés ne saurait être satisfaisante au regard du but recherché. Or, des travaux onéreux de restauration ou de réhabilitation ne pourront être amortis rapidement qu’en les intégrant à une opération de transformation d’usage et de fonction. Le rôle de la collectivité maître d’ouvrage est essentiel pour éviter ces dérives potentielles.
Le Conseil économique et social souscrit évidemment aux grands objectifs de l’article 12 du projet de loi (lutte contre le bâti insalubre et le logement indigne, mixité sociale) mais, compte tenu de la spécificité des quartiers anciens dégradés, il entend insister sur la nécessité du maintien de la population vieillissante par des aides financières et/ou des travaux adaptés afin de préserver la mixité intergénérationnelle de ces territoires urbains.
Au-delà des objectifs d’amélioration du parc de logements et de son adaptation à la demande, notre assemblée souligne en outre que celles-ci ne prennent tout leur sens que dans un environnement offrant une réelle qualité résidentielle. Enfin, elle ne saurait trop plaider en faveur d’une diversification des « produits logements », seule à même de permettre de véritables parcours résidentiels et, partant, une mixité pérenne de la population.
Pour répondre à ces objectifs de maintien des populations modestes dans les quartiers anciens dégradés, une réflexion sur l’adaptation des aides relatives à la production de logements sociaux devrait être engagée, qu’il s’agisse des aides pour les opérations d’acquisition-amélioration ou des bonifications des aides à la pierre envisageables pour favoriser la stabilité des loyers dans les opérations relevant du PNRQAD. À l’instar de ce qui se pratique dans certaines opérations de rénovation urbaine, des prêts PLUS pourraient être conditionnés par l’engagement des maîtres d’ouvrage à proposer des relogements à loyers compatibles avec les revenus des ménages.
Dans le parc locatif à loyers réglementés, la libération de ces derniers pourrait être négociée en lien avec le processus d’amélioration du parc.
Pour maintenir et attirer les propriétaires occupants dans et vers les quartiers anciens, des villes ont parfois pris l’initiative de compléter les subventions versées par l’ANAH par des aides mises en place en partenariat (collectivités territoriales, FEDER, Crédit immobilier de France, Caisse des dépôts et consignations…). Les municipalités, à l’image de Paris, peuvent également offrir des prêts à taux zéro, mais notre assemblée préfère souligner l’effet bénéfique de la mise en œuvre de mécanismes de garantie permettant aux ménages aux revenus modestes d’y avoir accès. Dans le cadre d’une politique volontariste visant à susciter l’accession à la propriété dans les quartiers concernés, il peut même être envisagé de proposer aux nouveaux propriétaires accédants une garantie de rachat sur un laps de temps donné (5 ans, 10 ans…) en cas de défaillance grave. Les conditions d’un tel mécanisme devraient bien entendu être étudiées attentivement.
Dans des opérations de réhabilitation du bâti concernant les copropriétés souffrant d’un déficit important de gestion, d’autres dispositions financières ou techniques (maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux par exemple) peuvent se révéler primordiales, de même que le missionnement d’un syndic social pour les réhabiliter ou les recycler.
Tous ces mécanismes qui ont été mis en place ici ou là prouvent que l’imagination des professionnels peut toujours venir en soutien d’une collectivité décidée à porter politiquement des projets ambitieux et socialement équilibrés de requalification urbaine.
Conclusion
Voici plusieurs années que notre pays est aux prises avec une crise du logement aux dimensions multiples. À la fois quantitative et qualitative, elle oblige l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels les pouvoirs publics, à se mobiliser pour apporter des réponses aux besoins. Notre assemblée veut croire que le projet de loi en préparation sur la « mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » témoigne d’une priorité reconnue par le gouvernement à ce secteur essentiel de l’action publique en faveur de l’intégration et de la cohésion sociales.
Si elle déplore n’avoir pas été saisie de l’intégralité de ce texte, elle souscrit néanmoins à la disposition du seul article soumis à son examen, prévoyant la création d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, concept urbain dont les contours mériteront d’être précisés par des données sociologiques venant compléter l’image présentée par le croisement de données socioéconomiques et de caractéristiques relatives aux conditions d’habitat. Le Conseil économique et social espère toutefois que cette mesure, qui répond à une de ses propositions formulée en janvier dernier, pourra bénéficier des financements envisagés par le ministre du logement et de la ville (11 Mdse sur huit ans avec une programmation envisagée de 2,5 Mdse pour l’État), afin de ne pas décevoir les attentes qui s’expriment en faveur d’un réaménagement urbain de qualité accompagnant la restauration, l’augmentation et la diversification de l’offre de logements au cœur des villes. Pour que ce programme puisse être mené à bien avec le soutien de la société civile, des incertitudes devront néanmoins être levées sur sa gouvernance et ses financements, notre assemblée ayant été dans l’incapacité d’analyser avec précision les modalités d’intervention ni la répartition des rôles entre l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et l’Agence nationale de l’habitat, ni d’obtenir des réponses claires sur la façon dont seront financés les onze milliards d’euros de dépenses à engager.
Voulant croire que cette hypothèque sera prochainement levée, notre assemblée espère que ce programme pourra être rapidement engagé avec toute la pédagogie et l’accompagnement social nécessaires pour emporter l’adhésion des élus et de la population concernés et obtenir leur concours à sa réalisation.
Une politique de l’habitat ne peut donner sa pleine mesure qu’insérée dans une action d’ensemble conduite dans un souci d’aménagement du territoire. En cohérence avec les objectifs ambitieux de développement durable portés par le projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, il convient donc d’agir sur toutes les composantes du tissu urbain et tous les segments du parc de logements pour espérer parvenir à résoudre les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ce n’est pas méconnaître les situations d’urgence constatées dans certains quartiers relevant de la politique de la ville ou certains quartiers anciens en déshérence que de refuser une stricte hiérarchisation des actions publiques. Rien ne serait pire que d’opposer rénovation urbaine, mise en œuvre du droit au logement et requalification des quartiers anciens dégradés. Le succès de chacune de ces politiques dépend de la réussite des deux autres. Elles doivent être articulées, menées de concert et le Conseil économique et social espère que la loi à venir apportera sa pierre à l’édifice commun, concourant, non à la gestion de la pénurie, mais à la production d’une offre nouvelle qui permette à chacun de se loger dignement à prix abordable.
