Qualité de sous-traitant pour le louage de matériel de chantier

ARRET DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE ROUEN DU 19 JUIN 2000 - «SOCIETE HEK - OFFICE PUBLIC D'HLM DE ROUEN» - N° 961110

Le Tribunal administratif de Rouen, 2e chambre,

Vu la requête enregistrée le 18 juillet 1996, présentée pour la Société HEK, dont le siège social est situé 15 avenue de l'Europe, 60530 Neuilly-en-Thèle par Me Arayo, avocat au barreau de Paris ; la Société HEK demande que le Tribunal condamne l'office public d'HLM de Rouen à lui payer la somme de 273 723,47 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 juillet 1993, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite du défaut de son agrément en qualité de sous-traitant de l'entreprise Woimant, titulaire du lot «menuiserie-charpente» dans le cadre d'un marché dont il est le maître d'ouvrage ;

Vu, enregistré le 16 novembre 1998, le mémoire en défense présenté pour l'Office public d'HLM de Rouen, dont le siège social est situé 5 place du Général de Gaulle, 76000 Rouen, par Me Conil, avocat au barreau de Rouen, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la Société HEK au paiement de la somme de 6.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel;

Vu, enregistré le 27 novembre 1998, le mémoire en réplique présenté pour la Société HEK qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens et sollicite en outre le paiement de la somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 ; Vu le code des marchés publics ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2000 :

- le rapport de Mme Léglise, conseiller,

- les observations de Me Conil, avocat de l'office public d'HLM de Rouen ;

- et les conclusions de M. Ladreyt, commissaire du gouvernement.

Considérant que par marché passé le 5 décembre 1991, l'Office public d'H.L.M. de Rouen a confié à l'entreprise Woimant, le lot «menuiserie, isolation thermique des façades» dans le cadre de la rénovation d'un immeuble situé rue Lausanne ; que la Société HEK, se prévalant d'un contrat de sous-traitance passé le 19juin 1992 entre la S.A.R.L. Sami, aux droits de laquelle elle a succédé, et l'entreprise Woimant, sollicite la condamnation de l'office à lui payer la somme de 273 723,73 F correspondant aux travaux qu'elle a réalisés et dont elle n'a été payée ni par l'entreprise Woimant, ni par le biais du paiement direct, n'ayant pas été agréée par le maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1975 : «Le contrat de sous-traitance est l'opération par laquelle une entreprise confie par un sous-traité et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l'exécution du contrat d'entreprise ou du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage» ; qu'en outre, aux termes de l'article 2 du code des marchés publics : «Le titulaire d'un marché public ayant le caractère de contrat d'entreprise peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché, à condition d'avoir obtenu de la collectivité l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément des conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance (...)» ; qu'il résulte de ces dispositions que le contrat de sous-traitance suppose l'exécution, par le sous-traitant et de façon autonome, d'une partie du marché dont est titulaire le donneur d'ordres ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise Woimant, titulaire d'un marché de travaux d'isolation thermique de façades, menuiserie PVC et volets, a passé le 19 juin 1992 avec la S.A.R.L. Sami, à laquelle a succédé la société HEK, un contrat relatif à la "location de nacelles élévatrices, y compris leur montage et démontage" ; que la facture établie par la S.A.R.L. Sami, qui contient un descriptif des prestations, mentionne : "location de nacelle sur tours A et B, mise à disposition, pose et dépose, transport, manutention de deux nacelles élévatrices" ; que par ces prestations, la S.A.R.L. Sami s'est bornée à mettre à la disposition de l'entreprise Woimant un matériel de louage que cette dernière ne possédait pas afin de lui permettre d'exécuter des travaux faisant l'objet du marché ; que dès lors et nonobstant la qualification donnée par les parties, ce contrat ne peut être regardé comme un contrat de sous-traitance faisant naître, le cas échéant, des obligations pour le maître de l'ouvrage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la Société HEK ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant que la Société HEK ayant la qualité de partie perdante, il n'y a pas lieu de faire droit à ses conclusions en ce sens ; qu'en revanche, il y a lieu de la condamner à payer à l'office public d'HLM de Rouen, la somme de 4.000 F sur ce fondement ;

Décide :

Article 1er : La requête de la Société HEK est rejetée.

Article 2 : La Société HEK est condamnée à payer à l'Office public d'HLM de Rouen la somme de quatre mille francs (4.000 F) en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Société HEK et à l'Office public d'HLM de Rouen.

COMMENTAIRE MONITEUR

Une société avait donné en location à une entreprise, titulaire d'un marché de travaux d'isolation thermique de façades, menuiserie et volets, des nacelles élévatrices. Compte tenu de la défaillance de l'entreprise titulaire du contrat, la société de location s'est retournée contre le maître d'ouvrage en invoquant sa situation de sous-traitant

QUESTION Etait-ce possible ?

Le Tribunal administratif de Rouen a refusé de reconnaître la qualité de sous-traitant à l'opérateur. La qualité de sous-traitant suppose en effet qu'une exécution d'une partie du marché soit réalisée de manière autonome. Le seul fait de mettre à disposition des nacelles élévatrices n'impliquait pas une exécution personnelle et autonome d'une partie du contrat. D'où l'échec de la requête.

Cette position des magistrats est logique sur le plan juridique : un contrat de louage de matériel ne saurait conférer à la société bénéficiaire, la qualité de sous-traitant de l'entrepreneur principal.

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