J'ai demandé un projet qui fasse rêver, tout comme les logements de Mourenx l'avaient fait à leur construction dans les années 1950-1960 avec un chauffage central. Nous avons voulu montrer que nous étions capables de renouer avec cette modernité, insiste Patrice Laurent, le maire (DVG) de la commune des Pyrénées-Atlantiques depuis 2014, quand il évoque le projet Les Terrasses du Tourmalet, mené par CDC Habitat, qui démarrera en septembre place François-Mitterrand. Il viendra remplacer une tour de 17 étages et 99 logements, des studios alors destinés aux jeunes travailleurs du bassin d'exploitation du gaz de Lacq, à 5 km de là. Surnommée tour des Célibataires, elle figurait sur le blason de la ville jusqu'en décembre dernier. Et pour cause, elle a été démolie un an plus tôt.
Le chantier qui s'annonce traduit le souhait de la commune de renouveler son identité. Une métamorphose menée en partenariat avec CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts déjà aux manettes il y a soixante-dix ans. Pour l'architecte Alexandre Lacaze, cette opération de 22 logements intergénérationnels traversants avec ses terrasses généreuses marque une rupture dans le paysage mourenxois : « Nous avons travaillé sur la verticalité et les courbes afin de rompre avec cette image normée et rigide. » De la tour des Célibataires, Les Terrasses du Tourmalet hérite de la fonction de bâtiment totémique.
Ville éphémère
Pour répondre aux besoins en main-d'œuvre du bassin industriel de Lacq, la décision de créer la ville nouvelle de Mourenx est prise en 1954. Les premiers résidents arriveront quatre ans plus tard. Il était prévu à l'époque de raser la ville une fois les gisements taris. Ses plans ont été dessinés par les architectes René-André Coulon, Jean-Benjamin Maneval et Philippe Douillet. La commune a compté jusqu'à 11 000 habitants dans les années 1960 pour redescendre à moins de 6 000 aujourd'hui. Les immeubles et maisons ont été majoritairement construits par CDC Habitat qui a géré un parc de 2 000 logements jusqu'en 2013, date à laquelle l'opérateur a démarré un plan stratégique de patrimoine qui prévoit réhabilitations et démolitions.
Conçue selon les principes de la ville-parc, Mourenx est dense. Elle se compose d'un centre doté de barres de quatre étages et de tours de 12 étages auxquelles s'ajoutent des lotissements situés sur les collines. Le taux de logements sociaux s'élève à 60 %, dont 90 % sont gérés par le bailleur. « Nous pâtissons d'une image de ville de banlieue », regrette le maire. Les logements sociaux de CDC Habitat enregistrent un taux de vacance moyen de 7 %, taux qui atteint 60 % dans les étages supérieurs des petits immeubles, dépourvus d'ascenseurs.
Répondre aux nouveaux besoins.
A rebours de ce déficit d'attractivité, le bassin de Lacq poursuit depuis dix ans une reconversion vers la chimie verte. « D'ici 2028-2030, 2 000 emplois seront créés. Nous avons donc prévu de doubler la réalisation de logements dans les six prochaines années », indique le maire. Et Marie-Pierre Tisnérat, directrice de l'agence Pau Sud Aquitaine chez CDC Habitat, de préciser que « ces constructions apporteront une autre forme urbanistique afin de sortir d'un bâti monotypé ».
Pour y parvenir, le bailleur investira 35 M€ d'ici 2027 afin de réhabiliter les logements - 1 000 à ce jour - et 5 M€ pour réaliser deux nouveaux bâtiments. Il a commencé par aérer en démolissant 20 % de son patrimoine - soit 400 logements répartis dans huit de ses 35 bâtiments - tout en opérant des transformations fonctionnelles sur le bâti conservé. « Nous avons installé des ascenseurs, des coursives et des balcons. Sur certains bâtiments, le 4e étage a été neutralisé pour éviter la mise en place d'un ascenseur. Nous avons ainsi ajouté une ligne de toit et isolé. Une intervention réversible », détaille Marie-Pierre Tisnérat.
Des travaux qui ont déjà permis de modifier les formes urbaines. « Il fallait trouver plus de personnalité dans l'architecture et les réhabilitations sont l'occasion de repenser l'enveloppe », note Jérôme Farcot, directeur interrégional Sud-Ouest de CDC Habitat. Alexandre Lacaze a notamment profité de son intervention sur le bâtiment E9 pour y adosser des coursives en bois. Opération qui a remporté le prix régional 2018 de la construction bois.
Ces programmes ont aussi contribué à accroître une offre seniors encore faible. Outre les logements intergénérationnels des Terrasses du Tourmalet, Les Chalets de Pombie amène une proposition inédite, à savoir 12 maisons mitoyennes en centre-ville. « Nous souhaitons proposer un parcours résidentiel pour répondre aux demandes des arrivants comme à celles des habitants historiques », ajoute Jérôme Farcot. Domofrance a également inauguré il y a un an 25 locatifs sociaux, dont 18 dédiés aux seniors. Un nouveau besoin est par ailleurs apparu : « Des retraités aimeraient investir car il n'y a pas de vacance dans le privé, constate Patrice Laurent. Mais il n'existe pas d'offre en logements libres. » Le maire n'oublie cependant pas les jeunes, au cœur de son projet de création d'un campus des métiers à la rentrée prochaine, afin d'adapter l'offre de formations aux besoins des entreprises spécialisées dans la chimie verte. D'ici un an doivent débuter les travaux d'une résidence étudiante, menés par Domofrance.



Les grandes dates du bassin de Lacq
- 1954 : Mourenx compte 218 habitants.
- 1955 : démarrage de l'exploitation du gisement de gaz à Lacq, estimé à 150 milliards de m3, par la Société nationale des pétroles d'Aquitaine. - 1957 : première pierre de Mourenx ville nouvelle. - 1968 : la commune enregistre 10 734 habitants.
- 1983 : réduction de la production de gaz.
- 1989 : programme de reconversion accepté par le Feder.
- 2003 : création de Chemparc, groupement d'intérêt public destiné à favoriser l'implantation de nouvelles industries dans le bassin de Lacq.
- 2013 : arrêt de l'exploitation commerciale du gaz par Total qui investit 100 M€ dans la reconversion du site.
- 2014 : inauguration de l'usine de Toray, fabricant de polyacrylonitrile, matière première de la fibre carbone, qui marque le renouveau industriel. - 2021 : Mourenx compte 5 846 habitants.