Ambitieux, le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés constitue le volet d’une véritable politique de l’habitat prenant en considération le cadre urbain dans sa complexité, seule voie à emprunter si l’on souhaite, avec quelque chance de succès, réconcilier et réunifier la ville. Notre assemblée s’en réjouit, considérant que l’articulation des approches patrimoniales, économiques, sociales, environnementales et socioculturelles, complémentaires entre elles, est seule à même d’assurer sur le long terme le succès d’une requalification urbaine.
Deuxième partie Déclarations des groupes
Groupe de l’agriculture
Concernant un sujet aussi essentiel, on ne peut que se réjouir de la forte mobilisation des pouvoirs publics face au manque de logements et notamment de logements sociaux, dans un contexte de flambée des coûts de construction. Mais il pourrait être intéressant au préalable de bien vérifier l’application des lois existantes (notamment en termes d’efficacité des dispositifs d’aide) avant de réfléchir à de nouvelles lois correctrices. Si l’inflation législative peut être une marque de l’activité démocratique de notre pays, elle peut aboutir à une trop grande complexité et à un moindre respect des dispositions. Dans cet esprit, clarifier les compétences entre les différentes agences pour une meilleure synergie, ainsi que les dispositifs fiscaux et d’aide financière, à des fins de lisibilité et de cohérence des mesures, semble indispensable, comme le souligne le rapporteur.
Encourager le développement de l’offre par la construction de nouveaux logements sociaux (500 000 prévus entre 2005 et 2009 par le dernier plan) est une des solutions pour pallier ce manque et limiter l’augmentation des prix immobiliers, même si l’extension spatiale des villes peut avoir comme corollaire l’augmentation du prix du foncier et le renforcement des concurrences d’usage entre les espaces, notamment agricoles. N’oublions pas que 60 000 hectares de terres disparaissent chaque année au profit du bâti urbain ou des infrastructures lui étant liées (transport, réseaux), alors que l’augmentation des prix des denrées et la crise alimentaire nous amènent à considérer le foncier comme un facteur stratégique et à réfléchir à des solutions alternatives moins dévoreuses d’espace.
C’est pourquoi le groupe de l’agriculture se félicite du projet de requalification des quartiers anciens dégradés, dans une optique non seulement de mise sur le marché de nouveaux logements mais également dans un souci de salubrité et de sécurité de ces logements. À cet égard, il conviendrait également de se poser la question de la rénovation de l’habitat ancien isolé, moins visible et symbolique que ces quartiers centraux, mais dont l’enjeu en termes d’aménagement du territoire et de vitalité des campagnes est important.
Cette rénovation nécessite non seulement des actions des pouvoirs publics et des financements adaptés, mais également la mobilisation des acteurs privés pour mener à bien ces actions, permettre le relogement des locataires et éviter que l’inflation du foncier et du bâti soit trop importante. Nous devons surtout favoriser l’accession au logement et à la propriété, et veiller à assurer un suivi de l’état du bâti, pour éviter les premières dégradations, prémisses de détériorations bien plus importantes et plus difficilement réparables.
Elle doit aboutir à une meilleure adéquation en termes de types de logement par rapport à la demande, et garantir une meilleure mixité sociale : il ne faut pas que la rénovation mène à l’éviction des locataires les plus modestes, tout comme nous devons éviter la monofonctionnalité et la constitution de quartiers dortoirs, en accompagnant cette rénovation de l’implantation d’équipements de proximité à caractère social, éducatif, associatif, sportif ou culturel. Nous soutenons pleinement la préconisation du rapporteur d’intégrer pleinement cette dimension de mixité sociale à ce programme de rénovation.
Groupe de l’artisanat
En dehors des réserves partagées sur la méthode, le groupe de l’artisanat a tenu à souligner la pertinence de l’analyse mettant en exergue les nombreuses insuffisances du programme de requalification des quartiers anciens dégradés.
Sur le logement : les artisans du bâtiment sont particulièrement satisfaits de voir, une nouvelle fois, les pouvoirs publics se mobiliser pour une cause aussi légitime et essentielle à l’intégration et la cohésion sociales. Pour avoir appelé de ses vœux la mise en place de dispositifs d’action simultanée sur le parc privé et public, le groupe de l’artisanat approuve l’ampleur du budget annoncé et sa concentration sur une centaine de sites. Celle-ci devrait faciliter à la fois l’organisation et l’intervention des artisans, mais également permettre d’agir efficacement sur la performance énergétique d’un parc de logements dégradés qui constitue le plus gros gisement potentiel d’économies d’énergie et concerne le plus souvent des ménages en situation de précarité énergétique, même s’il manque des précisions sur l’origine des fonds, les circuits administratifs et financiers et les modalités pratiques de leur mise en œuvre. Au regard de la diversité des situations territoriales en matière de qualité du bâti et de structuration de l’offre de logement, la définition d’une centaine de sites s’avère plus complexe que prévue d’autant qu’elle ne semble pas vraiment intégrer les deux autres volets de ce programme que sont la requalification et l’accompagnement social.
Sur la gouvernance : le mode opératoire de l’ANRU avec une centralisation des financements et un dispositif de « guichet unique » mérite attention à condition toutefois de préciser l’articulation de ce guichet avec les autres parties prenantes à savoir : l’ANAH, le 1 % logement et les collectivités locales. Au-delà d’une clarification de leurs missions, il faut surtout disposer d’éléments sur la nature des projets, le niveau de leurs financements et exiger la consultation des partenaires sociaux avant toute décision d’utilisation du 1 % logement. Par contre la création de fonds locaux de réhabilitation est très attendue par les artisans, car elle devrait régler le problème de financement des acomptes aux entreprises et permettre aux ménages à revenus modestes d’amorcer les travaux d’amélioration de leurs logements, participant ainsi à l’objectif national de performance énergétique. Il faut espérer que ce dispositif fonctionne pour le voir se démultiplier dans le plus grand nombre de collectivités territoriales…
Sur la requalification des quartiers : l’artisanat approuve l’ambition de ce programme de traiter à la fois le réaménagement global des espaces, l’amélioration de l’offre d’équipements publics et d’activités indispensables au lien social même s’il déplore là encore l’absence de précisions sur le montant et la répartition des financements accordés à ces différents objectifs.
