Projet de loi SVE : la raison impérative d’intérêt public majeur reconnue au stade de la déclaration d'utilité publique

Les députés ont adopté une disposition visant à constater la RIIPM, non au stade de l’autorisation environnementale, mais bien plus tôt dans la vie des projets. Cette « raison impérative » est l’une des conditions à remplir pour décrocher une dérogation espèces protégées.

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Espèces protégées - Rollier d'Europe
Pour sécuriser le risque contentieux des projets, les députés misent sur la reconnaissance de la RIIPM, l'une des conditions pour obtenir une dérogation espèces protégées, au stade de la DUP.

Eviter le blocage des grands projets d’infrastructures, comme celui de l’A69. Tel est l’objectif, pleinement assumé, de l’amendement gouvernemental adopté en séance par les députés dans le cadre de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique (SVE).

Concrètement, il s’agit de reconnaître la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) d’un projet – l’une des trois conditions nécessaires pour obtenir une dérogation espèces protégées (*) – dès le stade de la déclaration d’utilité publique (DUP). Actuellement, cette condition est examinée au stade de l’autorisation environnementale, qui intervient souvent plusieurs années après la DUP.

* Les deux autres conditions – qui devront dès lors toujours être démontrées au stade de l’autorisation environnementale – sont :

- l’absence d’autres solutions alternatives satisfaisantes,

- et l’absence de nuisance au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle (art. L. 411-2 4° du Code de l’environnement).

 

Purger le risque contentieux en amont

Cette reconnaissance « en amont de la vie des projets » permettra de purger le « risque contentieux sur ce sujet crucial en même temps et devant le même juge que le risque contentieux sur la DUP, purge qui intervient le plus souvent avant l’engagement des travaux », explique le gouvernement.

Et pour les projets qui ne nécessitent pas d’expropriation et ne font donc pas l’objet d’une DUP, cette reconnaissance sera ouverte au stade de la déclaration de projet lorsqu’elle est prononcée par l’Etat au titre du Code de l’environnement ou du Code de l’urbanisme.

Elle ne pourra être contestée « qu’à l’occasion d’un recours dirigé contre la DUP ou la déclaration de projet, dont elle est divisible. Autrement dit, pas de contestation possible de la RIIPM à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte accordant la dérogation.

Rappelons que la loi Industrie verte a déjà prévu cette possibilité, mais « pour un nombre restreint de projets » (art. L. 300-6 du Code de l’urbanisme et L. 122-1-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique). La nouvelle disposition vise, elle, tous les projets, « quelle que soit leur nature (projet industriel, d’infrastructure de transport, d’énergie, etc.) ».

 « Sécuriser les projets routiers emblématiques »

De surcroît, deux sous-amendements (n° 2769 et 2770) rédigés dans les mêmes termes et déposés par des députés du groupe Ensemble pour la République (Jean Terlier, Stéphane Mazars et Jean-François Rousset) viennent compléter et renforcer le dispositif « afin de sécuriser les projets routiers structurants ». D’une part, le texte oblige l’Etat à statuer explicitement sur le caractère de RIIPM d’un projet au moment de la déclaration de projet ou de la DUP - l’amendement du gouvernement ne prévoyait qu’une possibilité. D’autre part, il prévoit que le décret qui précisera les conditions dans lesquelles la RIIPM sera reconnue, devra également préciser les modalités selon lesquelles l’État statue sur le caractère de projet répondant à une RIIPM pour les projets ayant fait l’objet d’une DUP ou déclaration de projet « avant l’entrée en vigueur de la loi ».

Dans le même esprit, un troisième sous-amendement (n° 2768) des mêmes députés, ouvre la reconnaissance de la RIIPM « aux projets pour lesquels une [DUP] ou une déclaration de projet a été prise avant l’entrée en vigueur de la présente loi, sous réserve qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une décision juridictionnelle devenue définitive annulant ladite déclaration. »

A travers ces sous-amendements, l’objectif est clair, il s’agit de sécuriser « plusieurs projets routiers emblématiques », déjà « engagés mais suspendus à la suite de contentieux ». Les députés citent entre autres celui du contournement de Beynac, « dont la déclaration d’utilité publique est toujours en vigueur », le projet de l’A69, ou encore « le projet d’aménagement à 2x2 voies de la RN88, en Aveyron, déclaré d’utilité publique depuis le 20 novembre 1997 ».

Projets d’intérêt national majeur

En commission, les députés ont élargi la définition des projets qualifiés d'intérêt national majeur (PINM) aux projets d'infrastructure (art. 15, cf. art. L. 300-6-2 du Code de l’urbanisme). Pour mémoire, cette disposition, introduite par la loi Industrie verte pour les projets industriels, prévoit la reconnaissance anticipée d’une RIIPM puisque le décret qui qualifie le projet de PINM « peut lui reconnaître le caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur ». Ce dispositif a récemment été déclaré conforme à la Constitution. Cette mesure n’a pas été remise en cause en séance.

Exit la présomption de RIIPM

En revanche, l’article 15 bis A adopté lui aussi en commission et qui prévoyait une présomption de RIIPM pour les projets d’infrastructures déclarés d’utilité publique en application de l’article L. 122-1-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique a finalement été supprimé en séance.

 

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