Aux contradictions identifiées dans cet avis, entre certaines dispositions de ce programme et le projet en cours de la loi de modernisation de l’économie en matière de maintien et/ou développement des activités, viennent s’ajouter des interrogations sur leur articulation avec le plan d’actions lancé par le ministère en charge de l’Économie le 10 juin dernier.
Compte tenu du chevauchement des mesures, il faudrait là aussi préciser le ou les textes prioritaires ; le rôle de l’EPARECA et du FISAC et, par ailleurs, l’importance à accorder au renforcement de la complémentarité des actions de l’ANRU et de l’EPARECA au travers de la mise en commun de leurs compétences et expertises au moment de la saisine mutuelle sur le diagnostic d’opportunité.
Le groupe de l’artisanat a voté l’avis.
Groupe des associations
C’est, à nouveau, dans des délais beaucoup trop courts que notre assemblée a été saisie sur l’article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion portant sur la création d’un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés.
Aussi, le groupe des associations tient-il en premier lieu à féliciter le rapporteur pour sa célérité mais il déplore les conditions de l’exercice et regrette de n’avoir à se prononcer que sur un seul article.
Il convient toutefois de se féliciter de voir dans le texte de loi une prise en compte de notre avis Réunifier et réconcilier la ville, constat et propositions adopté le 9 janvier dernier même si l’objectif du gouvernement est moins ambitieux.
La proposition de requalifier des quartiers anciens dégradés est, à travers les huit actions de ce programme, un élément de la nécessaire rénovation urbaine pour surmonter la crise du logement, en aménageant le territoire dans un souci de développement durable tant pour les habitations que les habitants.
Le groupe des associations insiste sur la dimension humaine d’un tel programme. Comme le souligne le rapporteur, le rôle des associations locales est essentiel pour que la population soit partie prenante dans les analyses et réflexions qui mèneront aux décisions.
Des exemples existent déjà où l’effet d’aubaine a vu des quartiers urbains rénovés au bénéfice d’une population bien différente de celle qui a été déplacée faute de ressources suffisantes.
La requalification ne peut se faire que dans une mixité durable comme le souligne le projet d’avis. Mais la requalification doit aussi être synonyme de restructuration, certes avec l’aménagement des espaces et des équipements publics de proximité et avec la réorganisation ou la création d’activités économiques et commerciales comme le dit la loi, mais aussi en prenant en compte les activités sociales, tels les loisirs actifs dans les domaines culturel ou sportif, comme le propose notre avis précédemment cité, pour réconcilier la ville et non pas seulement pour la réunifier.
À défaut de pouvoir se prononcer en connaissance de cause sur la gouvernance du programme ainsi que sur ses modalités d’intervention, le projet d’avis souligne l’importance de bien articuler les approches patrimoniales, économiques, sociales, environnementales et socioculturelles. Le groupe des associations remercie le rapporteur pour avoir émis, malgré un périmètre trop étroit, des propositions essentielles et il a voté l’avis.
Groupe de la CFDT
Cet avis en dépit d’une sollicitation dans l’urgence, sans communication du texte de loi, est en cohérence avec les travaux récents du Conseil économique et social.
Pour la CFDT, les choix politiques concernant précisément les quartiers anciens dégradés doivent au-delà d’une offre améliorée de logements, répondre à deux exigences :
- l’engagement d’une remise aux normes notamment thermiques conforme aux priorités défini par le Grenelle de l’environnement ;
- l’objectif de mixité sociale dans ces quartiers de centre-ville.Une réhabilitation conforme aux exigences de développement durable :
La complexité d’un bâti souvent parcellisé, fortement dégradé et situé dans des zones parfois difficilement accessibles rend les travaux nécessaires complexes et de ce fait plus coûteux. Pour autant les arbitrages budgétaires inévitables ne devront pas conduire à sous estimer ou négliger les exigences techniques pour faire de ces logements réhabilités des exemples de bonnes pratiques en terme d’économie d’énergie et de réduction de gaz à effet de serre. Le projet de loi prévoit une centaine de sites retenus après un appel à projets auprès des collectivités locales. Pour la CFDT, il nous semble important de porter une attention particulière aux cahiers des charges de ces projets en termes d’engagement environnemental, quitte, à enveloppe constante, à retenir moins de projets au départ. L’État doit être crédible dans les choix annoncés suite au Grenelle de l’environnement et cet affichage ainsi que les réalisations qui suivront, feront œuvre de pédagogie autant pour les collectivités territoriales que pour le parc privé et ses propriétaires.
La deuxième exigence pour la CFDT, répond à l’urgence de « réunifier la ville » pour reprendre le titre d’un récent avis !
Ces quartiers anciens dégradés sont aujourd’hui souvent des îlots de pauvreté au milieu de quartiers résidentiels. Il y vit une population démunie, repliée sur elle-même mais qui grâce à la proximité des services inhérente à la situation en centre-ville, survit tant bien que mal. La réhabilitation de ces quartiers passera inévitablement par le déplacement momentané de leurs habitants. Le cahier des charges des projets ne doit pas négliger l’accompagnement social lourd, inévitable, mais doit aussi impérativement prévoir en priorité leur retour et leur relogement. L’offre de logements, de services et la création d’espaces de vie commune devront être pensées pour ouvrir la possibilité à d’autres types de ménages, familles, jeunes, personnes âgées, de s’installer dans ces quartiers.
La flambée des prix de l’énergie qui semble être aujourd’hui une tendance lourde, va conduire à une redensification des villes. Cette politique en faveur des quartiers anciens dégradés doit s’inscrire dans cette perspective et donner un signe pour une meilleure mixité dans l’habitat. Le chapitre du projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis s’inscrit dans des contraintes paradoxales : réhabiliter des logements en augmentant notablement l’offre de logements sociaux dans un contexte budgétaire restrictif tout en maîtrisant les loyers. Soyons cohérents et réalistes et évitons la politique de saupoudrage qui a prévalu dans nombre de choix d’aménagements territoriaux.
Pour conclure, si l’urgence s’impose dans nombre de quartiers de centre-ville très dégradés, la CFDT s’interroge sur la nécessité d’une nouvelle loi quand des lois et des outils déjà à la disposition des pouvoirs publics ne sont pas appliqués. La CFDT s’inquiète de l’utilisation des fonds du 1 % logement pour le financement de ce plan et demande instamment que les modalités et les montants de la participation de ce dispositif particulier soient fixés dans le cadre de la négociation en cours entre les partenaires sociaux. La loi doit respecter la négociation et confirmer la pérennité de cet outil qui a fait ses preuves et apporté une véritable plus value sociale.
La CFDT a voté l’avis.
Groupe de la CFE-CGC
Le groupe de la CFE-CGC déplore que le Conseil économique et social n’ait pas été saisi de l’intégralité du projet de loi. Détacher cet article de son contexte, sans pouvoir examiner la portée qu’il pourrait avoir avec l’ensemble du texte, est regrettable. La politique du logement est un tout, elle ne trouve sa cohérence que dans une action d’ensemble.
L’objectif de ce projet de loi est de mobiliser un maximum de moyens sur les situations les plus fragiles d’un habitat déjà indigne et de proposer des solutions afin de résorber ces abcès, par une action volontaire et forte de l’État comme des collectivités territoriales.
Le groupe de la CFE-CGC souscrit aux objectifs de ce projet de loi. Les quartiers anciens dégradés concentrent beaucoup de logements privés en très mauvais état, dont les loyers sont modestes. C’est donc là que nous y croisons les ménages les plus fragiles.
Le groupe de la CFE-CGC partage également l’objectif de mixité sociale et de développement durable qu’il s’assigne. Les habitants de ces quartiers anciens dégradés doivent avoir accès aux services publics. Lorsqu’ils sont situés en centres-villes, ils sont le plus souvent accessibles. En revanche, lorsqu’ils se situent en périphérie et sont mal desservis par les transports, la discrimination est plus vive.
La requalification des quartiers anciens constitue donc un véritable enjeu social comme de société ! Lors de l’examen du projet d’avis de Monsieur Gérard Le Gall, il a été déjà souligné que les difficultés résidaient dans le fait de mener simultanément plusieurs types d’opérations qui vont de la construction à l’aménagement et à la réhabilitation. Il faut aussi s’adapter à des géographies et des modes de vie différents. La difficulté réside donc dans la capacité à réhabiliter, sans faire fuir ni la population résidante, ni les activités encore présentes.
Chaque projet doit prévoir les dispositions d’accompagnement par une articulation cohérente entre projet urbain et projet social. Il est nécessaire d’associer les habitants à la définition et à la gestion quotidienne des opérations qui se mettent en place. Une attention toute particulière doit être accordée aux relogements. Il faut maintenir la population vieillissante par des aides financières afin de préserver la mixité intergénérationnelle.
Il faut agir sur le logement intermédiaire. Ce secteur représente le patrimoine moderne du mouvement HLM, et sur le plan social, il répond à un besoin croissant de l’encadrement.
Près d’une centaine de sites seraient retenus. Le groupe de la CFE-CGC souhaiterait que cette politique s’inscrive en complémentarité avec une politique globale du secteur privé sur d’autres territoires.
Enfin, s’agissant du financement par l’État, les éléments proposés manquent de lisibilité. La part la plus importante est consacrée au recyclage foncier, au relogement, à l’accompagnement social et à l’ingénierie.
Le projet de loi ne contient pas de moyens financiers suffisants au regard du programme proposé. Seul l’exposé des motifs fournit à titre indicatif l’évaluation d’un apport de l’État de 2,5 milliards d’euros, avec un financement équivalent de la part des collectivités locales, pour porter l’enveloppe globale prévisible à 5 milliards d’euros. À ce propos, le groupe de la CFE-CGC rappelle son opposition à la captation par les pouvoirs publics du 1 % logement. Dans le même esprit, il s’interroge pour savoir si l’ouverture du livret A à l’ensemble du système bancaire, s’assortira des mêmes obligations en matière de constructions de logements sociaux ? Il y a là une réelle source de financement.
Le groupe de la CFE-CGC a voté l’avis.
Groupe de la CFTC
Monsieur le rapporteur a répondu d’une manière étonnamment précise et exhaustive aux questions que le groupe de la CFTC posait ici même, le 9 janvier dernier à propos du rapport Réunifier et réconcilier la ville : Constat et propositions :
D’abord, nous citions le « Statut du travailleur » de notre syndicat qui affirmait, en novembre 2006 qu’« aménager la cité, c’est organiser dans un même lieu la place de chacun et non juxtaposer des espaces isolés ».
Nous ajoutions ensuite : « Nous constatons que ce qui man que le plus, outre les moyens financiers, c’est l’information. C’est par défaut d’information que des travaux sont menés sans souci du chauffage, de l’isolation phonique, de l’accessibilité pour les personnes handicapées ».
Et nous rappelions que M. Borloo annonçait, en présentant le 1er août 2003, la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, fondatrice de l’ANRU, « le plus grand projet de reconstruction réalisé depuis la dernière guerre ».
Il ne faudrait pas oublier les centres anciens de beaucoup de nos villes.
Il y a toujours un danger à choisir des zones, des populations, des catégories : danger de stigmatisation d’une part, danger de laisser des secteurs négligés se dégrader d’autre part.
Le rapporteur, a su prendre la suite du rapport de M. Gérard Le Gall Réunifier et réconcilier la ville : constat et propositions et proposer un véritable plan de modernisation du parc ancien. Il faut, en effet, éviter la perte de milliers de logements en locatif ou en accession à la propriété, et ne pas prendre le risque d’un parc privé orienté soit vers le haut de gamme, soit vers l’habitat indécent.
Le groupe de la CFTC est sensible aux efforts de mixité sociale, il estime que dans les quartiers anciens souvent en mauvais état, une politique de la ville volontariste permet de conserver ou de recréer cette mixité qui, ailleurs, semble nous échapper de plus en plus. Nous avons apprécié les mesures préconisées pour rendre concret le Grenelle de l’environnement et promouvoir un développement durable des quartiers. Il ne faudrait pas qu’une politique trop précipitée épuise les ressources d’hier et d’aujourd’hui et entame l’avenir. Il l’a été compris, par exemple, à propos du conventionnement limité dans le temps de certains logements réhabilités avec de l’argent public.
Enfin, le rapporteur n’a pas oublié qu’un quartier vivant, ce ne sont pas que des habitants côte à côte, ce sont aussi des commerces, des artisans, des services publics. Il a ouvert des pistes pour leur relance et pour leur maintien. Il nous reste à espérer que les aides financières, qui entourent les premières années, ne seront pas suivies de faillites et de désertification.
Son travail, nous apporte beaucoup et nous espérons qu’il sera rapidement mis en pratique : le coût grandissant des transports, la dégradation de la qualité de vie quand les salariés doivent s’éloigner considérablement de leur lieu de travail, la nécessité de faire sortir de la vacance ou de l’indécence des logements anciens, appellent l’application de ses mesures. C’est pourquoi notre groupe a émis un vote positif sur cet avis.
Groupe de la CGT
C’est parce que « la ville ne fait plus société » que la requalification des quartiers anciens dégradés doit s’inscrire dans un plan d’ensemble de mobilisation pour le logement avec l’objectif d’une véritable mixité sociale. Aussi aurions nous souhaité nous prononcer sur l’intégralité du projet de loi.
L’avis pointe à juste titre l’opacité qui demeure en matière de financement du programme, aussi bien sur les montants que sur l’origine des fonds : 11 milliards, 6 milliards, 5 milliards… Quelle part pour les ressources budgétaires nouvelles ? Nous voulons particulièrement insister sur l’impérieuse nécessité de ne pas « déshabiller Pierre pour habiller Paul » : le 1 % logement, produit d’une cotisation et donc véritable salaire socialisé ne peut être davantage ponctionné ; il l’est déjà pour alimenter l’ANRU ainsi qu’à travers de multiples conventions, alors même que les partenaires sociaux discutent d’un accord pour son utilisation et son avenir.
Il est demandé aux communes d’assurer 50 % des financements : les plus pauvres dotées de quartiers anciens très dégradés ne seraient ainsi plus éligibles au programme, ce qui accentuerait encore la ségrégation urbaine : il est donc indispensable de moduler la part de financement des communes en fonction de leur capacité financière et fiscale.
L’avis relève les incertitudes en matière de gouvernance et nous les partageons. Nous sommes d’accord pour faire de l’ANRU le pilote aux côtés des collectivités locales. Mais comment éviter l’empilement des dispositifs : les OPAH-RU vont disparaître mais quid des conventions en cours de négociation ? Quelle place pour l’ANAH aux côtés de l’ANRU, comment conjuguer leurs compétences ? Le modus opérandi est décisif dans la réussite d’un plan, on s’en rend bien compte aujourd’hui avec l’application de la loi Dalo où les blocages administratifs, les lenteurs et l’insuffisance d’information sur les procédures font peu progresser le droit au logement décent.
Il est essentiel pour la CGT de tout mettre en œuvre pour empêcher les phénomènes de « gentrification » que la requalification des centres villes a déjà favorisés et que le programme envisagé peut accélérer. En effet, l’objectif de mixité sociale ne peut être atteint si on ne se donne pas les moyens de contrarier les logiques de marché à l’œuvre qui conduisent à exclure de ces quartiers les personnes des classes populaires, les personnes âgées aux revenus modestes et les familles monoparentales au profit de la frange supérieure des classes moyennes mais aussi au profit des classes aisées. Il faut donc que la puissance publique impose réellement les 20 % de logements sociaux, agisse pour un plafonnement des loyers ; la fiscalité sur les plus values immobilières et foncières doit être non seulement adaptée, mais renforcée pour réduire les effets d’aubaine et d’enrichissement individuel sur le dos d’un programme public qui investit, lui, les efforts et les ressources de la collectivité au nom de l’intérêt général.
Enfin, l’accompagnement économique et social et l’aménagement des équipements publics de proximité sont la clef de la revitalisation urbaine. Le développement de l’activité et de l’emploi, des services publics de qualité, une vie associative revitalisée, des équipements sanitaires et sociaux, sont au cœur du vivre ensemble. Il faut sortir des logiques d’isolement pour récréer du lien social. Le groupe CGT est satisfait de la place faite dans l’avis aux équipements culturels à même de contribuer à lutter contre la fracture culturelle.
Quant à la dimension environnementale de la rénovation des quartiers, la CGT aurait souhaité qu’elle soit davantage prise en compte en conformité avec le Grenelle de l’environnement.
Le groupe de la CGT a adopté l’avis.
Groupe de la CGT-FO
Le groupe FO a eu déjà, concernant certaines autres saisines gouvernementales, trop souvent l’occasion de regretter les délais imposés. Dans celle-ci, la limite de l’exercice a été atteinte et le groupe FO salue la performance du rapporteur.
Mais ce n’est pas qu’en termes de délais que le groupe Force ouvrière souhaite faire connaître son avis.
Au-delà de l’intérêt que revêt incontestablement ce programme de requalification des quartiers anciens dégradés, la méthode qui consiste à examiner un article issu d’un projet de loi dont on ne connaît préalablement même pas le « squelette » est curieuse, voire inquiétante.
Certes, la crise du logement mérite attention et initiatives particulières, et Madame la ministre a exprimé sa volonté en ce domaine, mais autant de précipitation peut conduire à nombre d’interrogations.
Comment ne pas imaginer que la précipitation à présenter le projet de loi en Conseil des ministres le 28 juillet, date impérative pour inscription à la session parlementaire d’automne, pourrait relever d’une éventuelle volonté de budgétisation de tout ou partie du 1 % logement ?
En ce domaine le groupe Force ouvrière se félicite que l’avis, soulignant les incertitudes de financement de ce programme, rappelle les règles fondamentales d’utilisation du 1 % logement.
Le groupe FO n’est pas le seul, à l’évidence, à craindre dans cette période de fortes contraintes de la dépense publique, qu’une partie toujours plus importante du 1 % logement ne serve de variable d’ajustement budgétaire et nous soutenons avec force que toute participation de ces fonds sociaux, dans ce programme, doit être conditionnée à un accord entre l’État et les partenaires sociaux.
Pour Force ouvrière, l’intervention du 1 % logement dans ce programme ne peut se concevoir qu’en termes de complément et sûrement pas en compensation d’un éventuel désengagement de l’État.
Par ailleurs, le rapporteur a raison de souligner que les dispositions financières prévues impliquent fortement les collectivités territoriales porteuses de projets risquant ainsi de réduire à néant nombre d’idées intéressantes.
Ces quartiers anciens dégradés ont été, en leur temps, particulièrement vivants et dynamiques sur le plan économique.
Leur requalification passe impérativement par une redynamisation économique, à la fois par l’implantation d’activités commerciales, artisanales et de services mais aussi par l’implantation ou la réimplantation des services publics.
Le rapporteur n’a pas oublié de traiter de l’indispensable accompagnement social des populations particulièrement fragilisées de ces quartiers anciens et ce n’est pas le moindre intérêt de l’avis.
Pour Force ouvrière et sous les réserves financières évidentes, le programme de requalification des quartiers anciens dégradés peut être considéré comme une initiative positive dans le cadre de la crise du logement.
Le groupe Force ouvrière a voté l’avis.
Groupe des entreprises privées
Le groupe des entreprises privées félicite le rapporteur, les membres de la section, ainsi que ses administrateurs et son président, pour avoir si bien travaillé, dans un délai si court. Le groupe des entreprises privées a voté l’avis.
Groupe des entreprises publiques
Le groupe des entreprises publiques se réjouit de la prise en compte dans le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, des dispositions spécifiques à la requalification des quartiers anciens dégradés.
Ces mesures font écho à la proposition que notre assemblée avait émise sur ce sujet, il y a quelques mois. Elles en confirment la pertinence en réponse à la crise du logement et au besoin de mise en cohérence des politiques urbaines.
Celles-ci, et en particulier celle qui concerne l’habitat, méritent d’être conduites avec un souci d’aménagement équilibré du territoire et avec l’objectif de développement durable porté par les travaux du récent Grenelle de l’environnement.
Aussi, en l’absence d’une saisine du CES sur la totalité du projet de loi, nous nous limiterons à recommander que le projet de texte relatif aux quartiers dégradés s’inscrive bien dans une démarche globale en faveur de l’intégration et de la cohésion sociale.
Si le principe d’identification d’un nombre limité de sites et leur sélection par une commission ad hoc apparaissent comme des orientations positives, on peut souhaiter que les modalités de leur choix s’appuient, plus qu’il ne semble être prévu, sur des critères socioculturels et socio-économiques.
De même, l’implication des collectivités territoriales, comme force de propositions et de financement permet de garantir une synergie des moyens et une opportunité d’adaptation territoriale du programme national.
En revanche, la complexité des projets, l’association nécessaire des populations à leur élaboration, leur explicitation préalable et l’attention particulière qui doit être portée au relogement nous conduisent à proposer une ingénierie et un pilotage conséquents à l’instar des dispositions prises pour les opérations de renouvellement urbain.
L’ambition affichée par ce projet mérite d’être soulignée. La diversité des financements qu’il doit mobiliser invite à une gouvernance resserrée selon la logique qui a fait ses preuves pour le PNRU (Programme national de rénovation urbaine). Elle doit aussi permettre de conjuguer les compétences de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) et de l’ANAH (Agence nationale de l’habitat), veiller à mobiliser l’ensemble des acteurs, notamment associatifs, encourager l’initiative privée et fixer des règles de cofinancement qui tiennent compte de la disparité des ressources locales.
Ce programme est aussi l’occasion de relancer la recherche de la mixité :
• Fonctionnelle grâce à l’implantation d’activités diverses, au soutien des commerces et de l’artisanat, au renforcement de la présence des services publics ;
• Sociale notamment par l’aide à l’accession à la propriété, la prise en compte des situations de handicap et la mixité intergénérationnelle.
Le groupe des entreprises publiques a voté l’avis.
Groupe de l’Outre-mer
Le travail circonstancié du rapporteur met en lumière les actions s’inscrivant dans le PNRQAD ainsi que les améliorations qui restent à apporter. Le PNRQAD, étant une initiative des pouvoirs publics, semble répondre à une partie des attentes des populations résidant dans les quartiers anciens et dégradés. L’écho favorable reçu par les OPAHRU en témoigne, dans la mesure où l’on constate que les collectivités porteuses de projets atteignent plus facilement leurs objectifs.
L’ampleur de la tâche a nécessité la mise en place d’un certain nombre d’opérations, de dispositifs ou d’agences. Force est de constater que la multiplication de ces derniers (avec leur sigle respectif) a eu pour effet de rendre le processus d’intervention plus opaque. C’est en réponse à cette tendance constatée depuis plusieurs années que l’ANRU a été créée avec sa « logique de guichet unique ». Nous ne saurions qu’apprécier, et favoriser toutes les démarches qui s’inscriraient dans ce dernier principe. En effet, une meilleure redéfinition des rôles, ainsi que des missions des différents acteurs aura pour effet d’offrir une plus grande lisibilité quant aux opérations de requalifications.
L’adoption de cette logique de guichet unique serait profitable à toutes les collectivités et notamment celles d’outre mer. Il n’est pas rare d’y trouver des actions avortées à cause de la non-coordination des différents dispositifs en place, il arrive parfois à l’instar de l’exemple cité dans le présent avis que des reliquats ne soient pas utilisés à temps du fait de la multiplicité d’intermédiaires.
Loin d’une mise en concurrence, c’est la coordination des acteurs et la complémentarité des outils qui seront efficaces comme le souligne très justement l’avis.
L’inscription des actions du PNRQAD dans une logique globale urbaine, implique une prise en compte des différents paramètres d’un territoire et elle implique, également en matière de cofinancement d’actions, une prise en compte au cas par cas des moyens financiers de chaque collectivité et ce dans un souci d’équité.
Concernant la redynamisation économique et commerciale des quartiers, le groupe insiste sur le fait qu’il conviendrait d’explorer d’autres champs tels que le volet culturel afin de favoriser la mixité dans les quartiers.
Le groupe a voté l’avis.
Groupe des personnalités qualifiées
M. Le Gall : « je tiens à mon tour à féliciter le rapporteur d’avoir assumé avec aisance et efficacité une rude mission dans des conditions exceptionnelles. Je serai bref et formulerai simplement quelques remarques.
Tout d’abord, je voudrais me féliciter de la reprise, à travers l’article 12 du projet de loi, d’un avis formulé dans notre assemblée en janvier 2008. C’est une reconnaissance de notre assemblée.
Ensuite, je me réjouis encore de voir désormais l’habitude prise de penser et d’agir en matière de politique de la ville comme une totalité sans nier ou opposer les quartiers anciens dégradés aux quartiers sensibles. Même si, personnellement, je pense qu’il y a une urgence particulière dans les quartiers sensibles, mais le principe d’unité et de globalité doit être assumé.
Je retiendrai encore la ferme volonté, à travers la requalification des quartiers anciens dégradés, de promouvoir ou de préserver la mixité sociale en tournant le dos à la discrimination sociospatiale si fréquente dans les développements urbains dans notre pays depuis une vingtaine d’années.
Enfin, je souhaite que le législateur nous lise, avec une particulière attention, et soit vigilant à l’usage de l’argent public en évitant la formation d’une spéculation à l’issue du processus de requalification des quartiers, immédiatement, sans doute pas, mais quelques années après, possiblement.
Enfin, l’analyse de l’article 12 du projet de loi nous montre l’urgence, nous l’avions déjà souligné en janvier, d’une réflexion sur la gouvernance de la politique de la ville et d’une spécification des fonctions de telle ou telle instance. Nous avions fait, en son temps, des propositions de réformes et de changements, qui, pour l’instant, sur ce point, n’ont pas eu l’écoute du gouvernement, mais il m’est dit que cela va venir. Il va de soi que je vote chaleureusement ce projet ».
Groupe des professions libérales
Si les projecteurs se sont d’abord braqués, à juste titre, sur les zones sensibles que l’on voudrait urbaines, que l’on a peiné à rendre urbaines, il est des douleurs plus discrètes dans les centres anciens où les conditions de vie dégradées chassent les habitants et leurs activités ou bien les maintiennent sur place dans des conditions inacceptables, parfois indignes.
Nous nous félicitons qu’un Article 12 de la loi s’attache à corriger cette injustice et nous en approuvons les grandes orientations.
Là encore, là surtout, il va falloir de l’argent, beaucoup d’argent, et votre analyse à cet égard est suffisamment fine et pertinente pour que nous n’insistions pas.
Nous rappellerons, s’il en est besoin, que lorsque la cause est grande, ce n’est pas le financement qui fait le projet, mais le projet qui détermine le niveau d’investissement et le programme qui en hiérarchise les priorités.
Tout doit passer d’abord par un diagnostic spécifique à chaque quartier étudié pour maintenir ou réintroduire une population diversifiée, une indispensable mixité sociale. Parmi ces priorités - le rapport le souligne - pour faire battre à nouveau le cœur des quartiers, il faut redynamiser les activités économiques et commerciales. Il faut réimplanter les services publics et privés de proximité. Il faut en un mot redonner de la vie à la ville.
À cet égard, nous remercions le rapporteur d’avoir corrigé un oubli récurrent, une bien détestable habitude, qui consiste à oublier le service des professionnels libéraux. S’il est important d’aider à l’installation de la supérette au pied d’immeuble pourquoi faudrait-il traverser la ville pour aller chez le pédiatre, chez le dentiste ou pour consulter un avocat. Chaque jour, 650 000 professionnels libéraux soignent, conseillent ou défendent 5 millions de leurs concitoyens. Pourquoi pas dans ces quartiers-là ! Pour ces professionnels, comme pour les autres, des aides ciblées sont nécessaires pour faciliter l’installation de leur activité.
Nous partageons la priorité inscrite dans le projet de loi en matière de mixité sociale qui consiste à reloger et accompagner les ménages en privilégiant leur maintien après requalification du quartier. La coordination des bailleurs, habitants et associations doit être assurée dans les meilleures conditions.
Dans la perspective d’une mixité durable, l’avis insiste sur la nécessité de disposer d’une bonne visibilité des projets en matière de maîtrise de l’offre. La diversité dans l’habitat doit passer aussi par la réalisation de logements intermédiaires. Quant à la restauration du bâti, l’approche du coût global doit être retenue et les règles de partage du surcoût entre propriétaires et locataires doivent respecter les contraintes de taille des logements et les contraintes environnementales.
En conclusion, requalifier les quartiers anciens dégradés ne signifie pas standardiser les quartiers de la ville. Il faut leur laisser leur propre caractère. Car derrière chaque quartier, il y a des habitants. La prise en compte de « l’humain » est essentielle et doit prévaloir à la seule démarche économique. Une grande partie de l’avis a pris en considération cette dimension « humaniste », c’est pourquoi le groupe des professions libérales a voté l’avis.
Groupe de l’UNAF
Le groupe de l’UNAF se félicite du travail réalisé, après saisine gouvernementale, sur un sujet aussi important pour les familles habitant dans ces quartiers et souvent en grande difficulté. Il regrette la précipitation et l’improvisation de la saisine. Par ailleurs, le fait de n’avoir pu avoir connaissance du projet de loi dans sa globalité et dans sa rédaction finale a rendu très difficile la rédaction d’un avis approfondi sur les différentes dimensions du sujet.
Malgré cela, le groupe de l’UNAF estime que l’avis a mis en exergue les principaux éléments qui doivent être pris en compte dans la mise en œuvre d’un tel projet. Le groupe de l’UNAF, approuvant par ailleurs les observations faites sur le programme proposé, veut insister sur trois aspects.
En effet, le maintien ou le renouveau d’une véritable mixité sociale est subordonnée à trois conditions :
- le relogement ;
- les services ;
- l’accompagnement des familles.
L’avis met en relief à juste titre la nécessité d’une politique qui prenne en compte ces trois dimensions dès la conception des programmes de requalification des quartiers anciens dégradés.
Pour cela, le groupe de l’UNAF souligne les préalables suivants.
Ces interventions nécessitent, pour être efficaces, d’être conçues et mises en œuvre dans la durée, car elles sont constitutives de toute initiative en la matière.
Elles doivent impliquer l’ensemble des acteurs, et s’enraciner dans une politique contractuelle entre tous les acteurs locaux : collectivités, organisations familiales et associatives, partenaires sociaux, monde économique.
Si l’État peut être le fédérateur des différentes actions engagées dans ces trois aspects des politiques de requalification, il convient de raisonner en termes de coût global et de prévoir en conséquence leur financement et sa répartition dans la programmation envisagée. Or, sur ce point, il est manifeste que le texte de l’article 12 dont le Conseil économique et social a été saisi, manque de précision et de clarté.
Le groupe de l’UNAF approuve les termes de l’avis quand il insiste sur la nécessité d’une large concertation avec les populations et les familles directement concernées. Il ne s’agit pas là d’en rester à une simple information ou à une concertation formelle, mais de mettre en place dès le début de la conception des opérations, quartier par quartier, une véritable instance de suivi et de dialogue avec les représentants de tous les acteurs locaux.
À cet égard, il demande à ce que les Unions départementales d’associations familiales, et les associations familiales présentes soient associées au plus près à ce type d’opération.
Annexes
ANNEXE À L’AVIS
Scrutin
Scrutin sur l’ensemble du projet d’avis
Nombre de votants182
Ont voté pour177
Se sont abstenus5
Le Conseil économique et social a adopté.
Ont voté pour :
Groupe de l’agriculture - MM. Aussat, Barrau, Bastian, Baucherel, Bayard, de Beaumesnil, de Benoist, Boisson, Cazaubon, Mme Cornier, MM. Ducroquet, Giroud, Guyau, Mme Lambert, MM. Lemétayer, Lépine, Marteau, Pelhate, Pinta, Sander, Vasseur.
Groupe de l’artisanat - MM. Alméras, Dréano, Duplat, Griset, Lardin, Liébus, Martin, Paillasson, Pérez, Perrin.
Groupe des associations - Mme Arnoult-Brill, MM. Da Costa, Leclercq, Pascal, Roirant.
Groupe de la CFDT - Mmes Azéma, Boutrand, Collinet, M. Jamme, Mme Lasnier, MM. Le Clézio, Legrain, Mme Nicolle, M. Quintreau, Mmes Rived, Tsao, MM. Vandeweeghe, Vérollet.
Groupe de la CFE-CGC - Mme Dumont, MM. Garnier, Labrune, Saubert, Mme Viguier, M. Walter.
Groupe de la CFTC - MM. Coquillion, Fazilleau, Louis, Mme Simon, MM. Vivier.
Groupe de la CGT - Mmes Bressol, Chay, Crosemarie, M. Delmas, Mme Doneddu, M. Durand, Mme Geng, MM. Larose, Mansouri-Guilani, Michel, Muller, Rozet.
Groupe de la CGT-FO - MM. Bécuwe, Bilquez, Bouchet, Mme Boutaric, MM. Daudigny, Devy, Hotte, Mazuir, Noguès, Mme Pungier, MM. Rathonie, Reynaud, Veyrier.
Groupe de la coopération - MM. Dezellus, Fritsch, Grallet, Lenancker, Thibous, Verdier, Zehr.
Groupe des entreprises privées - Mme Bel, Clément, MM. Creyssel, Daguin, Mme Felzines, MM. Gardin, Gautier-Sauvagnac, Ghigonis, Gorse, Jamet, Lebrun, Lemor, Marcon, Mariotti, Mongereau, Pellat-Finet, Placet, Roubaud, Salto, Schilansky, Simon, Talmier, Tardy, Veysset.
Groupe des entreprises publiques - MM. Ailleret, Blanchard-Dignac, Brunel, Chertier, Duport, Mme Duthilleul.
Groupe des Français établis hors de France, de l’épargne et du logement - Mme Bourven, MM. Cariot, Clave, Feltz.
Groupe de la mutualité - MM. Caniard, Davant, Ronat.
Groupe de l’Outre-mer - M. Fuentes, Mme Moustoifa, MM. Omarjee, Osénat, Paoletti, Penchard, Radjou.
Groupe des personnalités qualifiées - MM. d’Aboville, Aillagon, Aurelli, Baggioni, Mme Benatsou, MM. Boisgontier, Cartier, Decagny, Dechartre, Mmes Dieulangard, Douvin, MM. Duharcourt, Figeac, Gentilini, Geveaux, Mme Grard, MM. de La Loyère, Le Gall, Mandinaud, Masanet, Massoni, Pasty, Plasait,. Roulleau, Roussin, Steg, Sylla, Mme Tjibaou, M. Vigier.
Groupe des professions libérales - MM. Maffioli, Mme Socquet-Clerc Lafont, M. Vaconsin.
Groupe de l’UNAF - Mme Basset, MM. Brin, Damien, Édouard, Fresse, Guimet, Mmes Lebatard, Therry, M. de Viguerie.
Se sont abstenus : 5
Groupe de l’agriculture - M. Rougier.
Groupe des personnalités qualifiées - M. Cannac.
Groupe de l’UNSA - MM. Duron, Martin-Chauffier, Olive.
DOCUMENT ANNEXE
Exposé des motifs et texte de l’article 12 du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion
Table des sigles
ANAH Agence nationale de l’habitat
ANRU Agence nationale pour la rénovation urbaine
CUCS Contrat urbain de cohésion sociale
DAEI Direction des affaires économiques et internationales
DALO Droit au logement opposable
DCASPL Direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales
DGUHC Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction
EPARECA Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux
EPCI Établissements publics de coopération intercommunale
FEDER Fonds européen de développement régional
FISAC Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce
FSH Fonds solidarité habitat
HLM Habitation à loyer modéré
LLS Logement locatif social
LOLF Lois organiques relatives aux lois de finances
MOUS Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale
OPAH Opération programmée d’amélioration de l’habitat
OPAHRU Opération programmée d’amélioration de l’habitat de renouvellement urbain
ORGANIC Organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce
Pact Arim Protection, amélioration, conservation et transformation de l’habitat - association de restauration immobilière
PCS Plan de cohésion sociale
PEX Prêt expérimental
PLAI Prêt locatif aidé d’intégration
PLUS Prêt locatif à usage social
PNLHI Pôle national de lutte contre l’habitat indigne
PNRQAD Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés
PNRU Programme national de rénovation urbaine
TACA Taxe d’aide au commerce et à l’artisanat
UNPI Union nationale de la propriété immobilière
ZUS Zone urbaine sensible
CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL
Dans son avis de janvier 2008 Réconcilier et réunifier la ville, le CES propose que l’ANRU intervienne plus largement dans les quartiers anciens dégradés et mobilise en leur faveur les atouts qu’elle détient. L’article 12 du « Projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » reprend pour partie la proposition du CES. Saisi pour avis de cet article visant à mettre en œuvre un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, le CES en salue l’ambition tout en souhaitant que les incertitudes qui existent encore sur sa gouvernance et son financement soient rapidement levés.